Pourquoi tout le monde devrait se réjouir d’HADOPI

par eddooh
mardi 17 novembre 2009

Depuis maintenant de longs mois, le projet de loi Création et Internet (et ses nombreuses péripéties) n’ont cessé d’agiter les médias et la toile par d’interminables débats, au point que notre ministre de la Culture, tout comme la plupart des internautes, ne sait plus vraiment guère ce que ce sacro-saint sigle HADOPI signifie. De longs mois pendant lesquels des déclarations ont été déclarées, des manifestants ont manifesté, des parlementaires ont tant bien que mal parlementé. Mais finalement, pourquoi tant de haine ? Pourquoi tant d’opposition ? Tout le monde devrait se réjouir devant HADOPI, car cette loi profitera à tous… mais pas nécessairement de la façon dont le gouvernement le voudrait.

Prenons dans un premier temps le cas de ceux qui sont censés, aux dires du discours officiel, être les réels bénéficiaires de cette nouvelle loi : les artistes. A vrai dire, pour les artistes, on ne peut pas dire qu’HADOPI sera satisfaisante, puisque rien ne changera pour eux. Leur rémunération continuera d’être de l’ordre de quelques pourcents sur chaque vente, leur offrant au final une part misérable de l’ensemble de l’argent dégagé par leurs productions. Au regard de la rémunération des artistes en France, Création & Internet est donc une loi neutre. 

Les majors seront, elles, hautement satisfaites. En premier lieu, leur orgueil sera bien sûr intact : après des mois, voire des années d’acharnement, elles auront fini par avoir eu gain de cause. Elles auront réussi à amener les députés à donner naissance à un projet de loi hautement répressif sur le téléchargement illégal. La SACEM pourra déclarer fièrement que « désormais, l’Internet ne sera plus une zone de non droit ». Une part infime des internautes pirates retournera acheter ses disques à la FNAC, permettant à l’industrie du disque d’engranger quelques euros en plus, et de freiner quelque peu la chute du modèle économique actuel.

Bien sûr, les conséquences dans ces deux premiers cas paraissent assez évidentes, et ont été répétées de nombreuses fois depuis le début des débats. Là où je m’oppose particulièrement à la vision catastrophiste actuelle, c’est dans la souffrance que vont réellement endurer les internautes pirates lorsque HADOPI sera appliquée.

Les « vrais » pirates – j’entends par là ceux qui ont jusqu’ici mis les fichiers à disposition du grand public sur des trackers comme The Pirate Bay ou Mininova – continueront d’agir tranquillement. Car, comme cela a toujours été le cas dans la course poursuite entre crackers et experts en sécurité informatique, les pirates auront toujours un train d’avance sur le législateur. Les modalités techniques d’HADOPI le prouvent : les avertissements seront envoyés aux adresses IP collectées sur les trackers publics. Pour le pirate mettant à disposition du grand public films et musiques, rien ne changera. Les pirates membres de la scene continueront à agir dans la discrétion qui a toujours été la leur.

Venons en maintenant au cœur du projet de loi, à la cible de la répression : les internautes qui téléchargent illégalement. Depuis le début de l’affaire HADOPI, je me suis souvent étonné de voir avec quelle ferveur de nombreux acteurs du Web s’enflamment à ce sujet.
Il y a, d’abord, ceux qui s’inquiètent tout simplement de ne plus pouvoir télécharger comme avant, et qui craignent d’être désormais obligé d’acheter leur musique, sous peine de finir devant un juge. Que ceux-ci se réjouissent : auparavant, ils étaient passibles de 300 000 euros d’amende et 3 ans de prison. Désormais, ils doivent dans le pire des cas craindre une coupure de leur accès à Internet. Et même, ils recevront auparavant deux avertissements, leur laissant largement le temps de suspendre leurs téléchargements sur les trackers publics visés par la loi, pour étudier toutes les possibilités existantes pour contourner HADOPI.
Il y a, ensuite, ceux qui critiquent HADOPI en disant qu’elle ne permettra aucune avancée dans la rémunération des artistes. Ceux là ont totalement raison, tout simplement car HADOPI (1 et 2) n’a jamais eu pour but d’améliorer cette rémunération, mais uniquement d’imposer une forte répression envers les pirates. Que ceux-ci ne s’inquiètent pas : comme je l’ai écrit auparavant, rien ne va changer de ce côté-là. Pourquoi protester si ardemment, alors ?

 

Même, il existe une dernière catégorie d’individus concernée par HADOPI, et à qui profitera largement ce changement. Ce sont ceux, qui, contre toute volonté du gouvernement français, bénéficieront au final de la nouvelle loi. Ce sont les sociétés proposant des services de P2P sécurisé sous différentes formes, et qui seront bien les seules à voir leur rémunération augmenter. Au cours des prochaines années, les internautes du monde entier, effrayés par les différentes lois de riposte graduée, chercheront à s’orienter vers des solutions alternatives. Les réseaux F2F, VPN et seedboxes connaîtront un développement sans précédent.

Au final, une seule critique dans le débat sur HADOPI me paraît donc réellement justifiée : celle qui consiste à dénoncer l’immense perte de temps et d’énergie qu’aura été le projet de loi Création & Internet, quand tant de choses ont besoin d’être règlementées ailleurs que sur Internet.


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