Le Nobel de médecine 2013 récompense la biologie du 20ème siècle

par Bernard Dugué
lundi 7 octobre 2013

Le Nobel 2013 de médecine vient d’être attribué à deux Américains, James Rothman, Randy Schekman et un Allemand, Thomas Südhof, dont la carrière scientifique s’est déroulée aux Etats-Unis. Les travaux couronnés concernent les mécanismes de trafic intracellulaire. Ce n’est pas une seule découverte qui a été récompensée mais plutôt des travaux indépendants reliés par quelques points communs. C’est sans doute Südhof qui semble se détacher par une certaine originalité dans ses travaux, ayant développé une approche alternative pour élucider les mécanismes de transmissions synaptiques médiatisés par les neuromédiateurs qui sont stockés dans des vésicules avant d’être libérés. Südhof a aussi mis en évidence des mécanismes d’assemblage, travaillant sur deux types de protéines, les neurexines et les neuroligines, dont le complexe réalisé intervient dans l’échafaudage des synapses. Ces deux types de molécules font partie de la grande famille des protéines adhésives, essentielles dans l’assemblage des cellules ainsi que dans la transmission des communications cellulaires. Les neurexines et les neuroligines altérées (par voie génétique notamment) sont susceptibles de perturber le bon fonctionnement des transmissions neuronales et peut-être de jouer un rôle dans l’autisme et la schizophrénie, selon Südhof.

On comprend bien que ces recherches s’inscrivent dans un contexte mécaniste et finalement, appartiennent à une ère qu’on peut baptisé comme étant l’ère Watson, Monod, Changeux. De la bonne science médicale capable de trouver des mécanismes, des structures, et de faire le lien avec la génétique et de possibles implications dans les pathologies mentales. Cette recherche est très pointue et très conventionnelle, même si elle marque une relative originalité. Ces protéines adhésives seraient selon le lauréat du Nobel porteuses de perspectives intéressantes dans la compréhension de plusieurs pathologies mentales. Cette opinion est très respectable, même si elle laisse penser que l’impasse est au bout du chemin car l’approche mécanistique n’a plus vraiment d’avenir. Les options inédites et radicales seront peut-être examinées et couronnées dans 20 ans par d’autres prix Nobel.

Les recherches menées par les deux autres lauréats du Nobel, Schekman et Rothman, s’inscrivent elle aussi dans le paradigme mécaniste avec l’étude de mutants génétiques permettant de comprendre avec finesse et force détails moléculaires des processus importants dans les régulations physiologiques. Il est question de stockage et de transports de molécules grâce à des vésicules qui finalement, image mécaniste oblige, représentent des sortes de citernes contenant des « encres ou ancres moléculaires » permettant de peindre les structures, les parois... Comme c’est le cas du cholestérol. Ou bien d’écrire des textes permettant aux cellules de communiquer, cas des neurotransmetteurs et autres hormones circulantes. Ces citernes sont même capables de fusionner si une protéine est présente pour réaliser ce processus. Ces travaux ont donc permis de voir précisément comment les vésicules se mettent en place, se comportent dans les cellules, se façonnent pour rejoindre leur destination fonctionnelle. C’est du dessin industriel moléculaire de très haute précision et d’excellente facture qui nous est proposé.

Le Nobel 2013 n’est donc pas un cru exceptionnel. On n’y trouve pas de découverte majeure mais un ensemble de contributions déterminantes s’inscrivant dans le grand schéma de la science biologique mécaniste du 20ème siècle. Aucune originalité radicale. Sans doute, la participation des deux Américains aux prestigieuses revues scientifiques (l’un deux a été éditeur en chef du PNAS) a influé sur le comité Nobel qui ne reste pas insensible au carnet d’adresse des lauréats. Le Nobel 2013 aurait pu être décerné une bonne dizaine d’autres prétendants qui l’auraient autant mérité.

 


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