Prospective : Internet dans dix ans

par Serge Kpossou
jeudi 21 septembre 2006

Internet a changé beaucoup de choses mais ne fait pas une révolution. En effet, les années charnières 1980-1990 ont vu la naissance des documents partagés sur Internet, des annuaires, moteurs de recherche... Ces temps « reculés », pourtant si proches, s’éloignent peu à peu, les modèles de rentabilité de ces "nouvelles industries" s’éclaircissent (difficilement) : financement par les annonceurs, par le contenu... Tout ceci ressemble à une activité économique classique, née d’une innovation technologique (révolutionnaire, quant à elle !) qui se développe, se structure, et par là, entraîne un progrès pour l’espèce humaine en termes de qualité de vie et de maîtrise de son environnement.

Internet a cependant ceci de particulier que chaque individu peut y être autant acteur que consommateur. Dans un sens plus général, je crois que toute technologie, entreprise, projet visant à relier les hommes est promu à un succès global, et participe d’une évolution plus générale de l’humanité. La relation à l’autre est une corde sensible, exploitée depuis bien longtemps déjà par de nombreuses filières lucratives (développement personnel, communication, rencontres...) L’homme est un animal social ! Le succès des réseaux sociaux le démontre (de nombreux réseaux sociaux de niche restent à exploiter !)

J’ai quant à moi l’intuition que l’Internet reviendra progressivement vers la philosophie de ses débuts : un réseau d’ordinateurs (ou plutôt fournisseurs de contenus) identifiés partageant des informations entre eux.

En effet, l’époque où l’on pouvait identifier les machines connectées (universités et chercheurs US) est bien entendu révolu ! Mais les évolutions des technologies matérielles et logicielles, la vulgarisation de l’informatique feront que peu à peu, chaque individu connecté sera doté de la connaissance nécessaire au contrôle de son contenu sur Internet. Il ne s’agira certainement pas «  d’ordinateurs connectés », cette notion laissera place à la notion de «  contenu » diffusé (de manière volontaire ou tacite) par des personnes, ou des groupes. Ces contenus seront organisés sous forme de données de toutes sortes, professionnelles, personnelles, cloisonnées ou non.

En sortant de chez vous, vous croisez votre voisin ou votre boucher, il en sera de même sur Internet, avec la particularité que vous pourrez très facilement les identifier comme tels s’ils le désirent, ou les voir comme des inconnus ; la notion de distance se diluera encore un peu plus, même si la géolocalisation permet d’interagir avec son environnement immédiat. Vous découvrirez des informations de toutes sortes, sur les sujets qui vous intéressent et qui intéressent les "groupes de fournisseurs & consommateurs de contenu" auxquels vous participez (de manière volontaire ou tacite, encore une fois). Avoir accès à des milliards de pages Web, quel pied ! Mais qu’est-ce que cela change pour moi ? Je veux accéder à ce qui est intéressant pour moi, ou est susceptible de l’être, et je veux (ou ne veux pas) montrer à quoi je m’intéresse (ou ne m’intéresse pas).

Les dérives du spam, des divulgations ou du commerce d’informations personnelles, la pollution du contenu « intéressant » du Web qui croît avec la croissance exponentielle des informations disponibles feront donc tendre vers une volonté de maîtrise du contenu, j’entends par là, la maîtrise aussi bien de son contenu personnel que du "contenu des possibles" (les informations qui sont susceptibles de m’intéresser). Si cette orientation se vérifie, elle sera peut-être imposée par les choix des utilisateurs (par les sites qu’ils visitent et les outils qui leur permettront la maîtrise de leurs « contenus »), à moins qu’elle ne soit anticipée par les poids lourds du marché Internet...

A quoi ressemblera internet dans dix ans ? Question vaste et pleine d’inconnues, soulevée par Daniel Kaplan (Université des CCI, 7-8 sept 2006). Analyse fort intéressante.

Serge Kpossou


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