Quatre projets de recherche immenses mais inaccessibles et peut-être vains pour notre époque

par Bernard Dugué
vendredi 24 mars 2017

La recherche scientifique institutionnelle suit un cours déterminé le plus souvent, cadré par les programmes, les crédits, les publications, les congrès et les discussions entre confrères. La recherche est une sorte de conduite sous GPS avec une destination fixée pour une durée indéterminée. Mais parfois, certains chercheur refusent de suivre le GPS ou bien le reprogramment pour aller explorer d’autres chemins expérimentaux et théoriques. Il existe aussi une recherche non encadrée, qui ne cherche pas l’exactitude ou l’efficacité ciblée mais une certaine forme de vérité dans les différents secteurs de l’existence. Cette recherche tente de comprendre et d’expliquer les choses. Pendant des siècles, les philosophes pratiquaient la recherche non encadrée, Newton, Descartes, Leibniz, Kant, Nietzsche. Une recherche non encadrée signifie qu’elle est librement orientée et détachée des contraintes institutionnelles. Et qu’elle répond à une finalité universelle et partagée, ouvrant les conscience vers le sens de l’existence sans se préoccuper d’un quelconque intérêt particulier. Certes il faut bien que le philosophe croûte mais il ne sera pas dépendant d’un conflit d’intérêt.

Je fais une excursion et m’exfiltre volontairement depuis une docte perplexité en proposant à quelques amis bienveillants de la Toile des interrogations sur le choix d’une orientation dans mes recherches (qui on l’aura deviné sont hors des cadres). Juste pour avoir un point de vue différent du mien. Cela dit, un choix de recherches dépend de deux choses, l’éthique pour la société et l’inspiration pour la qualité du travail effectué. Je me demande si l’inspiration n’est pas entrelacée avec l’éthique dans une conscience élevée. Voici donc les quatre projets que j’ai en ligne de mire. Avec une docte hésitation.

1. Evolution du vivant et émergence des espèces

2. Etudier la possibilité de stopper le développement d’un cancer chez un patient

§

3. L’énigme de la technique et son essence

4. Philosophie de la conscience et théologie du Temps

Ces quatre projets vont par paires. La technique comme la conscience sont deux éléments déterminants pour le sens de l’existence et la maîtrise des stratégies et des moyens. La compréhension du vivant puis de son évolution utilise les mêmes concepts et outils théoriques que l’étude du développement d’un cancer. Ces projets sont numérotés en allant du plus matériel, la vie, au plus spirituel, la conscience éclairée. S’ils seront réalisés, ce sera avec des angles de vue inédits et des outils conceptuels permettant de configurer les questions les plus fondamentales. L’axe central étant bien entendu l’information au sens physique et philosophique. Il se peut néanmoins que ces projets ne puissent pas trouver de réalisation.

1. L’émergence des espèces risque de rester impensée. La hauteur des défis est même au-dessus de la configuration des origines de la vie qui paraît plus accessible, du moins avec ma philosophie scientifique de l’émergence. Je ne suis pas certain que ces questions intéressent l’opinion des peuples ancrés dans l’ère technumérique.

2. Le cancer est un autre défi. Il est envisageable de concevoir un cancer qui est stoppé dans son développement. C’est même réalisable mais c’est très rare. Un certain nombre d’intérêts corporatistes ainsi que la gestion technocratique de la mort convergent pour empêcher toute solution alternative au cancer. En ce cas, le projet n’est pas à l’ordre du jour. Il ne sert à rien de trouver des solutions pour un monde qui n’en veut pas !

3. La technique est un enjeu fascinant pour la philosophie. Il n’est pas certain que la compréhension de la technique intéresse l’opinion. Les gens sont devenus des abrutis avides de solutions technologiques et de la satisfaction sans délais des désirs infinis. Pour la partie philosophique, des résultats de haute volée ont été acquis. Depuis Spengler jusqu’aux travaux de Ellul ainsi que Habermas pour le volet sociopolitique. Heidegger a écrit des pages fulgurantes sur l’essence de la technique et je me demande s’il est possible de le dépasser. Ce qui suppose de comprendre ce qu’a dit Heidegger qui est le Einstein de la métaphysique. Sauf que les théories d’Einstein sont compréhensibles et utilisables par des milliers de physiciens alors que les exégètes de Heidegger se comptent en dizaines, et encore !

4. Si l’on cherche dans la théologie, on se demandera à quoi ça sert. La vraie religion se vit dans la temporalité avec des questions et comme un mystère. Dieu n’a rien d’un lexomil délivré en comprimés d’hosties en sirop de sourates ou en pommade talmudique. La théologie se présente comme un mystère du Temps. Il faut déjà comprendre Nietzsche, Hegel et Heidegger pour entrer dans ce mystère, puis pour aller un peu plus loin et se farcir les textes sibyllins de Barth, Rahner, Lubac ou Bultmann. Bref, les cimes de la divinité semblent inaccessibles, même avec les meilleurs crampons philosophiques.

Ces notes me plongent dans un profond désarroi. En pleine nuit, je me suis réveillé enveloppé de noirceur. Je jouai dans ma tête une musique me rappelant des moments heureux. Submergé par une vague de mélancolie, je voyais l’avenir me filer entre les mains. Et puis deux heures de sommeil et les brumes se sont dissipées. Je me sens tel un randonneur au pied d’un massif, contemplant les cimes de quatre sommets voilés par la brume. Après tout, pourquoi n’oserai-je pas utiliser quelques crampons philosophiques pour commencer une ascension. La question de la technique me paraît importante et sans doute se raccorde-t-elle aux deux autres projets sur l’évolution et le cancer. Essence, dévoilement, vérité de-et-dans la technique. Se projeter au-delà du texte de Heidegger et du livre VI de l’Ethique d’Aristote.

In quantum we trust !

Je m’aperçois qu’il est vain de chercher à partager de hautes idées dans un monde gagné par le désert intellectuel et spirituel, surtout sur le Net. Pourtant, je n’ai pas le choix. Mon Dasein est destiné et ne peux reculer. Un ami de passage viendra peut-être mettre un message éclairé. Pour le reste, l’œuvre m’échappe. Bientôt l’édition d’un premier livre sur l’information. Il sera traduit en anglais par les bons soins de l’éditeur. Et un second achevé avec des considérations inédites sur le Temps et les processus d’émergence. Il devrait voir le jour. L’ensemble offre déjà un regard inédit construit comme une philosophique scientifique destinée au 21ème siècle. Un regard qui tente de dépasser les résultats déjà nouveaux consignés dans Procès et miroir (thèse de philosophie, Poitiers, 1996) l’Expressionnisme (Harmattan, 1998) et le sacre du vivant (Temps présent, 2014).

Et maintenant, l’évolution, le cancer, la philosophie de la technique ou la théologie du Temps ? Je me mets en mode lâcher prise. En ce moment les batteries sont à plat. J’attends qu’elles se rechargent pour continuer le voyage dans la recherche en espérant être surpris par les paysages scientifiques et métaphysiques. Et je compte sur les énergies cosmiques et divines, bien plus salutaires et efficaces que les volontés humaines !

In Pink Floyd we trust !


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