Le contrat de désensorialisation dans l’enseignement des sciences. Abus et remèdes

par JC_Lavau
mercredi 8 août 2018

Ce sujet de recherches a été interdit par le ministère : il déroge aux thèmes nationaux prescrits par l’omniscience du ministère. Pensez donc ! Oser constater qu’il y a des abus ! Quelle impiété !

Par ces temps de canicule, il importe de déterminer à quelle heure de la nuit ouvrir toutes les fenêtres, à quelles heures du matin claquemurer afin que n’entre plus un rayon de soleil direct, ni d’air chauffé. Bof, facile puisque nous avons des capteurs thermiques sur toute la peau, notamment sur les mains et le visage ? Non, pas si facile car l’évolution avait sélectionné ces capteurs selon bien d’autres logiques que celle de la fiabilité objective. La majeure partie du temps, notre peau est traversée d’un flux de chaleur sortante ; or si nous founissons cent watts mécaniques, cela fait au moins quatre cents watts thermiques à évacuer, en plus de notre métabolisme de base (de l’ordre de 75 W, base standard pour les calculs, en réalité fortement variable selon le sexe, l’âge, la musculature, et selon l’heure de la nuit). Certes en ventilation forcée dans l’effort, nous évacuons beaucoup de cette chaleur par la respiration et notamment par la vapeur d’eau expirée, mais la peau intervient aussi largement, notamment par la sécrétion de transpiration, dont l’évaporation doit permettre une meilleure régulation thermique.

 

Quand je vais à la fenêtre et que j’ai une sensation de fraîcheur sur ma peau, cela prouve-t-il que l’air du dehors est plus frais ? Pas sûr, car cela dépend du vent qui peut-être balaie ma peau, et évacue mieux ma chaleur corporelle. Cela dépend aussi beaucoup de mon humidité de transpiration. Nos capteurs thermiques incorporés de naissance sont imprécis et infidèles. Ne se fier qu’à nos impressions peut nous tromper lourdement.

 

On a des bases plus saines si on complète l’information sensorielle par des instruments impersonnels. Une station météo du commerce grand public comprend deux capteurs, un pour l’intérieur, l’autre que l’on peut disposer à l’extérieur, qui communique par radio. Des précautions opératoires sont indispensables ; étalonner d’abord. Ces capteurs à semi-conducteurs sont étonnamment imprécis et inexacts, comparés à ce que furent les thermomètres à mercure courants au laboratoire. De l’un à l’autre les différences peuvent atteindre 2°C, ce qui est énorme. Pour cet usage-ci, on se contente d’étalonner l’un par rapport à l’autre ; ici le capteur intérieur sous-marque en moyenne de 0,9°C sur le capteur externe. Ensuite voir les erreurs systématiques par le mode opératoire : Selon les pièces, le capteur intérieur variera selon le lieu, et davantage encore le capteur extérieur selon l’exposition au soleil, et l’exposition au vent, le léchage par une façade chauffée, etc.

 

Restons dans les problèmes thermiques, avec un randonneur qui bivouaqua par temps clair, à la belle étoile dans une vallée humide en Queyras. Lien : http://citoyens.deontolog.org/index.php/topic,1026.0.html

Snop, lors d'un beau périple en Queyras dédaigna plusieurs fois de déployer sa bâche (en bon franglais, ils disent "tarp", abrégé de « tarpaulin  »), par exemple pour la discrétion (échapper aux regards humains), et a dormi à la belle étoile en se fiant à son léger sursac sur son sac de couchage. Or pas de chance, l'humidité relative était élevée, et la nuit claire : son sursac et le tissu extérieur de son sac de couchage ont donc été trempés de rosée dans la première moitié de la nuit, exactement comme l’étaient le sol et l’herbe tout autour de lui, et il s'est exhalé en récriminations contre le sursac, accusé d’avoir « attiré la rosée », rosée qu’il confondait avec l’eau évaporée par sa peau. J’ai alors démontré par le détail qu'il s'était laissé piéger par la pensée magique dictée par les commerçants, et n'avait pas assimilé les lois de formation de la rosée, et en conclusion qu’il aurait dû déployer son "tarp" entre le ciel et lui, que ce soit en simple pente ou en double pente. Snop soutenait que c’était le sursac qui était responsable de la rosée.

 

Cris et récris indignés alors de la part des autres randonneurs snobs et orgueilleux : « Mais non ! Son tarp n’aurait rien changé à la température de l’air, parce que la convection etc. ... ». Ils ignoraient que ce sont le sol et la matière condensée qui rayonnent, pas l’air – ou très très peu. Ils refusaient de tenir compte du rayonnement comme des lois du rayonnement dont ils ignoraient tout, et brandissaient le cri magique "convection". Leur opposition à la personne (et leur rancoeur durable, la guerre civile contre les instruits n’est jamais loin) procédait de leur méconnaissance totale des lois du rayonnement, et de la loi de Stephan et Boltzmann, reliant la puissance émise à la quatrième puissance de la température absolue. M°(T) = σ T4,

où M° est la densité de flux d’énergie, en W/m², et σ est la constante de Stefan-Boltzmann qui vaut environ 5,67 × 10−8 W m−2 K−4.

Rien que par l’exposition au Soleil, nous avons tous une expérience sensorielle de la puissance émise par le Soleil, mais nous n’avons rien de sensoriellement immédiat pour nous avertir que nous aussi nous rayonnons (loi de Stephan et Boltzmann), et que par nuit claire et transparente ce que nous envoyons dans l’espace intersidéral est sans retour. Il faut en passer par le raisonnement, l’expérimentation instrumentée, et les calculs, pour réussir à concevoir que les nuages opaques rayonnent de la puissance en retour vers la Terre selon leur propre température à la base, et ainsi empêchent le sol de se refroidir autant que par ciel clair. Nous pourrions pourtant invoquer des souvenirs bien réels de la chaleur irradiée par telle ou telle personne selon son état émotif et physiologique (selon son irrigation périphérique), et que nous percevions à courte distance, sans le contact. Il est amplement établi que le nouveau-né trouve le sein et le mamelon par sa perception aux infra-rouges : les seins féminins sont deux organes très émetteurs. Toutefois ce ne sont pas là des souvenirs sensoriels que l’homme de la rue mobilise quand il lui faudrait raisonner thermique.

 

Je dois conclure pour la question de la rosée sur le randonneur, conclure pour tous. Oui il y a eu de la condensation de vapeur venant de Snop à la paroi la plus froide, le sursac (couche non imperméable). Toutefois, cette eau là était amplement minoritaire en regard de la rosée (l’eau en prevenance de l’air ambiant). Il y a eu autant de rosée sur le sursac de Snop que sur le sol avoisinant parce que son duvet était un excellent isolant thermique, donc quand il rayonnait selon sa température d’environ 273 à 280 K (315 W/m² à 273 K), le débit de chaleur corporelle était insuffisant pour empêcher la température de surface de baisser, et donc insuffisant pour empêcher de laisser condenser la vapeur devenue sursaturante dans l’air refroidi par le léchage du sol refroidi. Plus tard dans la nuit Snop se débarrasse de son sursac mouillé, et avec son duvet seulement, il n’a plus de condensation. Sauf que… Sauf que c’était au début de la nuit qu’avait eu lieu le gros de la condensation, quand la valeur en eau de l’air humide était encore élevée (regardez la courbe de saturation de l’air humide). De plus, sans la couche de sursac, son duvet devenait légèrement moins performant en isolation thermique, donc sa température de surface externe remontait légèrement, à débit de puissance égal.

 

 

Quand une théorie erronée falsifie les comptes-rendus.

Jean Piaget l’a prouvé dans ses expérimentations avec des enfants :

Si la théorisation implicite de l’enfant dit le contraire de ce que fait l’enfant, son compte-rendu sera conforme à sa théorie, et non aux faits.

L’expérience consistait à décrire une trajectoire circulaire horizontale avec un pendule, constitué d’un poids et d’un fil, puis à le lâcher de façon à atteindre une cible située un peu plus loin. Au bout de quelques essais, de l’ordre de la demi-douzaine, ils y arrivent. Là où ça se gâte, c’est quand on leur demande de préciser quand au juste ont-ils ouvert les doigts pour lâcher le poids. Invariablement, ils répondent qu’ils l’ont lâché quand la distance était minimale. L’enregistrement par une caméra prouvait au contraire qu’ils l’ont lâché pas loin d’un quart de période plus tôt, quand la vitesse pointait sur la cible. Rappelons que la vitesse est une grandeur vectorielle.

 

Dans la vie ouvrière comme dans la vie paysanne on constate de même en plusieurs occasions que le compte-rendu n’est pas fidèle aux actes, mais fidèle à une théorie subreptice et sous-entendue.

 

 

Le pompon dans le déni des sens au profit d’une théorie farfelue fut atteint par Roger ; ce n’était pas un enfant, mais un suisse quadragénaire et borné. Chef de bord mauvais manœuvrier et mauvais régleur de voiles sur un Côtre des Glénans type 1, il avait lu « vent solaire » dans un texte de vulgarisation, mais en ignorait l’ordre de grandeur. Vous serez moins ignorant : pour tout transfert électromagnétique par un individu d’onde électromagnétique ou photon, de fréquence ν, l’énergie transférée de l’émetteur à l’absorbeur est h.ν, et la quantité de mouvement transférée est h.ν/c. Tout comme Roger, j’avais lu sur Science et Vie qu’on envisageait alors des « voiles solaires », miroirs minces fort légers pour de petites sondes spatiales, dans l’ultra-vide, donc. En septembre 1965, dans le très petit temps qui faisait suite à un fort coup de vent dont il restait encore une houle longue, nous naviguions lentement de l’Aber Ildut vers Ouessant, vers le port de Lampaul, en passant par le Fromveur.

Roger s’indignait que j’oriente les voiles en fonction du vent, certes fort faible, et non en fonction du Soleil, il argumentait qu’avec le vent solaire, « on devrait pouvoir jouer ». Il avait entendu que par marais barométrique, il pouvait subsister des vents solaires, soit brise de terre la nuit, brise de mer au soleil, et il confondait avec la pression photonique.

Comparons : Le Soleil nous envoie, au niveau du sol, de l’ordre de 340 W/m². Admettons une voilure de 25 m² (sous-estimée ?), cela fait une force maximale de 2,8 µN, dirigée à l’opposé du Soleil (nos voiles en coton, tannée au cachou brun-rouge, n’étaient certes pas des miroirs).

Il y avait force 1, disons 2 nœuds de vent ou 1 m/s. Soit des forces éoliennes de l’ordre de 32 N sur la même surface de voilure. Dix millions de fois plus fort, et orientable. Cela me fait penser que pas une seule fois durant cette croisière, nous n’avions échoué pour caréner ; or dans ces très petits temps, donc à vitesse bien faible, que la carène soit la plus propre et lisse possible, ça compte.

 

Plus tard dans la nuit, peu porté sur la toponymie bretonne, Roger, en bas penché sur la carte et la règle Cras, Roger me demandait le relèvement du « critche ». Le phare du Créac’h (xrɛːx) était dans le 355 (on compte les angles à partir du Nord, et l’Ouest est le 270). A la fin, lassé de le reprendre sur Créac’h et non pas critche, j’ai fini par lui annoncer « Le deux éclats dix secondes dans le 358  ». Fureur de Roger…

 

- Mais de quel capteurs sensoriels ou instrumentaux disposiez-vous alors ?

 

Bonne question, merci de l’avoir posée ! Aucun de nous ne fumait, j’avais arrêté à Pâques 1965. Il faut un vent deux fois plus rapide, soit au seuil de la force 2 pour que la peau devienne un capteur thermique fiable. Aucune girouette sur les côtres type 1, qui étaient gréés auriques. Elles n’auraient indiqué rien de plus que le roulis sous la houle. On ne lit pas le vent sur l’eau avant la force 3, voire 4, et les oreilles non plus n’entendent pas la direction du vent avant la force 3. Aussi, j’avais surtout comme guide le comportement de nos voiles (le côtre type 1 était survoilé), et la qualité du sillage que nous laissions. Des pennons très légers dans les haubans auraient pu servir ; de nos jours on recycle des bandes magnétiques à cet usage. Dans les années trente, Manfred Curry utilisait un flocon de duvet au bout d’un fil léger, au bout d’une mince baguette ; cette méthode reste excellente.

 

 

Enquêter, ça n’est pas inné.

Il est futile de flagorner votre narcissisme infantile dans une guerre civile cols bleus contre cols blancs, guerre civile contre la populace ou guerre civile contre les instruits, ou nous les femmes contre eux les hommes, il faut enquêter, et cela s’apprend ; de la vie entière on n’a jamais fini d’apprendre à enquêter.

Oui mais voilà : enquêter, réfléchir, ça prend du temps, et prendre du temps, ça gêne pour briller et dominer dans le bac à sable. Il est tellement profitable de prendre un air supérieur et entendu, pour lâcher quelque énormité, genre « Le vent va revenir avec la marée »… De toutes façons, le public à dominer dans le bac à sable est aussi ignorant que vous. Et comme la chanson nous l’a rappelé, « Mais gros nigaud qu’t’est bête ! (bis) Ça s’prend sans demander ! Digue donda dondaine !... », les donzelles qui nous font de l’effet estiment superflu de raisonner plus finement qu’à la vitesse, et exigent que vous fissiez de même, tout aussi expéditif.

Dans la première troupe de chimpanzés étudiés par Jane Goodall au temps où elle était épouse Van Lawick, un individu non dominant, voire brimé, mais plus curieux des humains et de leur campement, avait découvert le truc de taper sur les bidons vides du campement des zoologues et cinéastes : ce fort bruit effrayait les autres singes, et Mike devenu le roi du bidon, grimpa dans la hiérarchie de la troupe. Nos mécanismes sociaux, à nous singes nus, ne sont guère plus subtils.

 

De Joël Sternheimer à Jean Jouzel, pratiquement tous les escrocs invoquent et flagornent vos convictions préalables, en remplacement des preuves qu’ils sont bien incapables de fournir. Ils ont repéré où vos convictions préalables ne reposent sur rien de fiable, et où il suffira de vous flatter pour que vous vous rengorgiez que votre « bon sens » à vous que vous avez soit supérieur à toutes les mesures soigneuses. Accoutumé par tous les media aux ordres à obéir à la dictature de l’émotion, en général peu vous chaut qu’un raisonnement ou une théorie soient faux ou fallacieux ou justes, l’important est qu’ils vous placent au centre de l’image. Sur le mode Jouzel : « Le réchauffement est là, chacun le sent bien !  ». Sur le mode Sternheimer : «  La preuve que les tomates et les courgettes sont sensibles à la musique, c’est que vous-même y êtes sensible ! ».

 

Dans le monde judiciaire, les experts judiciaires commis par le juge qui veut se couvrir dans ses intimes préjugés savent flagorner le commettant : " De toutes façons, je conclurai dans le sens demandé par le juge" se vantait un "expert". En l'occurrence, cette vantardise signalée par Pascal Dazin est en Injustice aux Affaires Matriarcales et Antifamiliales. Le juge avait clairement laissé savoir à l'expert qu'il attendait qu'il dise le plus de mal possible du père répudié, au profit de la répudiante. Guerre sexiste oblige.

 

 

Voir ou ne pas voir des cirrus persistants ? Et en déduire ?

 

Selon certaines structures thermiques verticales de l’atmosphère, les marqueurs habituels d’un front chaud approchant en altitude, sont manquants : si à cet étage la sursaturation est faible, si la température est supérieure à -41°C, et si les germes de cristallisation manquent. Situation assez fréquente en bordure de Méditerranée, et en Californie, à proximité de la côte. C’est bien cette absence de marqueurs nuageux visibles qui rendait la prévision météo en Méditerranée si difficile pour le marin, aux temps avant la radio et les prévisions météorologiques radiodiffusées. Nombre d’épaves antiques devant nos côtes témoignent de tragédies fréquentes. Et même de nos jours, il ne suffit pas de prendre le bulletin météo la veille au soir pour programmer une sortie en mer le lendemain matin ; il faut reprendre un bulletin météo le matin même, avant de sortir.

 

Toutefois une donnée a bien changé ces dernières décennies : le trafic aérien civil s’est grandement accru, et ses altitudes sont contraintes par les contrôleurs militaires, à même de donner des interdictions aux contrôleurs civils (pour réserver tel étage à tels exercices militaires). Ce trafic est de nos jours intense, presque exclusivement motorisé par turbo-réacteurs, et à altitude préférée de dix mille mètres, pour l’économie de carburant. Mais les contrôleurs militaires peuvent confiner plus bas le trafic civil. Et là, voilà que les condensations issues des turboréacteurs peuvent fournir les germes de condensation, et que la sursaturation ambiante peut alimenter des cirrus persistants, de taille et de poids des centaines de fois (voire milliers de fois) supérieurs à ce que l’avion avait laissé derrière lui.

J’ai donné plus de détails du calcul à Combien de locomotives pèse un cirrus ? (partie 1)

Il ressortait que sur 30 km de cirrus persistant, la masse du cirrus dépassait amplement celle de l’avion, et du reste dépendait peu de la masse ni de la taille de l’avion lui-même.

 

Le problème est que les riverains de ces conditions spécifiques de front chauds sans marqueurs spontanés, avec seulement des marqueurs d’origine aviatrice, se sont mis en grande colère, et ont accusé un complot mondial, mettant en jeu toute l’aviation civile de tous les pays pour des épandages « chimiques » malveillants, dont ces cirrus seraient « la preuve ». Si on leur fait remarquer que leurs ciels « quadrillés » n’existent ni ailleurs, ni en toutes saisons, et que je n’en ai pratiquement jamais en région lyonnaise, on se fait accuser de complicité avec les malveillants supposés.

 

Transposons. Les jours de fort vent venant de l’ouest en Corse, on observait des altocumulus en os de sèche au dessus du relief. DONC il y a partout au dessus de vos têtes des altocumulus en os de sèche, et si vous refusez de les voir, c’est que vous êtes de mauvaise foi, et de mèche avec un complot mondial… Aujourd’hui laissons de côté la paranoïa de ces pauvres bêtes, et laissons de côté quel mobile politique la C.I.A. a à souffler à ceux qu’elle traite de « complotistes » ce délire sur mesure. Dans cet article de méthodologie, nous remarquons seulement qu’au lieu d’enquêter, ces croyants aux « chemtrails  » se contentent d’affirmer sans réplique : je le vois ici, donc c’est universel.

 

Ce qui en plus leur permet de poursuivre leur guerre civile contre les instruits, afin de venger leur scolarité difficile d’il y a longtemps.

 

 

Abus et remèdes.

A suivre.


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