Quel avenir pour la fusion thermonucléaire ?

par Fourmi Agile
lundi 15 février 2010

L’énergie nucléaire existe sous deux formes : la fission où l’on casse des noyaux atomiques, ce qui libère de la chaleur : c’est le procédé utilisé aujourd’hui dans les centrales nucléaires. La fusion thermonucléaire est exactement l’inverse : on fait fusionner des noyaux atomiques ce qui produit beaucoup plus de chaleur que la fission.

 
Comment fonctionne la fusion thermonucléaire ?
Les noyaux des atomes ayant la même charge électrique, ils se repoussent. Pour les faire fusionner il faut détruire la structure de l’atome en les chauffant à plus de cent millions de degrés. On obtient alors un nouvel état de la matière appelé plasma. Après les solides, les liquides et les gaz, le plasma est le 4ème état de la matière qui représente près de 99% de la production d’énergie dans l’univers puisque c’est ce qui constitue les étoiles et le soleil.
Le plasma est un gaz tellement chaud que les atomes ont perdus leurs électrons et les noyaux animés d’une grande vitesse peuvent entrer en collision et fusionner.
Plusieurs expériences ont déjà réussi à la fusion, mais on n’a pas encore réussi à ce que la réaction s’auto entretienne sans apporter d’énergie.
 
Les différents moyens pour obtenir la fusion.
 
Le confinement inertiel, c’est le moyen utilisé par le Laser Megajoules à Bordeaux et le National Ignition Facility, aux Usa.
On bombarde une minuscule cible de deutérium avec des lasers extrêmement puissants. Ceci produit une explosion comparable à une mini bombe H, Aujourd’hui les verrous technologiques sont encore trop nombreux pour envisager une production industrielle d’électricité : il faut arriver à positionner très précisément la cible à quelques microns près, puis une fois la cible détruite par la fusion, il faut pouvoir régulièrement réinjecter d’autres cibles à la vitesse d’une balle de fusil et avec la même précision. Ces deux machines ont été construites surtout dans un but de recherches militaires.
 
La Zmachine, ou striction magnétique. On utilise un courant de plusieurs centaines de millions d’ampères pour produire un champ magnétique intense qui compresse très violemment le plasma pendant un temps très bref. Les laboratoires Sandia aux Usa ont obtenu une température de 3 milliards de degrés, mais sur des durées de quelques milliardièmes de secondes.
Le principal avantage de cette machine et qu’elle ne produit aucune radioactivité
L’idée de la Z machine inventée par le russe Sakharov a été longuement étudiée ensuite par l’américain Fawler et par de nombreux scientifiques du monde entier qui ont fini par abandonner l’idée de produire de l’électricité avec ce procédé. Pour une raison très simple : pour démarrer la machine il faut envoyer un courant de près de dix millions d’ampères dans le circuit électrique, ce qui cause de gros dégâts qu’il faut réparer. A titre de comparaison, nos maisons supportent en moyenne un courant de 30 ampères. Ainsi après chaque impulsion électrique, il faut arrêter la machine pour réparer ces dégâts.
 
La fusion froide. Ce procédé a été inventé dans les années 1980. Le phénomène que les chercheurs ont découvert est étonnant et aura certainement des applications, mais la production d’énergie est si faible que ce procédé ne pourra jamais passer au stade industriel. C’est surtout le tapage médiatique qui a beaucoup fait parler de cette expérience.
Il y a eu des milliers d’essais réalisés par de nombreux scientifiques un peu partout dans le monde.
 
La Focus fusion ou Z Pinch. Inventé simultanément par Mather aux Usa et Filipov (ici en photo) en Urss en 1960. Les chercheurs manquant de moyens ont conçu des machines à la limite du bricolage, cependant les résultats obtenus sont intéressants. Voir le lien à la fin de l’article.
 
Le confinement magnétique, procédé utilisé pour Iter.
Dans les années 1920 les scientifiques remarquent que la fusion d’atomes d’hélium s’accompagne d’un fort dégagement de chaleur. Ils en déduisent que c’est ainsi que fonctionne le soleil et les étoiles. Ils essayent alors de reproduire ce phénomène naturel.
Dans les années 1950 plusieurs pays construisent de petits réacteurs expérimentaux : il y a eu d’abord le Jet en Angleterre, puis Tore et Tore Supra à Cadarache, le Tokamak des soviétiques qui est devenu le nom de cette forme de réacteurs. Au début ces recherches se faisaient dans un secret absolu car la fusion permettait la mise au point de la redoutable bombe H : la bombe à hydrogène.
En 1958 lors du sommet "Atomes pour la Paix" de Genève, plusieurs pays décident de coopérer pour réaliser la fusion. En 1985 naissait le projet Iter. Aujourd’hui, l’Union européenne, le Japon, les Usa, la Russie, la Chine, l’Inde et la Corée du Sud sont associés au projet. 
La construction d’Iter sera terminée vers 2016, les premières fusions devraient être obtenues vers 2018 et les expériences dureront jusqu’en 2040.
Iter n’est pas prévu pour produire de l’électricité, c’est un instrument de recherche fondamentale. On construira ensuite un autre prototype de réacteur appelé Demo qui vérifiera si on peut produire de l’électricité de façon rentable au niveau industriel. Si cela fonctionne, l’exploitation commerciale pourrait commencer vers 2060.
 
Comment fonctionne Iter.
C’est un gros anneau entouré de bobinages électriques qui vont produire des champs magnétiques extrêmement puissants. Le cœur de l’anneau est chauffé à plus de 100 millions de degrés, on injecte alors une pastille de combustible de 1 gramme. La fusion se déclenche et si toutes les conditions sont réunies la réaction s’auto entretient et on n’a plus besoin de fournir de l’énergie pour maintenir cette température. 
 
Les avantages de la fusion.
La fusion produit une gigantesque quantité d’énergie : 1 gramme de deutérium produit autant d’énergie que 7 tonnes de pétrole ! Il suffirait d’un camion de 32 tonnes de combustible pour alimenter toute la France en énergie pendant un an. Lorsque la fusion s’auto entretient, elle produit dix fois plus d’énergie que ce qui a été injecté, c’est un rendement énorme.
 
Le combustible nécessaire est abondant puisqu’il faut de l’hydrogène lourd ou deutérium qu’on trouve en grande quantité dans l’eau de mer, et du tritium qui est aussi une forme d’hydrogène mais qui est extrait du lithium, métal léger qu’on trouve dans la croûte terrestre. Les réserves nous assurant plusieurs milliers d’années d’énergie et le combustible ne représente que 1% du coût de fonctionnement du réacteur.
 
La fusion n’utilise pas de matière radioactive et lorsqu’il y a des déchets radioactifs, ils sont très peu énergétiques, d’une durée de vie de moins de cent ans et occupent très peu de volume. La gestion des déchets est donc beaucoup plus simple qu’avec les centrales nucléaires actuelles. De ce fait le démantèlement pose peu de problèmes.
 
La réaction ne peut pas s’emballer car la fusion thermonucléaire n’étant pas une réaction en chaine comme dans les centrales nucléaires actuelles. D’ailleurs dès qu’il y a le moindre petit problème, la réaction s’arrête d’elle-même.
 
Les difficultés d’Iter.
La température de la fusion dépasse les 100 millions de degrés. Comme aucun matériau ne résiste à de telles températures, on contient le plasma par un champ magnétique. Mais la fusion produit des neutrons à très haute énergie, comme si on faisait exploser en permanence une bombe H. Puisque ces neutrons sont neutres, ils ne sont pas retenus par les champs magnétiques et attaquent la paroi du réacteur composée de plaques d’un alliage métallique de 1cm d’épaisseur. Ces plaques devant être régulièrement remplacées par des robots, il faudra donc arrêter le réacteur.
De plus sous l’action des neutrons, les parois produisent de l’hélium qu’il faut évacuer. Ces parois doivent donc être étanches vers l’intérieur et poreuses vers l’extérieur : comment réaliser un matériau poreux et étanche à la fois ?
 
Pour obtenir ces champs magnétiques intenses, on utilise des courants de plus de dix millions d’ampères. Pour y arriver il faut que les fils électriques aient une résistance presque nulle, ce sont des alliages spéciaux appelés supraconducteurs très fragiles : comment les faire résister à des flux de neutrons comparables à ceux d’une bombe H pendant toute la durée de vie du réacteur ?
Pour que ces bobinages électriques soient supraconducteurs, ils doivent plongés dans de l’hélium liquide à -270°, alors qu’à moins d’un mètre, le plasma est à plus de 100 millions de degrés. Il y a d’énormes fuites thermiques qu’on ne sait pas encore résoudre.
 
On n’a jamais manipulé des neutrons à très haute énergie. La fusion dans Iter produira des neutrons de 14 Mev, les plus énergétiques qu’on aie utilisés faisaient 4Mev dans Superphénix, et ça posait déjà d’énormes problèmes techniques.
 
Comment transférer les cent millions de degrés de la fusion au système de production d’électricité ? Les ingénieurs ont prévu d’utiliser des milliers de tonnes de plomb et de lithium fondu dans lequel on fera passer des tuyaux pour acheminer l’eau vers les turbines. Mais la réaction entre le plomb fondu et l’eau est extrêmement violente, une fuite serait la cause d’une grave catastrophe.
 
L’autre sérieux problème est que ce plomb fondu sera confit de tritium radioactif, or d’une part on ne sait pas du tout retenir ce tritium qui passe à travers le métal et d’autre part lorsque le réacteur aura fonctionné suffisamment longtemps, on ne sait pas retraiter ce plomb pour en extraire le plomb. Vu l’extrême dangerosité de ces produits, quel personnel acceptera de travailler sur ces projets ?
 
Iter produira des matières fissiles extrêmement chaudes qu’on ne peut pas transporter. Il faudra donc construire une usine de retraitement du type de La Hague autour de chaque réacteur !
Même si on arrivait à produire de l’électricité de façon industrielle, il faudrait les techniciens les meilleurs pour gérer ces installations très complexes dans des conditions de sécurité optimale. Ce serait impossible sur une centaine de réacteurs au niveau national et encore moins dans le tiers monde.
 
Des scientifiques prix Nobel de physiques critiquent ce projet : Masatoshi Koshiba pense que ce projet est dangereux. Pierres Gilles de Gennes affirme : "Le projet Iter a été soutenu par Bruxelles pour des raisons d’image politique, et je trouve que c’est une faute".
Le coût d’Iter est aussi très critiqué : Iter coûtera 15 milliards d’euros réparti entre 7 pays, soit 30 millions d’euros par an pour la France sur 30 ans. Alors que les chercheurs du Département des Etats Unis ont prouvé que le prix du kwh obtenu par la fusion serait 4 fois supérieur au prix du kwh des réacteurs à fission actuels.
 
Vu les incertitudes et les difficultés insurmontables, il semble que la production industrielle d’électricité avec la fusion thermonucléaire soit impossible, au moins pour ce siècle. Cependant il ne faut pas abandonner les recherches, d’une part car on trouvera peut être plus tard, d’autre part réunir des milliers de scientifiques venus du monde entier amène des avancées technologiques dans de nombreux autres domaines : par exemple la résonance magnétique utilisée en imagerie médicale utilise les aimants supraconducteurs développés pendant les recherches sur la fusion thermonucléaire. Le Laser Megajoules sert à l’astrophysique en laboratoire qui permet de reproduire les conditions existant à l’intérieur des planètes ou des étoiles, le micro usinage, la simulation d’armes nucléaires.
 
Si on veut augmenter la production d’électricité, il y a encore mieux à faireque la fusion thermonucléaire, il faudrait d’abord améliorer les rendements des différentes formes énergies, en particulier les énergies renouvelables et la fission nucléaire avec les nouveaux générateurs. Bien sûr qu’il serait plus sage de diminuer nos consommations et le gaspillage, mais c’est un autre problème.
 
Liens.
Explications de la fusion.
Histoire de la fusion.
 
Laser mégajoules.
Site officiel.
Wikipédia.
Vidéo du processus.
National Ignition Facility qui a atteint 111 millions de degrés le 29 janvier 2010.
Opposants au Laser Mégajoules. 
 
Z machine.
 
Focus fusion.
 
Fusion froide.
 
Iter.
Débat public.
Iter Wikipédia.
Coûts.
Iter CEA.
Site officiel.
Opposants à Iter.
Sortir du Nucléaire.
Iter : l’arnaque. 
 
Ebook de Benuzzi-Mounaix. Document très complet sur la fusion.
Remerciements à Henri Lehn pour ses nombreuses informations.
 

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