Mais qui stoppera Google ?

par David Fayon
vendredi 5 septembre 2008

Le lancement du navigateur de Google, Chrome, a fait l’objet d’un buzz important ces trois derniers jours sur internet. Au-delà de ce lancement qui permet à Google d’élargir un peu plus son spectre, il convient de s’interroger sur qui pourra bien stopper l’hégémonie de « big white ».

Techniquement, l’amélioration des performances avec Chrome lorsque l’on utilise les produits Google (Gmail ou Google Apps/Docs) est notable. L’ergonomie du navigateur, sobre, est nouvelle. Certains internautes pourraient alors utiliser Chrome pour ces produits Google et conserver leur navigateur habituel pour le reste de leurs usages.
 
Chrome, développé en open source, est pour l’heure disponible en version PC (les utilisateurs de MacOS et Linux devront attendre). Ce navigateur est un outil conçu pour gérer les applications et les pages web, ce qui peut permettre d’avoir accès aux documents en étant déconnecté. Même si ce lancement est un pas vers le SaaS (Software as a Service) et le « cloud computing  », il peut être perçu comme une offensive de plus et une certaine arrogance à l’égard de Microsoft. Il n’en demeure pas moins que les géants Microsoft et Google sont encore absents de plusieurs créneaux stratégiques. L’arrivée de Lively en juillet dernier est un bien timide pas de Google vers les univers virtuels. Google n’offre pas d’équivalent à Microsoft Sharepoint et Biztalk, par exemple.
 
Ce lancement de Chrome ne constitue pas une réelle surprise même si beaucoup s’étonnent de l’ombre que Google pourrait faire à Internet Explorer, Firefox ou autres Opera et Safari. Il s’inscrit dans la logique de Google de présence sur tous les fronts. Cette hégémonie suscite des craintes comme à l’égard de Microsoft lorsque « Big green » régnait en maître sur les systèmes d’exploitation voici dix ans. Cet élargissement du positionnement initial n’est pas un cas isolé dans le secteur. Le positionnement des acteurs des technologies de l’information et de la communication (informatique, télécoms, édition, musique, audiovisuel) est très fluctuant. Apple par exemple qui peinait à atteindre les 4 ou 5 % de parts de marché des PC malgré son innovation marketing s’est repositionné avec iTunes Music Store puis l’iPhone sur le créneau de la musique et de la téléphonie et est redevenu une machine à générer des profits.
Dans ce contexte, Google avance ses pions progressivement sur l’ensemble de ces créneaux. Après l’encyclopédie Knol qui défie Wikipédia, Androïd pour la téléphonie mobile, OpenSocial pour contrer la montée de Facebook - même si ce dernier a un problème quant à son business plan qui fait planer sur lui une bulle 2.0 - voici venu le temps des navigateurs. Pour l’heure, il convient de souligner que les AdWords et AdSense du moteur de recherche de Google via les clics générés sur les liens publicitaires dits « sponsorisés » génèrent la quasi-totalité des revenus de Google, ce qui constitue aussi une fragilité du géant du web.
 
Si la devise des fondateurs de Google est « ne faites pas le mal  », rien n’est jamais moins sûr d’une part parce que les dirigeants ne sont pas éternels, d’autre part parce qu’entre l’affichage annoncée et la réalité, il pourrait avoir un décalage. Par ailleurs si du jour au lendemain des outils comme Google Maps devenaient payants, l’écosystème bâti autour de telles applications s’en trouverait bouleversé et des mashups constituées à partir de telles applications seraient prisonnières et obligées soit de verser une redevance soit d’imaginer une alternative de remplacement pour le produit encapsulé.
 
Tout monopole fait peur, mais la réponse viendra peut-être des utilisateurs eux-mêmes qui stopperont son inéluctable extension via un boycott et l’utilisation d’autres produits ou d’autres moteurs même si la fidélisation voire l’addiction à la suite de produits Google est notable (Yahoo a fait des progrès dans les résultats délivrés, Exalead a une interface agréable, MSN Live Search copie certaines fonctionnalités de Google), sans compter que la menace pour Google pourrait aussi venir d’acteurs novateurs se positionnant sur son propre cœur de métier… la recherche d’information elle-même, via des moteurs de recherche verticaux ou utilisant des interventions humaines pour délivrer des résultats plus pertinents et utilisant des techniques du web sémantique. Les offensives (Yoono, Mahalo, Evri, Wikia) se multiplient sans constituer de véritable menace à ce stade. Google n’a cependant pas encore trouvé son challenger et de belles pages du web restent à écrire.

Cf. Les trois grandes périodes de l’informatique

Cf. chapitre V « Les géants d’internet : la politique de croissance de Google et le duel Microsoft-Google » dans « Web 2.0 et au-delà  », Economica, septembre 2008.

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