Les maths, hantise des Français
par La Courgette
mardi 13 mai 2008
J’ai regardé un jeu télévisé aujourd’hui. Je ne dirai pas lequel, mais de cette expérience comme d’un tas d’autres de la vie quotidienne, il m’est apparu une vérité première : le Français moyen est une véritable nullité en maths.
La mésaventure arrivée à Xavier Darcos sur le plateau du Grand Journal semble malheureusement un symptôme des temps. Le ministre de l’Education nationale, incapable de faire une règle de trois. La journaliste, obligée de lire son papier pour expliquer la solution. Et tous ces beaux esprits vertueux de s’exclamer dans un chœur : « bouuuhhh le mauvais, il ne sait pas faire la règle de trois ! »
Hé ben oui. C’est officiel, le ministre de l’Education nationale, à qui on ne peut pourtant pas reprocher d’être un abruti total ou de ne pas avoir poussé assez loin ses études, est une buse en maths. Et, finalement, quand on repense un peu à nos expériences quotidiennes, le jour se fait et ça n’a plus rien de surprenant. Alarmant, sûrement. Mais surprenant, non.
Allez, faites un effort et pensez un peu à ce qu’on voit tous les jours. Pour moi, c’est très simple, ça m’est encore arrivé hier, dans une agence immobilière : j’avais deux factures de 500 et 474,75 euros, et je n’ai fait qu’un seul chèque pour les deux. Mon interlocutrice, après avoir contemplé le montant d’un air dubitatif, a sorti sa calculatrice pour vérifier que je ne m’étais pas trompé dans mon addition. Quand on y réfléchit, même deux secondes, cela revient à demander à une machine si 5 et 4 font bien 9. Consternant.
Autre chose ? Les jeux télévisés, dont je parlais en introduction. Je reconnais qu’il est pour le moins présomptueux de juger du niveau d’une société dans son ensemble à l’aune de la télévision, mais pour l’exemple on va donner dans la facilité et passer outre. Parce que c’est une véritable manne : à chaque fois qu’on parle mathématiques, on a droit à la même rengaine, le présentateur qui sort son sourire pervers en annonçant le thème du questionnaire qui va suivre, puis le candidat qui glousse bêtement en annonçant (surprise !) qu’il est nul en maths. Et, pourtant, à voir le niveau des questions, pas de quoi paniquer : il ne s’agit toujours que de questions de culture générale ou des calculs dont l’idiotie n’a d’égale que celle des réponses fournies. Je pourrais en faire un florilège ici, mais on trouve ça sur n’importe quel site de perles digne de ce nom.
Pourquoi s’énerver sur ce thème en particulier, me direz-vous ? Des candidats aux jeux télévisés complètement nuls, il y en a partout et sur tous les thèmes. Certes. La différence notable avec les maths, c’est toujours cette indulgence du présentateur et du public dès lors que l’incompétence du candidat porte sur la question algébrique. Bah, il est nul en maths, comme nous tous, ce n’est pas bien grave. D’ailleurs, on rigole bien, avec la tête qu’il fait en voyant qu’il a un questionnaire de maths, on n’aimerait pas être à sa place… Oui, on reprochera toujours plus à quelqu’un de ne pas savoir qui était Lamartine que de ne pas savoir que la racine carrée de 49 est 7. Pourquoi ? C’est simple, on pardonne plus facilement une tare qui est répandue. Et quoi qu’on en dise, cette nullité autosatisfaite a quelque chose de choquant.
A qui la faute ? Au système d’enseignement, probablement. L’utilisation abusive des mathématiques théoriques comme tamis académique séparant le bon grain de l’ivraie a de quoi dégoûter n’importe qui. Ce à quoi on peut rétorquer que, d’un autre côté, la stérilité mathématique de certaines filières est parfaitement déprimante.
Alors quoi ? Trop de maths, pas assez ? Avant tout, c’est un changement de mentalité qui s’impose : les mathématiques de base (niveau collège), c’est utile pour tous les jours : savoir faire une addition simple de tête, calculer une surface ou un volume, connaître des rudiments de géométrie. Le reste (niveau lycée et supérieur), c’est un outil et une école de raisonnement et de méthode. Et, dans les deux cas, ce n’est pas un sujet devant lequel on glousse comme un idiot en déclarant candidement qu’on est nul, parce que pas plus qu’ailleurs ce n’est une gloire.
La redéfinition de la perception des mathématiques par les élèves : que voilà un bon sujet à mettre en place, M. Darcos… En espérant que ça, au moins, vous saurez le faire.