Le savant et le politique

par Thiland
lundi 1er octobre 2007

Comme tout aujourd’hui, la recherche scientifique est un fantastique domaine d’investissement financier. Les sociétés pétrolières financent notamment des recherches océanographiques en vue de la future exploitation du Pôle nord. Mais la réalité risque de rejoindre la fiction la plus pessimiste et délirante !

Grâce à Nicolas Sarkozy, Claude Allègre et Jacques Attali, deux des plus grands garants intellectuels et médiatiques des différents pouvoirs en place depuis trente ans, vont pouvoir continuer à défendre moralement l’idée qu’il faut livrer la recherche scientifique aux sociétés privées afin qu’elle puisse trouver les moyens nécessaires de conserver ses talents. Le secret de la fuite des cerveaux vers les Etats-Unis réside effectivement dans le fait que là-bas, où l’or brûle la vie, les scientifiques gagnent énormément d’argent. Dans un système concurrentiel d’investissements privés, les grands trusts financiers peuvent à leur gré s’emparer de projets scientifiques quels qu’ils soient, en rétribuant leurs chercheurs comme des joueurs de foot ! Cela nous ramène inévitablement à l’irrésolue question éthique liée à la science, qui faisait dire à Rabelais, il y a déjà un certain temps, la célèbre mise en garde : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.  » Car malheureusement, le progrès éthique et le progrès scientifique, n’impliquant pas les mêmes types d’intérêts, ne se rejoignent que très rarement.

On savait déjà que la sphère économique avait totalement pris possession des sphères politiques et médiatiques. Il faut nous préparer à voir notre notion de progrès scientifique accaparée elle aussi totalement par le pouvoir privé financier. De ce fait, quelles seront les garanties de transparence et d’éthique données par les groupes alors devenus omniscients ? Quels seront leurs objectifs réels (à supposer que leurs intérêts puissent se trouver ailleurs que dans leurs propres profits) ? Dans son euphorie, Claude Allègre a tout de même indiqué qu’il souhaitait vivement la création d’un comité éthique, notamment sur les recherches en neurosciences, future boîte de Pandore des géants du profit. C’en est presque risible tant l’on sait que ce genre d’instance ne pèse rien contre le pouvoir de l’argent. Ce mode de gouvernance qui consiste à mélanger toutes les sphères de la société pour les suspendre au pouvoir économique, est organisé au nom du progrès et donc du développement économique qui va de pair avec lui en Occident. Il se peut donc que bientôt, un salvateur fabricant d’humanité comme Areva (nucléaire, fabrication d’armes...), se lance dans les neurosciences et que ses dirigeants accèdent à des procédés de manipulation du cerveau ! Quand on sait que ce genre de trusts continuent de vanter leurs différentes activités dans le monde entier au nom du progrès universel, ça fait froid dans le dos !

C’est toujours la même manœuvre idéologique qui nous gouverne, celle qui repose sur l’assimilation du progrès humain et du progrès utilitariste, avec laquelle on peut notamment créer une notion de codéveloppement pour masquer une étape supplémentaire de l’occidentalisation du monde toujours aux profits des mêmes. Il est très urgent de se demander s’il est bien raisonnable de laisser des domaines de recherches scientifiques tels que les neurosciences à des intérêts privés, qui contrôlent déjà les médias et pour qui le formatage du cerveau humain selon le modèle de l’intelligence artificielle représenterait un progrès trop évident. Cela jette aussi le trouble sur la philosophie réelle qui anime la communauté scientifique. Doit-on douter qu’un brillant chercheur ne se consacre à ses recherches que dans le but du bien commun, de l’avancée d’une connaissance axée sur le respect de la vie et le souci de préserver la cohérence transcendante de la nature qu’Hans Jonas a voulu opposer à la folie de la rationalité instrumentale durant toute sa vie de philosophe ? L’empressement des petits génies à quitter la France pour l’argent américain nous prouve que le cas d’Einstein n’a pas convaincu tous les nouveaux talents, et que la soif de réussite financière affichée est plus forte que tout !


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