Le nouveau « Big Browser »
par Bartux
jeudi 11 septembre 2008
Lundi 1er septembre, par l’intermédiaire d’une BD en anglais, grand buzz sur la planète internet pour la sortie imminente d’un nouveau produit Google : un navigateur internet (browser en anglais) nommé Chrome. Mardi 2 septembre au soir, la version beta (c’est-à-dire encore en développement) de Google Chrome pour Windows est disponible. En moins de quelques heures, les éloges pleuvent. Nous avons enfin :
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la simplicité : un design sobre, épuré « à la Google », des commandes accessibles et un grand espace d’affichage ;
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l’efficacité : pensé pour le « web 2.0 » et les applications en ligne, Chrome se veut rapide, stable et sécurisé ;
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l’innovation : retravaillées en profondeur, plusieurs technologies doivent apporter cette stabilité exceptionnelle (permettre la gestion des bugs sans faire planter tout le navigateur). Les points forts de ses concurrents sont repris et permettent, par exemple, un accès rapide aux pages les plus visitées et une recherche directement dans la barre d’adresse. Basé sur des produits open source (en gros dont le code source est public), Chrome fait partie du projet Chromium et utilise le moteur de rendu WebKit déjà utilisé par le navigateur Safari de Apple.
Dix ans de coups de maître après un coup de chance
Beaucoup concèdent que de pouvoir mettre en pratique rapidement une idée nouvelle (en l’occurrence un nouvel algorithme de recherche de pages sur internet) nécessite un peu de génie, beaucoup de travail et un vrai coup de chance. Mais une fois le produit lancé, l’intelligence des deux créateurs s’est manifestée. Ils sont parvenus dès le départ à développer leur vision globale d’un « monde en ligne » et ont su constamment investir dans la recherche, acquérir de nouvelles technologies et employer les meilleurs cerveaux (actuellement Google compte plus de 19 000 employés). L’objectif étant de pouvoir toujours :
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proposer les meilleurs services de l’innovation et cela gratuitement ;
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utiliser la technologie comme appât et non plus comme produit afin de pouvoir collecter et revendre indirectement les données des utilisateurs sous forme de publicités ciblées. A titre de comparaison, Microsoft essaie encore de vendre de la technologie, Google, en revanche, offre de la technologie, mais distille et vend de l’information.
La recette semble être donc de développer (ou d’acheter) des produits répondant aux trois critères suivants : innovation, efficacité et simplicité, accessibilité. L’idée étant alors de séduire immédiatement un maximum d’utilisateurs par des services addictifs.
À monde nouveau, philosophie nouvelle : « Don’t be evil »
Lors de la création de l’entreprise, le slogan « Don’t be evil », qui signifie « ne soyez pas mauvais », a été trouvé. Ainsi Google s’est, dès le départ, voulu « éthique » en comparaison de ses concurrents du monde de l’informatique et a mis en place un code de conduite théoriquement basé sur ce slogan. C’est également cet engagement, a priori différent, qui a longtemps permis à Google de développer un réel capital sympathie auprès des utilisateurs. Bien que les intentions originelles puissent avoir été louables, il semble qu’actuellement, par certains aspects, l’entreprise s’est éloignée de sa devise de départ. Pire, cette éthique apparaît parfois comme une stratégie visant à ne pas effrayer l’utilisateur et permettant de faire entrer le loup dans la bergerie (Venez à nous car nous sommes gentils !).
Servitude volontaire
L’homo internetus désire avoir accès à ses données partout et en tout temps. C’est à ce besoin qu’une foultitude de services et de gadgets, souvent présomptueusement estampillés « web 2.0 », tentent de répondre. Mais que nous proposent ces services ? Héberger nos données sur leurs serveurs et nous les rendre accessibles en tout temps sous la forme la plus conviviale possible. Actuellement Google est largement leader dans le domaine et se prépare même à entrer dans le monde de la téléphonie mobile avec son projet Androïd. Mais quelle est la contrepartie à cette gratuité ? En fait, nous nous retrouvons souvent avec des données personnelles prisonnières d’un service, mais librement consultables et exploitables par le prestataire.
Certains répondent que, de toute manière, ils n’ont rien à cacher et que ces services valent bien quelques informations personnelles. Mais, en réalité, ce n’est pas ce que les gens ont à cacher qui intéresse ces entreprises, mais ce qu’ils font au quotidien, leurs habitudes. La vie en ligne des internautes est aujourd’hui devenue pour beaucoup le reflet numérique de leur vie sociale, de leurs comportements individuels et de consommation. Ainsi l’empreinte numérique que nous laissons tous sur la toile a une valeur commerciale réelle car, à partir de cette dernière, c’est un profil global de l’individu qui peut être créé et vendu.
Vers une nouvelle (chromo)dynamique du web
De plus en plus, l’utilisateur peut se contenter de son navigateur et des applications en ligne pour gérer l’ensemble de sa vie numérique et ainsi se passer complètement de l’installation de logiciel tiers. Google offre déjà une liste interminable de services « online » : recherche internet (google search), email en ligne (gmail), agenda en ligne (google calendar), presse et informations en ligne (google news et google reader), traitement de texte et tableur en ligne (google documents), photos et vidéos en ligne (picasaweb et youtube) et ainsi de suite. En fait, il se pourrait bien que Chrome ne soit pas qu’un simple navigateur de plus, mais bien le chaînon manquant à Google vers la grande unification, le pont qui reliera l’utilisateur au reste de leurs services. Chrome est donc un pari de ce que sera l’informatique domestique de demain. Idéalement pour Google, l’ordinateur devrait devenir un simple terminal, une plate-forme d’accès permettant de se connecter aux serveurs et services Google ; nul besoin de plus.
Chrome ou l’internet en boîte
Internet a permis à ses utilisateurs une gestion décentralisée de l’information en réseaux interconnectés, Google veut remanier cela en centralisant et concentrant la gestion des utilisateurs et de leurs données. Ainsi, si Google est né de l’internet, ses créateurs semblent vouloir mettre l’internet dans Google ou en tout cas faire passer l’internet par Google. Pour l’utilisateur final, Google et l’internet ne seront qu’un. Pour faire une recherche sur internet on dit déjà « googler » (« to google something » en anglais) peut-être qu’un jour nous dirons « aller sur Google » pour aller sur internet.
Chrome est donc une pièce essentielle du futur monde Google. Il a été pensé pour optimiser l’accès aux services en ligne et permettre la collecte d’informations des utilisateurs (historique complet de recherche et de navigation). Bien sûr, on peut toujours dire qu’il ne faut pas « être parano » et que quelques sacrifices au niveau de sa vie privée, qu’est-ce que c’est ? Mais la licence d’utilisation (vous savez, celle que l’on ne lit jamais) devrait être là pour nous rappeler que la paranoïa est réellement de mise.
Extrais choisis :
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paragraphe 11.1 « En fournissant, publiant ou affichant le contenu, vous accordez à Google une licence permanente, irrévocable, mondiale, gratuite et non exclusive permettant de reproduire, adapter, modifier, traduire, publier, présenter en public et distribuer tout Contenu que vous avez fourni, publié ou affiché sur les Services ou par le biais de ces derniers. »
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paragraphe 11.2 « Vous admettez que cette licence inclut le droit pour Google de rendre ce Contenu disponible pour d’autres sociétés, organisations ou individus partenaires de Google pour la mise à disposition de services syndiqués, ainsi que le droit d’utiliser ce Contenu en relation avec la mise à disposition de ces services. »
L’internet avec conscience
Malgré tout, Google n’est certainement pas le mal incarné cherchant à dominer le monde, c’est une société parmi d’autres qui, avec une philosophie nouvelle, a trouvé un moyen de relier le virtuel et l’immatériel de l’internet avec notre monde de consommation. Au travers de l’innovation technologique et de la vente d’informations, elle s’est imposée en leader de la publicité en ligne. Il ne s’agit bien sûr pas de diaboliser les entreprises qui réussissent, mais d’être conscient des risques et des dangers présents quand ces dernières obtiennent un pouvoir démesuré. Économiquement parlant, Google reste une société dont le but est de satisfaire ses actionnaires en faisant un maximum de profits. Rien de philanthropique derrière tout cela. Ce qu’il faut éviter, c’est qu’une entreprise, quelle qu’elle soit, devienne peu à peu l’unique accès des utilisateurs vers leurs données personnelles et l’ensemble de l’internet.
Quelques liens :
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Moteurs de recherche : 30 alternatives à Google
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Article Agoravox de Francis Pisani sur Chrome
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