Les ravages du postulat anti-relativiste sur l’enseignement de la quantique

par JC_Lavau
jeudi 10 mars 2016

Curieux  :

- Je viens de lire dans Agoravox que la Relativité c'est fini, qu'ils ne vont pas tarder à trouver vachement mieux. Bigre ! Ont-ils arraché les dents au diable ? Sur Usenet, vous avez aussi les pseudonymes « Richard Hachel » et « Pentcho Valev » qui jurent qu'ils ont révolutionné tout ça, et qu'Albert Einstein n'était qu'un zimbécile… Quelques précisions ?

 

Z'Yeux Ouverts :

- Fin 17e siècle, Isaac Newton avait toutes les excuses pour s’imaginer qu’un temps absolu, celui de son dieu, ça existait. Il s’imaginait de même qu’il existait un espace et un repère d’espace absolu, toujours celui de son dieu à lui qu’il avait. Trois cents trente ans plus tard, nous n’avons plus aucune de ces excuses. Nous avons quarante-dix-sept-plus-onze preuves que d'un endroit à l'autre, d'une particule à l'autre, les écoulements du temps diffèrent, et que les possibilités de mesurer l'espace diffèrent de même.

 

Curieux  :

- Dans ces conditions, avec des preuves partout, la Relativité ne peut être que parfaitement intégrée à la microphysique ! Dame, en cent dix ans !

 

Z'Yeux Ouverts :

- Justement non, ça n'est toujours pas intégré. Un gros empêchement théorique est le postulat corpusculariste maintenu envers et contre tous les faits expérimentaux. J'ai très longtemps sous-estimé l'autre gros empêchement : pour de bon, leur temps du dieu d'Isaac Newton, divin paramètre ubiquitaire, ils y croient toujours, tous les héritiers de la secte Göttingen-København, et ainsi empêtrés de leur postulat anti-relativiste depuis octante huit ans, depuis 1927, ils persistent à se prendre les pieds dans la barbe, sont obligé de faire intervenir de magiques « collapses » dont ils ne fourniront jamais la physique. Le dernier article de Roland Omnès persiste à faire appel à ses mystérieux collapses, dont les mystères lui résistent autant que la sainte trinité demeurait incompréhensible (et pour cause…) à Aurelius Augustinus, évêque d'Hippone (354-430) : Scheme of a Derivation of Collapse from Quantum Dynamics. En pdf : 1601.01214.pdf à l'adresse http://arxiv.org/abs/1601.01214

Je passe charitablement sur les empêchements tribaux, territoriaux, rhétoriques, voire criminels, dont le harceleur Marmotte est un parfait représentant.

 

Commençons par l'expérience de Pound et Rebka, en 1959 à Harvard.

https://en.wikipedia.org/wiki/Pound%E2%80%93Rebka_experiment

Vous pouvez accéder à la publication originale par le lien suivant : http://journals.aps.org/prl/pdf/10.1103/PhysRevLett.3.439

Ce qu'il fallait mettre en évidence est gh/c2 = 2.5×10−15 .

Expériences plus récentes et plus précises par Pound et Snider :

http://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.13.539

Vous trouverez aussi un cours fort complet sur la relativité générale impliquée, au lien :

luth2.obspm.fr/IHP06/lectures/mester-vinet/IHP-2GravRedshift.pdf

 

Professeur Castel-Tenant  :

- L'expérience n'a été possible que grâce à la finesse exceptionnelle de la raie gamma, émise ou absorbée par le noyau du fer 57, découverte par Rudolf Mössbauer (à l'époque ce fut sur l'Iridium 191) : demi-largeur relative de 3.10-13. Si dans une B.U. vous pouvez accéder au cours de Chpolski sur la physique atomique, tome 1, pages 381-391, ou § 129 et 130, vous trouverez là aussi un excellent exposé, en français. Ils commencent par exposer l'utilisation de la raie Hβ de l'hydrogène pour vérifier l'effet Doppler du second ordre relativiste, puis ils présentent les contraintes expérimentales, notamment thermostater l'émetteur et l'absorbeur, pour la raie à 14,4 keV du 57Fe.

Les Éditions Mir ont disparu en même temps que l'URSS et la plus grande partie de leurs ouvrages sont désormais introuvables. Springer Verlag a racheté le fonds Mir pour une bouchée de pain, réédite certains succès de librairie pour beaucoup plus cher, et en broché seulement, et a laissé le reste à la critique rongeuse des souris. Ce qui les intéressait était d'éliminer un concurrent.

 

Z'Yeux Ouverts :

- Dans cette expérience réalisée à Harvard en 1959, ce qui était mesuré là est l'effet de la différence de potentiel de gravité, sur une hauteur de 21 m, sur l'écoulement du temps, donc la fréquence de résonance du 57Fe. Ce qu'il fallait mettre en évidence est gh/c2 = 2.5×10−15 .

La différence d'altitude - très petite devant le rayon terrestre - multipliée par la gravité moyenne à cette altitude donne une différence de potentiel de gravitation, que nous notons \Delta\phi Δφ. D'où la nouvelle fréquence Mössbauer : \nu' = \nu(1 + Δφ/c²). Les expérimentateurs montèrent la source de γ au centre du cône d'un haut-parleur (un gros boomer comme en fabriquait Altec Lansing à cette époque), alimenté en basse fréquence. Il suffisait de repérer la phase à laquelle l'absorption par un filtre en 57Fe se produisait devant le détecteur, pour en déduire la vitesse qui par effet Doppler-Fizeau compensait exactement l'effet du potentiel gravitationnel. L'expérience a été faite dans les deux sens, du haut vers le bas de la tour du laboratoire de physique, et du bas vers le haut. Déjà très convaincante, cette vérification des équations de la Relativité Générale a encore été améliorée depuis, en 1964 par Pound et Snider. De nombreuses mesures ont été faites aussi en embarquant une horloge atomique sur un avion civil pour de grands parcours, qui ont pleinement confirmé la justesse des corrections prédites par la Relativité restreinte (vitesse) et par la relativité générale (altitude). Certes ce sont de très petites différences, qui ont demandé des moyens métrologiques de grande précision, alors qu'un scénario de fusée intersidérale à des vitesses relativistes nécessaires à la réalisation du paradoxe des jumeaux de Langevin (qui plaît tant à des foules de kranks), nécessite un stock de propergols irréalisable, impossible à réunir sur Terre ; du reste la construction de la fusée gigantesque est aussi du domaine de la fiction. On a de nombreuses confirmations que les lois relativistes qui servirent à Langevin, sont très bien vérifiées, sur des cas accessibles et réels. Les expériences de Pound et Rebka, puis de Pound et Snider en 1964 ont été amplement précisées par un maser à hydrogène à la précision de 10−4 de la différence relativiste à vérifier.

 

Curieux  :

- Je résume ce que je comprends : Il suffit d'une différence d'altitude de 21 m, à la surface de la Terre, pour que la différence de l'écoulement du temps soit mesurable ! Mais alors cela implique qu'entre les différentes molécules d'un gaz, qui s'agitent les unes par rapport aux autres à une vitesse du même ordre de grandeur que la vitesse du son, elles ont toutes une "notion du temps" différente et incompatible aux autres ? C'est donc la conséquence implacable de l'effet Doppler-Fizeau, pourtant établi au 19e siècle ? C'est bien la première fois qu'on attire mon attention là dessus.

 

Professeur Castel-Tenant  :

- C'est bien pourquoi les raies caractéristiques d'un gaz sont élargies par l'agitation thermique, aussi bien en absorption qu'en émission. On peut utiliser ces largeurs de raies pour estimer la température d'un gaz, à des distances astronomiques.

 

Z'Yeux Ouverts :

- L'application à la microphysique n'est pas moins surprenante, aux yeux du plus grand nombre. Nous avons vu plus haut les différences d'énergie d'un électron (ou de son atome ou de sa molécule aussi bien) selon qu'il occupe son état de base qui lui soit accessible (c'est à dire non déjà occupé par un électron plus lié), ou un état dit "excité". D'où résulte une divergence dans les temps propres de ces électrons, prédite par la Relativité.

 

Curieux :

- Mais alors, si je vais jusqu'au bout de vos affirmations, cela implique que pour l'électron le plus lié, le temps s'écoule moins vite que pour l'électron dans un état moins lié, et encore moins par rapport à l'électron libre, et encore moins que pour un électron accéléré ?

 

Z'Yeux Ouverts :

- C'est parfait, vous avez assimilé le message. Et la différence de fréquences entre ces états est exactement la fréquence emportée par le photon sortant, ou apportée par le photon entrant. C'était déjà décrit par Erwin Schrödinger en 1926, dans son article envoyé en septembre à la Physical Review, sauf que dans sa malchance distraite, Schrödinger avait oublié de revenir dans le cadre relativiste pour cette fin d'article, et qu'en conséquence les fréquences initiale et finale de l'électron émetteur étaient fort loin des fréquences brogliennes réelles, et étaient dépourvues de tout sens physique. Cela a suffi pour que cette partie de son travail soit universellement oubliée, au lieu d'être promptement corrigée.

 

Professeur Castel-Tenant  :

- Ces lacunes et malchances dans le travail de Schrödinger sur l'équation d'onde de l'électron ont été corrigées deux ans plus tard, en 1928 par Paul Adrien Maurice Dirac (1902-1984). "The Quantum Theory of the Electron" , http://www.math.ucsd.edu/ nwallach/Dirac1928.pdf ou https://www.jstor.org/stable/94981

Dirac connaissait déjà une première solution relativiste, celle connue sous le nom de Klein-Gordon, déjà écrite par Schrödinger mais abandonnée en cours de route, et la trouvait mauvaise pour l'électron ; depuis nous savons qu'elle convient pour des particules sans spin, telles que les pions. Dirac prit la décision de ne plus avoir d'équation quadratique, mais entièrement du premier degré.

Toutefois la difficulté mathématique fit un grand bond en avant : les coefficients de Dirac α et β sont des matrices carrées 4 x 4, et l'on a facilement de la misère à les interpréter, quelle que soit la variante adoptée.
Les p_1, p_2 et p_3 sont les coordonnées de l'impulsion, ou quantité de mouvement, en tant qu'opérateurs. m est la masse au repos. Désormais la fonction ψ a quatre composantes, on la qualifie de bispineur. Les matrices α et β sont hermitiennes et leur carré est la matrice unité.
α2 = β2 = I4

De plus elles anticommutent (i et j distincts) :
αi αj + αj αi = 0

αi β + β αi = 0

Elles sont des représentants d'une algèbre de Clifford, créée en 1878 par William Kingdon Clifford (1848-1879).

 

Z'Yeux Ouverts :

- La première surprise venant de cette invention mathématique par Dirac, fut que le spin de l'électron en était une conséquence naturelle. La seconde surprise vint en 1930 et 1932 par Erwin Schrödinger, qui prouva qu'il en découlait une Zitterbewegung ou en français un « Tremblement de Schrödinger » :

La vitesse instantanée d'un électron libre est toujours alternativement c et -c, comptée sur l'axe du déplacement.

La fréquence de cette alternance est le double de la fréquence broglienne, soit 2 mc²/h. Mais le partage entre chaque partie d'alternance dépend de la vitesse de groupe.

L'amplitude de déplacement de cette alternance semble bien être h/mc, ce qui nous laisse avec des problèmes d'interprétation encore douteuse.

Enfin Schrödinger prouva que l'équidistance spatiale Dirac-Schrödinger est celle qui ramène la dispersion de Compton électron-photon exactement à la loi de Bragg. Je l'ai redécouvert en 2011, car le monde entier ignore tout de cette découverte d'Erwin Schrödinger ; seule la conférence Nobel de Dirac en 1933 la mentionne ; silence radio forcené partout ailleurs. http://www.deonto-ethics.org/quantic/index.php?title=Calcul_diffusion_Compton_et_Zitterbewegung

 

Curieux :

- Et avec une application numérique, qu'on ait une idée claire des ordres de grandeur ?

 

Z'Yeux Ouverts :

- Je crains que vous ne regrettiez votre demande, car mathématiquement, ça va devenir plus trapu, et de nombreux lecteurs auront intérêt à sauter directement au chapitre suivant.

 


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