Les tests ADN, on oublie des arguments basiques
par kaarlo/PKK
mercredi 24 octobre 2007
La polémique sur les tests ADN s’est focalisée sur l’aspect moral de la question, vexation imposée aux Africains a-t-on entendu, simple dispositif anti-fraude pour ses partisans, or une plongée sur l’efficience de cette technique d’identification aurait permis de déplacer le problème et de cerner le véritable enjeu qui explique si mon hypothèse est la bonne l’acharnement de M. Hortefeux et, à travers lui, de M. Sarkozy à maintenir cet amendement.
On sait que chaque individu est constitué de 23 paires de chromosomes, 22 sont homologues (on dit autosomes dans l’idiome biologique) et la dernière détermine notre sexe (elle est dite gonosome) selon que nous soyons XX ou XY. Ces chromosomes sont le support de 30 mille gènes constitués de séquences de nucléotides (une sorte d’alphabet génétique formé de 4 éléments). Pour mémoire, le seul chromosome X contient 156 mégabases (une mégabase contenant 1 millions d’éléments, A, C, G ou T que ceux-ci forment ou non une séquence codante). Voici pour la scène d’exposition.
Imaginons un certain Roberto qui vient porter sa demande de regroupement familial. Dans la première mouture de l’amendement Mariani il s’agissait d’évaluer par un test la filiation génétique entre Roberto et ses enfants présumés. S’il s’agit d’enfant masculin, ceux-ci porteront le même chromosome Y que leur père. Le problème c’est que Roberto partage ce chromosome avec son père, ses frères, ses neveux si bien qu’il est impossible de distinguer les enfants de Roberto de ceux de ses frères. L’argument du rempart à la fraude est donc détruit. S’il s’agit d’enfants de sexe féminin, ne pratiquer un test ADN que sur le père, Roberto donc, est un exercice à la fois absurde et vain.
Dans l’amendement Mariani, deuxième mouture, le test portera sur la relation entre la mère et l’enfant, c’est donc l’ADN mitochondrial qui sera sondé. Rappelons que chaque cellule contient des centaines de mitochondries, sorte de centrales énergétiques des cellules, et que toutes disposent sur les molécules d’ADN de 37 gènes. Or cet ADN est transmis exclusivement par la mère. Appelons cette mère Roberta. Il se trouve que Roberta dispose du même ADN mitochondrial que ses sœurs, dès lors le problème des neveux et des nièces resurgit et l’argument du rempart contre la fraude est détruit une deuxième fois.
J’avoue ne pas comprendre comment l’opposition, puisque c’est sa fonction, a pu passer à travers de tels arguments et démontrer l’absurdité du dispositif prévu par le texte de loi. On s’est gargarisé d’un article bref et insipide d’Axel Kahn autour du retour du bâtard dans le corps de la législation française, on a piétiné parce que la loi dite bioéthique est un pur torchon qui prétend encaserner la recherche et ses applications dans une morale de garde-champêtre. La représentation nationale a donc démontré une nouvelle fois son inanité, incapable d’organiser sur le modèle des congressistes américains des consultations publiques auprès de chercheurs, de praticiens, de responsables d’associations, de prêtres et j’en passe. Incapable parce que cette même représentation est très attachée à cette part d’obscurité où les décisions se prennent en comités restreints ou dans les échanges feutrés ou non des cabinets.
Aussi la question n’est pas anodine et M. Sarkozy dont le frère est un chercheur en biologie ne peut en aucun cas ignorer l’absurdité de tels tests. Si ses affidés s’acharnent donc à les maintenir c’est dans un but plus large et plus lointain et ce but tient en un mot qui effraie, l’eugénisme.
Car le corps est support d’informations, informations qui donnent lieu à reconnaissance, mais aussi, dans certains pays occidentaux, à des ouvertures de droit en matière de services sociaux, sanitaires ou d’immigration. Or un test ADN permet tout à fait de mettre en exergue un locus génétique lié à la santé, locus qui, s’il révèle la probabilité d’une maladie grave, interdira à leurs porteurs l’entrée sur le territoire national.
Dès lors, le métissage voulu par M. Sarkozy prend des couleurs d’un eugénisme radical et prétend définir une police des mélanges des corps, une sorte d’élevage de lignées bien connus dans la sélection des vaches ou des chevaux.
On peut trouver mon hypothèse absurde, si elle l’est, la seule alternative crédible serait la profonde débilité intellectuelle de nos élites politiques, pour ma part je n’y crois pas.
Kaarlo/PKK