Surface : une remise en cause de l’Apple

par bluemartini
mercredi 27 juin 2012

 Le 18 juin dernier, la présentation par Microsoft de la nouvelle tablette Surface a été suivie d'un accueil enthousiaste. Il faut mettre au crédit de Steve Ballmer, directeur de Microsoft, et des concepteurs de Surface de ne pas s'être limités à une simple refonte de la tablette phare du moment qu'est l'iPad d'Apple, mais d'avoir su apporter des innovations et un travail de fond sur le concept même de tablette.

Ce que cette tablette annonce n'est pas simplement un concurrent pour Apple, mais un affrontement sur le terme même de « Révolution » jusqu'ici associé aux produits Apple. Les capacités de cette nouvelle tablette mettent en lumière d'une part à quel point Apple n'a pas respecté ses objectifs, et d'autre part que les prochaines années risquent de voir s'affronter 2 visions opposées de la tablette : un support media grand public pour Apple, une évolution naturelle de l'ultra portable pour Microsoft.

Tout d'abord un échec technologique.

En introduisant sa tablette en avril 2010, Apple annonçait répondre à un besoin réel et grandissant : celui du nomadisme et de la convergence des moyens de travail, de divertissement et de communication.

A la clé des milliards de dollards en vente de matériels, de médias dématérialisés et de services à la demande. Accompagnée d'un marketing omniprésent, d'une image de marque renforcée par la notoriété des ipods et iphones, la tablette d'Apple a été un véritable succès commercial. Sont sorties à ce jour 2 nouvelles versions de cette tablette qui ne remettent pas en cause les fonctionnalités introduites par la première version.

Cependant les notions de nomadisme et de convergence amènent celle d'interropérabilité. Par nature la tablette d'Apple est un produit fermé, son système d'exploitation embarqué est limité. Ainsi, est il faisable pour un utilisateur de pouvoir créer un contenu autre que le mail ? Est il possible de passer de façon quelconque et transparente d'une tablette à un ordinateur de bureau ? Les logiciels sont ils inter-opérants ? L'utilisateur a t'il le choix d'utiliser n'importe quel système d'exploitation en dehors de sa tablette Apple ? A toutes ces questions la réponse est négative et l'utilisateur nomade devra en tout état de cause transporter en plus de sa tablette un ordinateur portable -Logiciels libres à proscrire- s'il veut créer le moindre contenu.

Qu'en est il pour la consultation ? A défaut de pouvoir créer, il est attendu de la part de cette tablette de pouvoir au moins consulter de façon transparente un ensemble de médias et de contenus d'origines et de localisations diverses. Or les possibilités offertes à ce jour restent plutôt limitées voire caduques. Le besoin même de devoir synchroniser la tablette avec un ordinateur muni du logiciel iTunes donne un aperçu négatif de son indépendance au sein d'un écosystème. Il existe bien un iCloud (stockage sur un serveur Apple à distance) mais ceci se limite au contenu contrôlé par Apple via des applications restreintes. Difficile d'imaginer stocker facilement la vidéo de famille ou la base de donnée des clients d'une entreprise. De plus, l'OS embarqué iOS ne semble pas en mesure non plus de permettre une intégration en natif de disques durs externes et de moyens d'authentification professionnels tels que Active Directory et ainsi accéder à des disques réseaux comme c'est souvent le cas en entreprise. De là à imaginer une connexion via VPN pour pouvoir accéder à distance aux ressources de l'entreprise il ne faut pas rêver.

En fait, l'iPad est un smartphone géant, un baladeur audio et vidéo, une version agrandie de l'iPod touch. Le nomadisme est à considérer uniquement dans ce qui permet à la firme de Cupertino de vendre. Elle vends l'accès à des services via des applications payantes, de la musique et des vidéos via l'omniprésent iTunes. On comprends alors qu'il n'est absolument pas dans l'intérêt d'Apple de proposer un nomadisme total de ses appareils.

Au contraire, la tablette de Microsoft semble prendre ce modèle à contrepieds. Le système d'exploitation sera très proche de celui disponible sur les ordinateurs. Elle permettra la création de contenus avec l'intégration d'un clavier, de la suite logicielle Office et des logiciels tiers développés pour les ordinateurs. Quant à l'intégration dans un parc informatique pré-existants, la tablette microsoft proposera des prises USB, et il serait étonnant de la part de Microsoft que l'intégration Active Directory ne soit pas de la partie.

De là plusieurs cas de figure. Soit Microsoft propose ce modèle, le public suit et Apple se voit contraint d'assouplir sa politique. Soit Microsoft fait marche arrière et adopte finalement le modèle d'Apple, au détriement du consommateur.

Un échec pour le consommateur

Le modèle proposé par l'iPad est pour le consommateur un enfermement. En effet, avec seulement un iPad l'utilisateur n'a pas la possibilité de choisir librement la provenance des médias qu'il voudra consommer (musique, vidéos, livres), mais devra choisir parmi un ensemble de partenaires commerciaux d'Apple. Il pourra alors acheter à des prix résultant d'une non-concurrence, soit y accéder via une application tierce validée par Apple.

De cela plusieurs conséquences. Tout d'abord la pose automatique de frontières entre des contenus visibles car acceptés par Apple et les autres contenus. Cela va à l'encontre des fondamentaux du web voulu comme un espace de liberté et totalement ouvert. L'utilisateur a alors non plus accès au web 2.0, mais bien au minitel 2.0

De plus, la généralisation de l'accès aux ressources via des applications et non plus par un navigateur pose la question du devenir de la création sur le web. Il est une chose d'apprendre à faire un site, il en est une autre de savoir développer des applications et de pouvoir les utiliser librement.

Enfin, l'utilisation de ce système tend à accepter implicitement une merchandisation de sa propre vie, sa localisation, ses activités, ses envies. Rien de mieux pour Apple que de voir son système Siri utilisé. Quand vous parlez de vouloir envoyer un message à votre conjoint disant que vous sortez de réunion, et que vous passerez acheter un gâteau pour l'anniversaire de la petite dernière, ce message est stocké, analysé et mis en relation avec l'ensemble des informations déjà détenues sur vous et vos proches via Facebook ou les compte-rendus nocturnes que fait votre iPhone à propos de vous auprès d'Apple.

Sans ce choix, le consommateur ne sort pas gagnant. Il continue d'acheter des versions qui se suivent en espérant acheter un outil transparent centralisant ses propres besoins et contrôlant les données qu'il décide de partager. Au lieu de cela, Apple a tout intérêt à en rester éloigné le plus longtemps possible.

Il est évident que Microsoft ne répondra pas non plus à l'ensemble de ces attentes, mais il était temps que la concurrence arrive.


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