Les désillusions quantiques ou comment la science moderne a échoué à comprendre le monde

par Bernard Dugué
mardi 2 août 2016

La science moderne peut se féliciter des résultats colossaux et inattendus dans le domaine technique. Avec les machines transformant et utilisant les énergies, puis les technologies du numérique basées sur l’électricité et les propriétés de la matière quantique. La science moderne a permis de fabriquer des systèmes artificiels qui n’existaient pas dans la nature en utilisant les atomes et les matériaux qui eux, existent dans la nature. La science moderne n’est en vérité qu’une technique humaine, réalisée en calculant et assemblant des composants. L’analyse, la mesure, le mécanisme et l’atomisme sont les déterminants essentiels de cette science moderne qui s’est conçue comme réductionniste. Prenez n’importe quel dispositif technologique et réfléchissez. Vous parviendrez à comprendre que le tout s’explique en considérant la somme des parties. Il n’y a rien d’émergent ou de nouveau dans un système technologique, excepté la panne. Toute la science et la technique modernes reposent sur des assemblages opérés par la main de l’homme secondée par les instruments de précision.

La nature a elle aussi réalisé des assemblages qui ont finit par aboutir sous forme de systèmes vivants. L’évolution a permis à la vie de se réinventer sans cesse, avec de nouvelles espèces puis l’homme. La nature repose sur un principe fondamental. Le tout ne peut pas s’expliquer à partir de la somme des parties. C’est ce que les épistémologues nomment conjecture de l’émergence. La vie est une émergence, la conscience humaine également. L’œil ontologique averti sait aussi que les états de la matière sont des émergences. Les propriétés de l’eau liquide ne peuvent pas s’expliquer à partir de la structure de la molécule d’eau. De plus, la vie ne peut pas s’expliquer à partir de la structure des protéines et des séquences d’ADN. Et la conscience ne s’explique pas à partir de la structure des neurones et le fonctionnement des synapses.

La science réductionniste peut se targuer d’un succès colossal dans le domaine de la technique mais elle doit reconnaître un échec monumental dans la connaissance de la nature dont elle ne peut expliquer aucune des propriétés d’ensemble, que ce soit les états de la matière, la gravité, la vie et la conscience et a fortiori l’évolution. Il est illusoire de croire qu’en triturant les composants dans tous les sens, y compris dans les super calculateurs, on parviendra à expliquer toutes ces choses naturelles. Thomas Nagel a écrit récemment un essai sur les impasses du réductionnisme. Le livre n’a pas été vraiment apprécié par les biologistes, évolutionnistes et neuroscientifiques.

Si le réductionnisme est dans une impasse face au défi que représente la connaissance de la nature, il faut rester optimiste car la conception atomiste et mécaniste n’est pas la seule et que d’autres options se présentent. La physique quantique s’est invitée depuis des décennies parmi les biologistes et les neuroscientifiques alors que des physiciens doués dans cette spécialité ont fait le grand écart en essayant de transposer quelques règles quantiques dans le domaine du vivant ou de la conscience. Pour ne pas alourdir le propos, je me contenterai de citer quelques personnalités. Eccles, Popper, Stapp, Capra et plus récemment, Vedral ou Davies.

Pour résumer la situation, la science réductionniste est basée sur l’atome alors qu’une nouvelle science est possible si les outils conceptuels adéquats sont élaborés en prenant appui sur les savoirs contenus dans la physique quantique qui est large car elle inclut le formalisme de base mais aussi l’intrication, la description statistique, la théorie quantique des champs et les trois forces fondamentales. Néanmoins, il faut rester prudent et ne pas se bercer l’illusion car ce n’est pas en combinant des éléments quantiques que l’on peut facilement se sortir de l’impasse réductionniste. De plus, rien ne dit que la physique quantique soit complète, ni même utilisable en l’état pour décrire des phénomènes émergents.

Le plus « cocasse » dans cette affaire, c’est que personne ne comprend les choses décrites par le formalisme quantique. Ce qui conduit à une situation extrêmement problématique. Comment utiliser une physique que personne ne comprend pour expliquer des émergences qui sont en l’état actuel des connaissances incompréhensibles ?

Actuellement, les chercheurs n’en sont pas à ce stade de réflexion. Quelques pistes intéressantes sont proposées dans le domaine de la biologie quantique mais il y a fort à parier qu’elles n’aboutiront pas. En effet, les chercheurs interdisciplinaires tentent d’étudier des phénomènes biologiques qui relèvent de la physique quantique et ont quelques connivences avec la décohérence, la superposition et l’intrication. Cette voie mérite d’être explorée mais elle a ses limites car elle reste cadrée dans le champ phénoménologique. Penser le vivant du point de vue quantique est pour l’instant hors de portée et relève du champ ontologique. Notamment remplacer les atomes par les monades et entrer dans l’univers de l’information. J’ai commencé à explorer ce champ mais je crois qu’il est préférable de jeter l’éponge car sans soutiens, rien de tangible ne peut être réalisé. D’autant plus que l’époque n’est pas orientée vers la connaissance des choses.

Je laisse la science face aux illusions réductionnistes et aux désillusions quantiques. L’homme contemporain ne veut plus accéder à la connaissance. Il veut simplement s’amuser. Qu’il écoute alors les brillants conteurs parler de big bang, poussières d’étoiles, trous noirs et multivers. L’homme est au fond resté un animal.


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