Retour sur le livre électronique

par Marc Bruxman
mardi 24 février 2009

J’ai déja écrit un article sur le livre électronique prédisant son arrivée massive en 2009. Un petit retour sur cette technologie et ses promesses maintenant que 2009 a bel et bien commençée.

Pour rappel, il est question ici d’une nouvelle technologie d’encre électronique qui permet une lecture agréable sur écran des livres (même en plein soleil) et avec une autonomie de batterie très grande (jusqu’à deux semaines sans recharger en pratique). J’avais prévu ici même en 2008 que la technologie allait exploser en 2009 et allait devenir "l’ipod du livre". Depuis la crise financière est passée par là. Faisons donc un point sur l’essor de cette technologie révolutionnaire. 

Les ventes de lecteurs sur 2008

Une premiére indication du succès ou de l’échec d’une nouvelle technologie c’est bien entendu les ventes. Elles indiquent à elles seules si les gens sont prêts à payer pour cela ou si ce n’est qu’un délire d’ingénieur. Des produits basés sur l’encre électronique étaient déja disponibles en 2008 (en quantité limité faute de capacité de production suffisante). Regarder les résultats des ventes est donc un premier indice de l’intérêt du public pour cette technologie. 

Première constatation : Malgrès une disponibilité fort limitée surtout en France, les ventes semblent bien parties. Amazon vient d’annoncer aujourd’hui le lancement de son Kindle 2 (terminal papier électronique) et a au passage révélé ses ventes 2008 pour le Kindle premier du nom. La surprise est plutot bonne : 500 000 exemplaires à 299$ ont été écoulés là ou les analystes les plus optimistes n’en attendaient que 400 000. Les ventes ont de plus été freinées par une rupture de stock. Certes, rien ne nous dit que cette rupture de stock n’était pas voulue, mais quand même : 500 000 exemplaires, c’est mieux que l’iPod d’Apple dans sa première année de commercialisation (du moins aux Etats-Unis). Ces chiffres concernent le seul continent américain, le Kindle n’étant vendu que là-bas. 

Il existe des terminaux concurrents au Kindle, notamment ceux de la société Française Bookeen qui ont été souvent en rupture de stock. Mais malheureusement la société en question ne communique pas ses chiffres de vente. On ne peut donc savoir si ces ruptures de stock sont liées à une offre très faible ou à une demande anormalement forte. Ce qui est sûr en tout cas c’est que la société en question a réussi à faire référencer ses produits dans plusieurs grandes boutiques spécialisées ce qui semble indiquer un intérêt certain des clients. Sony est également sur la brêche mais n’a pas donné de chiffres de vente. Mais ces deux produits, parfois techniquement supérieur au Kindle souffrent d’une faiblesse de l’offre en terme de livres électroniques. 

Les ventes de contenus

D’après Amazon, les acheteurs de son Kindle ont achetés en moyenne 1.6 livres électroniques pour chaque livre "papier" acheté. Le Kindle comme l’on pouvait s’y attendre n’a donc pas remplaçé complétement le papier mais est venu en complément. 



Toujours est-il que les estimations sont que 4% du CA d’Amazon seront liées à des ventes électroniques en 2010. Atteindre cet objectif va nécessiter de très fortes ventes pour le Kindle 2. Il faut rester prudent sur ces chiffres qui ne sont que des prévisions mais si cela se réalise, cela veut dire que dès 2010 le marché du livre électronique sera du moins aux Etats-Unis tout à fait significatif. Et au vu de la croissance habituelle du marché technologique, cela veut dire si ces patterns sont respectés que le livre électronique sera très majoritaire dès la fin de la décennie 2010. 

D’autres revendeurs comme MobiPocket fournissent également des livres électroniques et les contenus libres commes les classiques peuvent être téléchargés gratuitement. Ces fournisseurs alternatifs vendent déja des livres en PDF pour utilisation sur téléphone portable (usage populaire au Japon notamment) et il est assez difficile de dire quelle part de leur vente est due aux nouveaux lecteurs et quelle part reste sur leur marché traditionnel. 

Perspectives

On voit donc que la révolution annonçée du papier électronique est pour l’instant bien partie n’en déplaise aux sceptiques. Reste maintenant à voir si la crise économique en cours va retarder les achats de livres électroniques ou au contraire de par le potentiel d’économies (les livres électroniques sont moins chers que les livres papiers) attirer des lecteurs. 

Autre écueil, le marché actuel est surtout composé d’early adopters c’est à dire des gens qui sont fans de technologies et veulent le dernier gadget à la mode. Le fait que ces tablettes plaisent à ce segment de la population ne signifie pas que cela plaise à tout le monde. 

Mais parmis les tests effectués auprès de non technophilles (tests effectués avec différentes tablettes du marché), les résultats sont les suivants :

Le produit a donc du potentiel auprès de l’ensemble de la population. Mais pour l’instant le marché des adopteurs précoce sera encore prépondérant en 2009, étant donné que tous les technophiles sont pour l’instant loin d’être équipés. En France, il faudra attendre de toute façon l’arrivée d’une offre de contenus conséquente en Français. 

On peut donc s’attendre à la poursuite du décollage du livre électronique en 2009 avec les Etats-Unis clairement en tête du fait d’une meilleure offre de contenus. 

Il faut aussi s’attendre à d’importants investissements dans le secteur (soit la continuation des années précédentes). Les bons résultats des premières expériences vont en effet encourager les investisseurs à financer cette technologie proche de la maturité. 

La dématérialisation du livre.
Comme prévu donc le livre semble se diriger vers une dématérialisation inéluctable de la même façon que le disque en son temps. Et la presse magazine et quotidienne risque d’y venir très très vite. 

D’une part en cette période de crise de la presse, la possibilité de diminuer largement les coûts (supression de l’impression et du transport) est un argument majeur. D’autre part, ces outils s’adressent à une cible démographique plus riche que la moyenne : Le marché ne peut donc être ignoré par les décideurs des groupes de presse qui sont de plus globalement prêts. Les grands magazines économiques ont déja tous effectués des tests sur cette technologie auprès de certains abonnés. 

L’édition de livre sera quand à elle moins touchée de par l’aspect émotionnel qui tourne autour du livre. Du moins pour les beaux livres. Le livre de poche pourrait être rapidement touché de même que les romans de gare. Vous risquez de voir les éditeurs redoubler d’efforts pour refaire de "beaux objets" et non de simple livres à couverture cartonnée bas de gamme. Le risque principal étant le piratage si jamais les éditeurs se comportent de façon aussi imbécile que les maisons de disques en leur temps. Gageons que l’expérience douloureuse des maisons de disque servira d’exemple et qu’une offre légale de qualité sera très vite disponible. Si c’est le cas, seules les éditeurs trop dépendants de la rente des "classiques scolaires" risquent de voir leur revenu grandement chuter. 

Les vrais perdants seront les surfaces de ventes qui seront devenues complétement inutiles. Les grandes surfaces de la culture risquent ainsi de trouver la pilule des années 2010 amère même si nombre d’entre-elles disposent déja d’une présence importante sur internet et vont à coup sûr se lancer dans la bagarre du livre numérique. 

Ce qui est sûr, c’est que le monde de l’écrit va être recomposé et qu’une fois de plus tout va changer. Pour le meilleur !

Lire l'article complet, et les commentaires