Le 21ème siècle sera le siècle de la virologie : Une révolution scientifique nous est promise

par Bernard Dugué
lundi 14 décembre 2020

 

 1) Le gène aura marqué les sciences du vivant

 … depuis les contributions de l’embryologiste Morgan qui au début du XXe siècle élabora le concept de « gène », laissé en friche pendant des décennies, avant qu’il ne trouve le support moléculaire permettant d’en faire le concept central de la biologie à partir de la décennie 1960. Un concept dont la puissance provient aussi de la découverte du code génétique reliant un codon de trois nucléotides aux acides aminés qui sont les briques élémentaires assurant les fonctionnalités des cellules. Ces deux révolutions se sont combinées à la fois sur le plan théorique et technologique. Des milliards de gènes sont maintenant enregistrés dans les banques de données, permettant de connaître la séquence des protéines et d’effectuer des recherches in silico. Sans les technologies de séquençage génétique, la séquence des protéines aurait été inaccessible. L’historienne des sciences Evelyn Fox-Keller a construit l’idée d’un siècle du gène traversant le XXe siècle, non sans souligner l’équivoque de cette avancée scientifique qui au final, se révèle être une victoire à la Pyrrhus. Les colossales datas sur les gènes n’ont pas abouti à une explication du vivant. Il ne s’est pratiquement rien passé depuis des décennies. Deux courants se sont dessinés, l’un centré sur l’idée d’un déterminisme génétique à élucider, avec ses mécanismes algorithmiques, l’autre sur les processus d’auto-organisation jouant sur les lois physiques régissant l’interaction complexe des composants moléculaires (J. Maynard-Smith, La construction du vivant, Casini, 2000).

 Le champ théorique reste ouvert, comme le confirme Evelyn Fox Keller qui : « montre que les succès mêmes qui ont emporté notre imagination ont aussi radicalement miné le caractère central du gène en tant que concept explicatif de l'hérédité et du développement, même s'il continue d'être utilisé et n'est pas près d'être abandonné. Avec le séquençage complet du génome humain, les biologistes en sont venus à se rendre compte qu'ils n'avaient pas atteint la fin de la biologie, mais qu'ils étaient au commencement d'une nouvelle époque. Non seulement ils n'avaient pas trouvé le « secret de la vie », mais cet aboutissement révélait plus encore la complexité de l'ordre du vivant et les limites de la vision qui fut à l'origine de la génétique. Il restait cette fois à comprendre la manière dont les composants élémentaires s'assemblent et « fonctionnent » ensemble, ce qui rend leur assemblage robuste, fiable et apte à évoluer. » (Le siècle du gène, Gallimard, 2005, 4ème couv’)

 La biologie est loin de l’explication finale du vivant. Le XXe siècle a aussi été le siècle de la physique quantique, une aventure commencée il y a presque cent ans, sans que les secrets de la matière n’aient été percés faute de perspicacité spéculative. La physique quantique dit quelque chose sur la matière que ne veulent pas voir les physiciens parce qu’ils en sont encore à la séparation objet sujet. Les théories de l’auto-organisation ont façonné une première systémique qui ne permit pas d’élucider la conjecture centrale de l’émergence du tout avec les parties, sans doute parce que les parties sont une fiction cartésienne. Les systémiciens se sont séparés sur un constat d’échec après le colloque de Cerisy tenu en 1980. Les théories du chaos ont amusé le grand public dans les années 1980, avec les fractales, les attracteurs étranges et le mythe de l’effet papillon.

 

 2) 2020, année apocalyptique au sens philosophique, l’apocalypse signifiant révélation.

 Le SARS-CoV-2 est une malédiction pour la plupart alors que ce virus s’avère salutaire si l’on admet qu’il nous a révélé l’état du monde, ce que sont les régimes et surtout les hommes. Chacun s’est un peu révélé, face à lui-même et face aux autres. Nous avons constaté que des personnalités que l’on croyait ancrées dans les valeurs et les vertus placer leur âme sous la gouverne de la peur et de l’ignorance. Ce Covid-19 invite surtout la science à revoir ses fondamentaux. Cette science biomédicale, fondée sur la connaissance inachevée sur vivant, a montré ses limites face à cette infection virale, comme elle peine à avancer dans d’autres secteurs, cancérologie, Alzheimer et bien d’autres pathologies. La biologie est face à un mur gnoséologique qu’elle ne parvient pas à franchir. L’avènement du SARS-CoV-2 a façonné un monde inédit, mobilisé des chercheurs comme jamais, avec à la clé un nombre colossal de publications consacrées à un seul virus et pourtant, aucun traitement efficace n’est disponible. L’infectiologie est comme la cancérologie ou la neurologie ; face au mur. Il ne faut rien espérer d’un vaccin ni d’un traitement antiviral magique, il n’y en aura pas, cela fait des décennies que l’on en cherche (le cas de la trithérapie est particulier). De plus, il n’est pas exclu qu’un nouveau virus apparaisse, avec les processus de recombinaison au sein du réservoir des sarbecovirus.

 Mettre des milliards dans la recherche sur les vaccins ou les antiviraux ne résoudra pas le problème. Il faut changer de regard sur le « virus ». Trop de publications sont orientées vers la recherche de cibles thérapeutiques, de mécanismes, alors qu’il faudrait employer une approche systémique. Quelques millions dépensés en recherches théoriques peuvent générer des avancées scientifiques majeures. La virologie est peut-être dans la situation de la physique à l’époque de Lord Kelvin, autrement dit, avant les deux révolutions relativistes et la révolution quantique.

 

 3) Comment la virologie pourrait-elle basculer ?

 a) En quittant l’emprise épistémologique de la génétique, autrement dit, en mettant l’accent sur le jeu des protéines. Autrement dit, il s’agira de prendre l’alternative physique, dynamique, de l’auto-organisation, suggérée par Maynard-Smith et prendre comme maxime ; les protéines mènent le jeu. Mais quel est donc ce jeu ? Il faut placer l’angle d’attaque non plus sur la biologie du développement mais les émergences, le darwinisme sémantique et la seconde systémique que j’ai esquissée. Mon éditeur m’avait suggérer d’étudier la morphogenèse après mon premier livre sur l’information et la scène du monde. Ce sont les émergences que j’ai analysées (voir références), enjeu plus difficile et bien évidemment, plus passionnant. Un scientifique qui veut faire des découvertes doit faire sienne cette maxime ; les choses faciles sont ennuyeuses. Et puis aussi, la plus belle des parties est celle que personne ne peut gagner, comme aurait dit sans doute Nietzsche. Et pour la gagner, il faut suivre Miles Davis et jouer plus loin que ses possibilités.

 b) Le jeu sur la morphogenèse et les émergences n’est pas uniquement physique, lié aux mécanismes, aux forces électromotrices, aux cascades d’actions, aux chaînes électrochimiques produisant l’ATP. Ce jeu est sémantique, il utilise des codes, des systèmes d’interprétation. La seconde systémique repose sur la sémantique, les codes, reconnaissant la division du monde entre dispositions et communications, prolongée en division entre sources et champs. Cette dualité sources et champs fut à l’origine de la révolution électromagnétique propulsée par Faraday et Maxwell, puis de la révolution cosmologique menée par Einstein dont la théorie est axée sur le principe sources (masses) et champ (géométrodynamique de l’espace). Dans le domaine du vivant, le champ est celui des signes et signaux, et les sources sont les entités vivantes ayant réussi à se constituer comme noyaux capables d’utiliser le champ et de pouvoir acquérir une sorte d’émancipation, d’abord moléculaire, puis cellulaire et enfin, pluricellulaire. Quelle est la place et le rôle des virus dans ce jeu ? Nous le saurons peut-être, ou peut-être pas.

 

 3) La compréhension des virus reste l’aventure la plus fascinante de notre siècle. Si nous comprenons les virus, nous parviendrons à percer quelques secrets de la vie qui pour l’instant restent cachés. Si j’ai du nouveau, je publierai un prochain papier, qui fera une cinquantaine de pages. Il n’est pas facile de pénétrer les codes moléculaires. La révolution est à notre portée mais sommes-nous à la portée d’une Révolution ?

 

 

Références

 

 L’information et la scène du monde, Iste éditions, 2017

 https://iste-editions.fr/products/linformation-et-la-scene-du-monde

 

 

 Temps, émergences et communications, Iste éditions, 2017

 https://iste-editions.fr/products/temps-emergences-et-communications

 

 Sommaires

 https://www.istegroup.com/wp-content/uploads/2017/07/242_L%E2%80%99information_et_la_sc%C3%A8ne_du_monde_tdm.pdf

 

 https://www.istegroup.com/wp-content/uploads/2018/03/349_Temps-%C3%A9mergences-et-communications_TDM.pdf

 

 

 Traduction anglaise

 http://www.iste.co.uk/book.php?id=1199

 http://www.iste.co.uk/book.php?id=1332

 


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