Maths à venir

par Geneste
mardi 1er décembre 2009

Les mathématiciens se réunissent à la mutualité les 1er et 2 décembre pour discuter de leur avenir. La dernière fois qu’a eu lieu un tel colloque, c’était en 1987, il y a 22 ans ! C’est dire l’importance de cette conférence ! Mais commençons par nous poser la question de savoir pourquoi les mathématiciens vont se réunir.

En réalité, nous pouvons affirmer que la France est la première nation mathématique du monde, tout simplement car elle compte parmi ses chercheurs actuels le plus grand nombre de médaillés Fields, cette récompense mathématique ultime que l’on qualifie parfois, à tort, de prix Nobel de mathématiques mais qui est bien plus prestigieuse car décernée seulement tous les 4 ans sous conditions draconiennes. Tout semble donc aller pour le mieux. Cependant, au royaume de Descartes, la vie des mathématiciens n’est pas si rose et la communauté craint de perdre, à terme assez court, cette place privilégiée de leader. En effet, il en va des mathématiques comme des autres disciplines, elles sont, en quelque sorte, un gigantesque château de cartes dont les médaillés Fields ne sont que le sommet. Que la base vienne à s’écrouler et c’est tout l’édifice qui chutera. Or, certains signes sont particulièrement inquiétants. On constate en effet une forte désaffection des jeunes générations pour les sciences en général et les mathématiques en particulier. Le nombre n’a certes jamais été synonyme de qualité mais il n’empêche, moins de jeunes intéressés entraîne fatalement une statistique plus défavorable quant à la probabilité d’avoir en son sein les leaders de demain.

 

Beaucoup a été fait pour essayer de redorer le blason des sciences et inciter les jeunes à s’y investir. Hélas, cela a été un échec patent. On a pourtant presque tout essayé, d’une présentation plus attrayante à un allègement substantiel des programmes de mathématiques à quelque niveau que ce soit. De mon point de vue, la raison du fiasco vient de plusieurs phénomènes que je vais énumérer ci-après mais que je ne justifierai pas faute de place. Le premier point est celui d’une désaffection des jeunes pour l’effort en général, quelle que soit la discipline concernée et pas seulement scientifique. La civilisation de la Game Boy et du loisir en général consomment un temps considérable qui auparavant pouvait être consacré à l’étude faute d’alternative. La suppression des internats avec leurs études qui obligeaient les élèves à travailler a aussi été probablement assez désastreuse. Mais ce n’est pas tout. Contrairement aux attentes des acteurs probablement bien intentionnés qui ont suggéré l’allègement des programmes, la conséquence d’un niveau d’exigences et connaissances plus faibles a été un moindre intérêt. Ne nous y trompons d’ailleurs pas, lorsqu’on veut fabriquer un champion sportif, en général, on ne lui allège pas le programme d’entraînement… Mais il y a aussi eu des phénomènes sociétaux beaucoup plus pervers qui sont encore à l’œuvre dans notre société et en sapent les fondements. Dans la méritocratie républicaine, le mathématicien avait initialement une position sociale enviable, une considération importante de la part de ses concitoyens. Dans une société dont la seule finalité est l’argent, lequel est d’ailleurs devenu une valeur, dans une société qui ne valorise que le manager ou banquier et laisse le technicien sur le bord du chemin, dans une société où l’ingénieur est mis sans vergogne en compétition mondiale avec des crève-la-faim et donc avec un salaire parfois indigent pendant que d’autres « se gavent », dans une société où on valorise de la même façon ceux qui dissertent sur l’air du temps à leurs moments perdu et ceux qui passent des heures penchés sur des copies difficilement compréhensibles, alors oui, le parcours de facilité est tentant, il est même plus que tentant, il devient la norme. Et il n’en est de meilleure preuve que les faits ; nous vivons une époque de désertion des études scientifiques.

Est-ce grave docteur ? La réponse est oui, c’est grave ! Pourquoi ? Tout simplement parce que notre modèle de vie occidental est basé sur les mathématiques. Vous en voulez des exemples ? Lorsque vous appuyez sur un bouton, c’est des maths qui vous allument la lumière ; quand vous tournez votre robinet, de même l’eau arrive grâce à de l’électricité qui actionne les pompes. Or le réseau électrique est géré par satellite, sinon il ne marche pas (cf la grande panne de 1979), ce sont donc des maths que vous consommez. Quand vous utilisez votre téléphone portable, ce sont des maths de très haut niveau pour la gestion et l’interconnexion mondiale des réseaux. Quand vous prenez votre voiture, l’allumage, le GPS, le radar de recul, les phares au xénon, l’ABS, etc., tout cela, ce sont des maths et s’il n’y en avait pas, vous en seriez encore à tirer une charrette à bras, un éfourceau en langage ancien.

Mais où est le problème diront certains ? Aujourd’hui nous vivons objectivement dans un système de compétition mondiale et, nous venons de le voir, les maths sont partout, elles sont même l’objet de la compétition. Baisser la garde dans ce domaine, c’est perdre la place que nous avons aujourd’hui dans le concert des nations, c’est voir notre niveau de vie relatif être relégué au fond du classement mondial, c’est devenir un pays en voie de sous-développement. Je ne prendrai qu’un seul exemple mais qui engage largement notre avenir. L’activité Airbus, en France, représente en 2009 un tiers des emplois industriels civils[1]. Pourrait-on faire un avion sans mathématiques ? Bien sûr que non ! Il en est bien sûr de même pour l’industrie automobile, le nucléaire et, d’une manière générale toute activité industrielle. Or l’industrie, globalement, représente 22% du PIB du pays et 80% des volumes d’exportations, ces exportations qui nous permettent d’importer sans quoi nous n’aurions ni écrans d’ordinateurs, ni téléphones mobiles, ni… Il est donc primordial de rester un pays fort en maths, collectivement. Il est fondamental de transmettre cet héritage à nos enfants dans l’espoir qu’à leur tour ils le feront fructifier.

Sans doute les lignes qui précèdent ne suffiront-elles pas à en convaincre certains. Il me faut donc entamer un autre registre, celui de la vie en société. En effet, notre idéal, dans les sociétés démocratiques, c’est la liberté, celle de penser, d’agir, de s’exprimer. Or l’ignorance est un frein à la liberté. L’ignorance ne permet pas de se faire une idée objective du monde qui nous entoure. L’ignorance nous empêche d’accomplir des actes qui sont pourtant naturels ou qui semblent l’être a posteriori. Ainsi, l’ignorance de certaines lois de la physique mais qui ne peuvent être mises en musique que grâce aux maths, empêche de faire des avions et donc de voler, de se déplacer. L’ignorance des lois de l’électricité, encore des maths, empêche de s’éclairer, de se chauffer, d’avoir l’eau courante, de téléphoner, de s’informer, etc..

Que peut bien être une démocratie dans laquelle le peuple est ignorant ? Cette question est loin d’être anodine car nous avons des signes aujourd’hui qui sont alarmants. Prenons un exemple emblématique du moment. Il s’agit de la thèse du réchauffement climatique et attaquons-là sous un angle mathématique. Clairement, le climat est l’hypersystème par excellence. Il faut donc, a priori, pour le modéliser correctement, une pléthore de paramètres dont on ne peut que très difficilement cerner l’impact individuel sur le modèle global. Cette vision à elle seule discrédite largement la thèse du réchauffement climatique qui serait dû à la seule augmentation du taux de gaz carbonique dans l’atmosphère. En effet, en ayant dit plus haut qu’on ne peut cerner facilement l’impact individuel d’un paramètre dans un modèle complexe, on voit bien alors que le GIEC nous sert une thèse simpliste. Cette thèse est d’ailleurs combattue par de plus en plus de scientifiques, le directeur de l’institut de physique du globe nous ayant récemment fait grâce d’une excellente interview sur le sujet. Nous voyons donc que la connaissance mathématique est un des ingrédients essentiels d’un vrai débat démocratique dans la société et la condition d’une vraie liberté ; liberté de compréhension, liberté de jugement, liberté d’action.

Passons, pour finir ce texte, à la question ultime de la connaissance mathématique en tant que connaissance humaine. Il va de soi que la connaissance mathématique, ne serait-ce qu’en la prenant dans sa portion réduite à la logique, est à la base même du raisonnement humain. Cela ne veut pas dire que le système est fermé comme l’affirme le théorème de Gödel, mais il n’est pas vide à l’heure actuelle et le système se construira au fil du temps et de l’évolution de notre race. Il n’empêche, aucun raisonnement humain actuel dans quelque activité que ce soit qui serait contradictoire, aujourd’hui, du raisonnement mathématique ne serait accepté et ne saurait l’être, ce qui est heureux. Mais les mathématiques ont bien d’autres cordes à leur arc. Elles permettent de définir le beau (nombre d’or) ou l’agréable (musique), elles permettent de comprendre la nature qui nous environne,  elles nous permettent de communiquer entre nous au niveau mondial (Internet) et la liste serait presque infinie. Je conclurai donc par cette phrase. Compte tenu de leur universalité et de leur proximité de l’homme et de notre monde, faire des mathématiques, à n’en pas douter, c’est faire le bien car ce ne peut être que faire progresser l’homme et son monde.

Alors, bonnes maths à venir !



[1] Information donnée par le cabinet d’expertise Secaphi Alpha à un séminaire de la fédération européenne de la métallurgie le 5/10/2009.


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