Sommes-nous les Cendrillon de nos portables ?

par Florence Signoret
mardi 13 mars 2007

Arrêt sur sons, notamment ceux de nos portables, afin d’observer une minute de silence (!) autour de l’enterrement d’une valeur, rongée par les lombrics de nos manières résiduelles. La civilité, en arrêt-maladie, dès l’apparition de cet « outil utile à la base », est passée à trépas, depuis l’usage polymorphe de ce nouveau « gadget m’as-tu vu », ou plutôt entendu ! Le monde n’est plus qu’un téléphone portable géant (le comble pour un cet objet de plus en plus lilliputien), vibrant, clignotant, vociférant, comme un Las Vegas fourmillant de clones soumis à des signaux téléphoniques pavloviens, auxquels répondent nos cerveaux, devenus sourds aux vrais appels du respect d’autrui.

Les Nouveaux « Esclaves » du XXIe siècle

L’histoire commence plutôt bien. C’est en 1979, en Suède, que le premier téléphone portable voit le jour sous l’impulsion de la société Ericsson. Depuis 1990, son utilisation ne cesse de s’accroître jusqu’à saturation du marché, peu après l’an 2000. A ses débuts, le téléphone portable était à notre disposition. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Autrefois, ce petit "scout électronique" à la devise imparable "toujours prêt" (quand il y avait un réseau téléphonique assez développé), avait pour vocation première de rendre service : appeler pour demander de l’aide lorsque l’on tombait en panne sur une route, où passait, en moyenne, une voiture par demi-heure ; questionner, entre deux rendez-vous d’affaires, l’assistante maternelle, pour savoir si la première journée du petit Jacques (l’ancêtre du Matteo d’aujourd’hui !) s’était bien déroulée, ou encore souhaiter à sa grand-mère, le jour même (et non une semaine plus tard !) un bon anniversaire, au milieu des vacances d’été, depuis le camping des "Flots Bleus" de l’époque. De très utile et pratique, il est insidieusement devenu aliénant. En 2007, nous sommes au service du téléphone portable !

Un vrai phénomène de mode s’est imposé au cours du temps, avec l’apparition de téléphones à coques multiples interchangeables, l’incorporation de la photo numérique et du multimédia. Jusqu’à ce que 27 millions de Français soient équipés de cette arme fatale qui a fait d’eux, progressivement, des « monstres de la communication (a)vide » à deux bouches, trois oreilles et la moitié d’un cerveau qui fait penser à téléphoner, avant de savoir ce que l’on a à dire ! Ce n’est plus un service, ni même un besoin, c’est un réflexe. Un réflexe, créé de toute pièce par d’habiles marchands du « toujours plus » (plus petit, tactile, polyphonique, MP3, et bientôt, "frigidaire-cafetière-multi menus aphrodisiaques", avec option (en projet) "Tamiflu anti-grippe aviaire"...c’est du délire !). Caricature oblige pour dénoncer le fait de se "droguer" à l’inutilité, hors de prix, imposante et imposée par la concurrence de marchés "toujours plus" gourmands !

On ne parle plus, on ne pense plus, on ne vit plus sans son portable. Vive la technologie, sans laquelle on ferait encore du feu en frottant des pierres. Mais pas de celle qui tue la vie, la vraie...et qui déshumanise.

L’abus de portable, c’est le « cancer » de la politesse !

Un peu amibes montés sur portables, on en devient souvent, des apatrides du savoir-vivre. Chez le docteur, dans le métro, au resto et... même au cinéma, on fait écouter, en bloc, sa dernière sonnerie téléchargée pour 3 €, et réglée à fond bien sûr, sa conversation avec « sa » copine qui doit « impérativement (comme tous les autres) savoir la couleur du bustier que l’on vient d’acheter en soldes, avec la culotte assortie ! Trop chouette ! », jusqu’aux disputes avec son ex- futur- ex, sans « compter » les bips des touches quand on écrit textos et sms. Bref, une consternation de constater combien l’intelligence d’une telle trouvaille a tué l’intelligence de ses utilisateurs-abuseurs... surtout cette intelligence du cœur que l’on nomme : respect de l’Autre.

Imaginez-vous au cinéma, à perdre votre souffle tellement l’interprétation de Marion Cotillard, dans le film La Môme est époustouflante, notamment dans la scène où elle apprend la mort de Marcel Cerdan.... et votre voisine de fauteuil, sur ces entrefaites, répondant, sans la moindre gêne, à la sonnerie de son portable, qu’elle n’a (vous venez de vous en rendre compte) pas eu la délicatesse d’éteindre avant le début du film... et de converser comme si elle était seule (bon il fait noir dans un cinéma ! Est-ce pour cela qu’elle ne s’est pas rendue compte qu’on était deux cents !). Faut-il se faire rembourser sa place par cette accro à l’ encéphalo au bout du rouleau, ou la gifler net, quand au bout de trois demandes de votre part d’éteindre son portable, elle ne le fait toujours pas, et converse égoïstement pendant le film !

Ce "cancer" du savoir-vivre ne se règle aucunement par la violence, mais sûrement par une thérapie chez un bon psychologue... à condition que celui-ci ait bien éteint son portable, avant de commencer son travail !

Florence Signoret.

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