Quelques pistes pour chercher les origines de la vie
par Bernard Dugué
vendredi 30 janvier 2015
Une fois le constat de l’impasse de l’origine suggéré ou conjecturé (faute d’être établi), je propose quelques voies de recherche inédites qui ne sont pas standard et tranchent avec les canons et autres normes orientant la communauté des biologistes. Une première voie de recherche porteuse d’avenir concerne les virus, ces êtres énigmatique qui ne peuvent se reproduire par leurs propres moyens et se servent des cellules hôtes pour parvenir à leurs fins. Une question pourrait s’avérer décisive pour comprendre le vivant. Les virus ont-ils précédé les cellules ou bien est-ce l’inverse ? Autrement dit, les cellules sont-elles issues d’un monde viral intermédiaire entre le prébiotique et le vivant ou alors les virus sont-ils des éléments constitués à partir de la « mécanique cellulaire » dont les fins sont à définir. Soit des artefacts moléculaires devenus autonomes, soit des moyens de communications et d’expressions conçus par le vivant et qui parfois finissent par se comporter de manière intempestive et nocive ?
La seconde piste est d’ordre paradigmatique. Elle concerne la logique essentielle du vivant et la prise en compte d’une nouvelle vision des processus moléculaires. Le paradigme mécaniste issu du 19ème siècle avec les flux, les machines et la thermodynamique, fait place à un paradigme centré autour de l’information, sa circulation, son interprétation, avec une sémantique moléculaire ainsi qu’un triplet génome, épigénome, protéome. Un nouveau courant épistémologique s’est dessiné depuis deux décennie avec comme acteur important le physicien Paul Davies dont les résultats théoriques méritent qu’on s’y penche sérieusement. On lui doit notamment l’hypothèse de la piste algorithmique pour expliquer l’origine de la vie. La transition du prébiotique au vivant serait dû à une émergence d’un système de traitement de l’information opérant sur les molécules tout en étant issu de ces mêmes molécules. Autrement dit l’émergence d’un niveau hiérarchique opérant sur le niveau inférieur. Cette hypothèse fonctionne avec le principe d’une information qui est centralisée pour ne pas dire mémorisée et de ce fait, s’oppose au principe entropique d’une information dispersée. Davies insiste également sur la place de la dynamique dans la gestion de l’information avec la structure du nucléosome qui selon sa configuration fera qu’une information génomique sera accessible pour être transcrite. Le génome étiré fait 2 mètres. Compacté au sein du noyau avec les protéines nucléiques, il mesure quelques micromètres.
La troisième de ces voies consiste à explorer l’ontologie du monde physique et à tenter, soit d’appliquer les règles de cette physique à l’étude de la complexité du vivant, soit d’extrapoler et de transposer, en cherchant à partir de cette physique les déterminants permettant à la vie de s’organiser, notamment comme système qui gère les informations et les interprète, dès le niveau cellulaire. Autrement dit, quelle est la bonne physique qui décrit le monde et comment utiliser cette physique pour comprendre le vivant en tant qu’émergence consécutive à une transition de « substance » effectuée par le monde prébiotique. La physique de l’information qui se dessine avec la « nouvelle gravité » s’inscrit dans un nouveau paradigme universel incluant la biologie de l’information. Comme l’a suggéré Davies avec d’autres, la quête des principes et lois physiques impliquées dans le monde biologique est déterminante et indispensable.
Une quatrième proposition se dessine avec les questionnements permettant d’articuler le volet ontologique et le volet téléologique, autrement dit ce qu’est la matière et comment elle se transforme, ainsi que la question du pour quoi elle se transforme. Il y a-t-il une intention dans le monde des molécules ? Puis dans l’univers des cellules vivantes avec la combinaison de types cellulaires permettant de former des tissus et des organes doués de fonctions physiologiques, cognitives et mécaniques précises ? L’ordre manifeste et émergent dans l’organisation moléculaire est peut être dépendant d’un ordre plus intérieur, qu’on dira immergent ou alors qu’on désignera sans préjuger de sa nature comme structure profonde. S’il est exact que la disposition d’un ensemble moléculaires finit par trouver la voie du vivant, il faudrait se mettre à la place des molécules et tenter d’imaginer quelle est cette intention et cette finalité inhérente à ce monde rudimentaire qui ne parvient qu’à se répliquer et en certains cas, à se déplacer en usant des « moteurs moléculaires ».
Si je devais tirer un enseignement de ces réflexions, je conclurais que l’explication des origines de la vie ne repose pas sur des recherches expérimentales menées en laboratoire ni des observations mais sur l’imagination scientifique qui essaie de comprendre la logique du vivant en utilisant les modèles moléculaires disponibles puis en essayant de trouver comment la matière s’organise avec ses formes. Ce qui suppose que l’imagination sache utiliser les « bonnes » théories de la matière tout en ajoutant si nécessaire des principes permettant de saisir les ordres cachés immergents qui ordonnent les ordres émergents.
Qui veut participer à cette aventure ? C’est la même question que je pose depuis des années. Et comme le système est enlisé, je n’attends rien. D’ailleurs, vous n’attendez rien ! bdugue (at) wanadoo.fr