Langage SMS, achak1 son style

par Decoster
vendredi 2 février 2007

Découvrez le nouvel ouvrage consacré au langage SMS coécrit par Cédrick Fairon, responsable du Centre de traitement automatique du langage (CENTAL/UCL), Jean Klein, professeur au Département d’études romanes de l’UCL et Sébastien Paumier, professeur à l’Université de Marne-la-Vallée, en France.

Face à l’engouement de la population pour le SMS, une équipe de chercheurs de l’UCL s’est lancée, en 2004, dans l’analyse de ce nouveau langage du XXIe siècle. Pas moins de 75 000 messages ont ainsi été envoyés anonymement, par des personnes de tous âges et de profils différents. Après deux années d’étude, ces chercheurs présentent aujourd’hui les résultats de cette analyse en profondeur, à travers un ouvrage complet. L’outil idéal pour mieux comprendre ce langage à la mode et accéder à une image réaliste du SMS.

Qu’on les aime ou non, il faut se rendre à l’évidence, les téléphones portables sont désormais dans (presque) toutes les mains, dans (presque) toutes les poches, de 7 à 97 ans. Mais vous l’aurez noté, s’ils sonnent ou vibrent, ce n’est pas toujours pour signaler un appel téléphonique... Très souvent (le plus souvent ?), c’est pour vous annoncer la livraison d’un petit message textuel : bienvenue dans l’ère du texto, du SMS, du mini-message.

Tantôt billet doux du XXIe siècle, tantôt nota bene électronique, les SMS sont rédigés dans un style qui s’éloigne volontiers de la norme et des usages standard : on sculpte le texte par jeu, pour qu’il soit plus expressif, soit pour limiter l’effort d’un encodage pénible sur un petit clavier ou tout simplement pour qu’il tienne dans la fameuse limite des 160 caractères au-delà de laquelle double le coût du message... Dans cet espace où toutes les fantaisies sont permises (tant que le message reste compréhensible par son destinataire), de nouvelles abréviations voient le jour et, parfois, se répandent. On appelle cela communément le « langage SMS » parfois assimilé à des catégories plus larges qui englobent les outils de communication sur Internet (le cyberlangage, la cyberlangue, la novalangue). Devenu véritable phénomène de société le « langage SMS » est aujourd’hui commun et répandu au point de franchir régulièrement les frontières du monde virtuel de la téléphonie mobile pour se retrouver dans la presse, dans la publicité et même sur des affiches de campagne électorale.

Les linguistes, sociologues, psychologues et autres spécialistes de la communication s’inquiètent ou se réjouissent de ce phénomène. Les plus craintifs voient d’un mauvais œil la vague SMS en train de balayer grammaire et orthographe, repères déjà peu maîtrisés par les jeunes très friands de nouvelles technologies. Les plus optimistes y voient au contraire des jeux de langue propres à inciter à la fréquentation de l’écrit, un nouveau langage permettant des formes nouvelles d’expression et enrichissant les échanges entre individus.

Pour y voir plus clair et tenter d’objectiver l’analyse, deux centres de recherche de l’Université catholique de Louvain en Belgique (le Cental, Centre de traitement automatique des documents et le Celexrom, Centre d’étude des lexiques romans) ont décidé de récolter plusieurs dizaines de milliers de SMS pour constituer un corpus de référence, c’est-à-dire une base de données utilisable par les chercheurs pour étudier le phénomène. En deux mois, ce projet intitulé « Faites don de vos SMS à la science » et organisé en Belgique francophone a permis de rassembler 75 000 SMS écrits et envoyés par 3200 participants (www.smspourlascience.be).

Après deux ans de travail sur le corpus, les chercheurs viennent de présenter leur méthode et leurs résultats dans un livre intitulé Le langage SMS, publié aux Presses Universitaires de Louvain (www.i6doc.com/doc/sms). Pour la première fois, une étude linguistique sur le langage SMS se fonde sur un corpus à grande échelle constitué de matériaux authentiques représentant une grande diversité d’usages et d’usagers. Qu’est-ce que le langage SMS ? Assiste-t-on à l’avènement d’un nouveau langage ? A qui s’adresse-t-il ? Est-il nuisible à l’apprentissage de la langue française ? Autant de questions auxquelles les auteurs ont tenté de répondre, en se basant strictement sur les SMS récoltés, de manière anonyme.

Plusieurs constats ressortent clairement de cette étude et parfois mettent en cause une série d’idées reçues sur le « langage SMS » :

- Ce langage s’est répandu à la suite des contraintes technologiques et économiques du GSM : faire passer un message en peu de mots, au moindre coût.

- L’engouement pour le SMS peut également s’expliquer par la disparition de certaines barrières. Il crée un type de contact très différent, permettant par exemple au timide de s’exprimer sans crainte de rougir ou de bafouiller.

- Le SMS n’est pas un langage unique : il varie fortement en fonction du profil de l’utilisateur. Ainsi, les 15-25 ans sont ceux qui se sont le plus approprié ce nouveau mode de communication et qui sont le plus inventifs. A l’inverse, les 45-65 ans écrivent souvent un SMS comme ils écriraient une carte postale : en utilisant le langage courant.

- Le SMS permet également à certains de se réapproprier leur langue et de la faire évoluer, en inventant constamment de nouveaux mots. On assiste ainsi à une diversité du langage SMS, chaque jour renouvelée.

- Le SMS n’aurait pas nécessairement sur l’orthographe des jeunes l’influence néfaste qu’on lui prête. Des études montrent par ailleurs que cela ne perturbe pas outre mesure la syntaxe des jeunes. Certains enseignants signalent tout de même de « nouvelles fautes », comme l’utilisation à outrance de la lettre k, pourtant peu usitée en français.

- Le langage SMS n’est pas nouveau ! Il puise ses racines dans l’argot utilisé par les jeunes, les abréviations, les abréviations et l’utilisation phonétique des caractères.

Au total, le "langage SMS" n’est pas un nouveau langage mais simplement une extraordinaire concentration de procédés, déjà existants pour la plupart (abréviations, rébus, sigles...). Bien souvent, il s’agit d’un maquillage en surface des messages, qui, une fois décodés, se révèlent être en un français grammaticalement correct. De plus, même si les messages sont brefs et se focalisent autour d’un petit nombre de thèmes (prise de nouvelles, question, réponse...), ils respectent néanmoins les règles sociales de communication puisque les formules d’introduction (bonjour, hello...) et de politesse (bisous, à plus...) sont largement présentes. On note même une tendance généralisée à utiliser des pluriels en oux pour les termes affectifs (bisoux, kissoux, poutoux...) qui semble être aussi typique des SMS que la formule @+ l’est pour les mails.

Cédrick Fairon, Jean René Klein et Sébastien Paumier.

Le langage SMS. Etude d’un corpus informatisé, à partir de l’enquête « Faites don de vos SMS à la science », Presses Universitaires de Louvain (PUL)

Disponible sur http://www.i6doc.com/doc/sms

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