La science au placard ?
par moizaussi
mercredi 14 mars 2007
Les informations scientifiques disparaissent peu à peu de la plupart de médias. Quelle en est la signification ?
Le site Web du magazine Le Point a été récemment refait. Il est
intéressant de regarder la place qu’a la science dans les médias français
d’aujourd’hui.
Quelques exemples :
- sur le site du magazine Le Point, la rubrique "High Tech" semble avoir
remplacé l’espace destiné à la science, qui ne se retrouve plus
mentionnée que dans les Dossiers. Quatre dossiers seulement en ligne au
27 février 2007.
- sur le site du quotidien Le Monde, la rubrique scientifique vient après
celle sur les "Technologies", qui vient après "Sports", qui vient après
"Médias"... La science est 10e sur 12. Pas brillant.
Qui plus est, la rubrique vient d’être renommée "Nature et sciences"... comme si la science en elle-même n’était plus suffisante.
- l’hebdomadaire Nouvel Obs s’en sort mieux puisque les sciences sont
mentionnées dans la partie "Actualités", mais la raison première est son
affiliation avec le mensuel Science et Avenir
- l’hebdomadaire L’Express semble avoir gardé les pieds sur terre,
puisque la science apparait en 5e place sur 6, juste devant la
rubrique "High Tech".
- sur le site du quotidien Libération, la rubrique apparaît juste
avant celle des dépêches, et semble être mise à jour très
épisodiquement (2 brèves le 31 janvier, rien jusqu’au 20 février...)
- pour le quotidien Le Figaro, sciences et médecine vont de pair. Serait-ce que les médecins sont surreprésentés dans son lectorat ?
- enfin, sur AgoraVox, un article scientifique doit être étiquetté "Science et techno", mettant implicitement les deux sujets au même niveau.
Ce petit tour d’horizon n’a rien d’exhaustif ni d’impartial. Il vise juste à illustrer le fait que la science n’a pas, ou n’a plus, vraiment droit de cité dans les grands médias. Petit à petit, sa place diminue, son rang dans les rubriques recule. Pis encore, bien souvent, insidieusement, elle est mélangée au verbiage se faisant appeller "High Tech" et qui en d’autres temps aurait pu s’appeller "Gadgets".
La vulgarisation de la science est un art ô combien difficile, à la hauteur de la difficulté de la science elle même. Expliquer à la fois les mécanismes découverts, donner une perspective qui s’inscrive dans la société qui lui a donné le jour, le tout dans un langage accessible au plus grand nombre, est à la portée de peu d’esprits brillants.
Qui plus est, la science nous renvoie une relation au temps peu en rapport avec celle que nous ressentons tous les jours, et encore moins avec celle sur laquelle se sont calés les médias. Les nouveautés ne sont pas légion, mais elles peuvent changer le monde. Tout l’inverse du brouhaha médiatique. Il faut tous les jours avoir quelque chose de nouveau à donner en pâture, mais il faut surtout qu’on puisse vite l’oublier et surtout qu’on n’ait pas besoin d’y revenir.
La relégation des sciences dans les médias est bien naturelle, tant leurs mondes ne s’accordent pas. Mais naturel n’est pas légitime, et ne perdons-nous pas collectivement une partie de notre savoir commun, de notre richesse, des biens publics - fussent-ils immatériels - quand nous acceptons que la science ne fasse plus partie de la vie publique ?
L’émission d’Arte, Archimède, dont certains demandent le retour depuis sa déprogrammation il y a deux ans, était un prototype merveilleux de ce dialogue entre science et scientifiques, voire technologues, d’un côté, et la société de l’autre. On peut se demander si la disparition de cette émission n’a pas accéléré la diminution de l’importance de la science dans les autres médias.
Un récent rapport fustigeait la valorisation de la recherche en France. Une des raisons de ces difficultés ne vient-elle pas du fossé toujours plus grand entre les acteurs de la science, et leurs destinataires, qui sont également les légitimes propriétaires des résultats scientifiques, les acteurs de la société, les citoyens ?
Haro, une nouvelle fois, sur les médias ? Osons dire que ce renoncement est sûrement plus le résultat d’une trop grand facilité à céder à... la facilité, qu’une véritable décision stratégique.
La science n’est pas marchande, elle ne sera donc plus diffusée, deviendra plus hermétique, et encore moins marchande... Où va-t-on ?
A l’heure où tous s’effraient des enjeux de la "société de la connaissance", n’est-il pas temps, et plus que temps, de remettre la connaissance à la portée de la société ?