S(BH) = ¼ . k . c3/hG . A ; Dieu est un calculateur informationnel universel

par Bernard Dugué
mercredi 30 janvier 2013

Dans la seconde moitié du 20ème siècle s’est dessiné un enjeu préoccupant pour les théoriciens de la physique qui se demandaient si la cosmologie relativiste adossée à la gravitation et la mécanique quantique étaient deux théories sans recoupement ou bien si une unification était envisageable. Ces interrogations ont engendré ce champ très particulier qu’est la théorie des cordes. D’autres approches ont été menées dans le courant des années 1970 à partir de l’étude théorique des trous noirs, objets devenus source de fascination pour le grand public. Un trou noir ne peut pas être observé, ou du moins pas directement. Il est avant tout une construction spéculative issue des équations cosmologiques d’Einstein. Stephen Hawking s’est demandé quel pouvait être le sort de deux trous noirs, de masse M et M’, entrant en collision. L’énergie du trou noir final est égale à (M + M’). c2. Mais une partie de l’énergie rayonne sous forme d’ondes gravitationnelles.

Un des paramètres essentiels du trou noir est son aire. Hawking a montré que l’aire du trou noir final ne peut être qu’égale ou supérieure à la somme des aires initiales. Cela rappelle le second principe de la thermodynamique stipulant que l’entropie d’un système clos ne peut qu’augmenter. Mais cette notion d’entropie peut-elle s’appliquer au trou noir ? C’est ici qu’intervint un second physicien, Jacob Bekenstein, qui étudia un autre phénomène spéculatif, l’absorption d’une particule par un trou noir. Dans le cas d’une particule ponctuelle, la surface du trou noir peut rester constante, or, compte tenu de la nature ondulatoire de la matière, une particule possède une sorte d’extension, explicitée par une longueur d’onde (liée au principe de Planck). La surface du trou noir augmente nécessairement d’une fraction de surface de Planck. La particule est donc porteuse d’un bit d’information quantique qui se retrouve sous forme d’information bidimensionnelle au niveau de la surface du trou noir. Et c’est ici que la thermodynamique refait surface avec la possibilité de calculer l’entropie du trou noir et sa température. Ce qui nous donne la célèbre formule de l’entropie indexée BH ; au choix, black hole ou Bekenstein Hawking. Examinons de près cette formule :

S(BH) = ¼ . k . c3/hG . A

Ceux qui possèdent quelques rudiments de physique contemporaine auront remarqué que l’entropie du trou noir est calculée à partir d’une formule qui contient les quatre constantes fondamentales. La première, k, est la constante de Boltzman, qui permet de relier la formule entropique classique à la formulation statistique qui inclut la distribution statistique des états microscopiques. G représente la constante de gravitation qui régit les cosmologies modernes, que ce soit celle de Newton ou d’Einstein, quant à h barre et c, on ne les présente plus, elles sont célèbres, l’une est la constante de Planck réduite, constante qui permet entre autres de calculer l’énergie d’un photon à partir de la fréquence de son rayonnement et l’autre est la vitesse de la lumière dans le vide. Cette formule intrigue, telle un hiéroglyphe mathématique dont on cherche la signification exacte. Une possibilité consiste à raisonner en terme de surface de Planck. Cette constante, égale à hG/c3 à un facteur un quart près, correspond à la surface occupée dans le trou noir par un quantum d’information. L’entropie est donc proportionnelle au rapport entre l’aire du trou noir et cette surface, autrement dit, elle représente à un facteur près la quantité d’information contenue par la surface du trou noir. Ce facteur n’étant autre que k, constante thermodynamique qui a la dimension d’une énergie, comme du reste l’entropie S qui, ne l’oublions pas, est du genre énergie. Il est possible alors d’interpréter en terme d’information l’entropie du trou noir qui est proportionnelle à sa surface, laquelle divisée par la surface de Planck indique le nombre de bits d’information quantique que contient cette surface, un peu à la manière dont on compte le nombre de pièces d’un puzzle en divisant sa superficie par la taille moyenne des pièces.

On peut ainsi établir un parallélisme avec la formule de Boltzmann S = k . log(W) avec W qui représente le nombre des complexions, autrement dit le nombre d’états microphysiques réalisables. W c’est aussi la quantité d’informations qu’il faut utiliser pour décrire le système. Ce que dit alors le second principe, c’est que dans un système fermé, la quantité d’information nécessaire pour décrire le système ne peut qu’augmenter, autrement dit, les éléments se dispersent. Dans le trou noir, c’est autre chose, les informations semblent être condensées rassemblées. Le spécialiste de la cosmologie quantique, Leonard Susskind, a suggéré que l’univers pourrait être un hologramme dont les informations seraient encodées à la surface des trous noirs. On retiendra ici que l’entropie est le produit d’une constante possédant la dimension d’une énergie par un nombre quantifiant l’information. Dualité information énergie a établi la physique contemporaine, comme en d’autres temps, Aristote avait élaboré la doctrine hylémorphique sur la base d’une dualité forme matière. Mais ne croyez pas qu’Aristote est déclassé, si vous lisez correctement sa Métaphysique, vous verrez que la matière signifie le mouvement (interprétation à lire dans ma thèse, Procès et Miroirs).

L’ultime interprétation de l’information dans l’univers consiste à suggérer que la gravité ne soit, au sens ontologique, ni une force reliant les masses, ni un paramètre décrivant la déformation de l’espace-temps pas les masses mais le résultat d’une sorte de principe opposé à la dispersion entropique et servant à maintenir les informations dans un état cohérent ou consistant dont la manifestation est notre univers et dont les effets apparaissent à travers G qui représente la « force » cohésive informationnelle à grande échelle et qui est le résultat du calcul informationnel universel. Il reste à comprendre cette augmentation de surface et donc d’entropie lorsque deux trous noirs fusionnent. Quelque chose me fait penser que l’on touche là aux mystères de l’univers avec cet hypothétique calculateur universel qui pourrait représenter le signe d’une nouvelle alliance entre l’homme et la nature. Un tournant informationnel ontologique. Beaucoup de pistes ont été suggérées, par exemple les travaux de Haramein Rauscher sur le proton conçu selon le modèle de Schwarzschild qui établit un pont avec les considérations sur le trou noir. A suivre de près…

Pour l’instant, le doute persiste face à l’énigme de l’univers. Il est possible que l’on découvre que la gravité et la vie reposent sur un même fondement, celui de l’information cohérente et de l’information calculante ou alors divergent sur le plan ontologique. Ces notions étant bien évidemment que des éléments heuristiques dont les concepts doivent être savamment élaborés.. Une chose est certaine, c’est que la science est arrivée au point où elle bouscule la pensée, rendant perplexe ceux qui s’interrogent et sont pénétré d’une authentique curiosité. C’était le cas il y a quelque décennies et ce l’est encore plus avec les acquis du 21ème siècle. La suite dira si le calculateur informationnel universel se substitue au grand architecte des Lumières.


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