SVoD : Netflix peut-il tout se permettre ?

par Jérôme Picard
jeudi 27 novembre 2014

L'arrivée en fanfare du géant de la SVoD américain sur le marché français au mois de septembre dernier avait déjà fait grand bruit en raison de son installation au Luxembourg pour des raisons financières évidentes et d'une campagne de communication conquérante. Son président, Reed Hastings, n'avait d'ailleurs pas caché l'objectif du groupe, à savoir, convaincre plus d'un tiers des foyers français d'ici 2025, soit environ 9 millions d'abonnés. Un objectif réalisable au regard des résultats qu'affiche Netflix outre-Atlantique mais qui ne pourra être atteint que dans le respect du droit français. Notion que le service de vidéos en ligne ne semble pas encore avoir parfaitement intégrée. 

Si les nombreux fournisseurs d'accès internet (FAI) français étaient dans un premier temps montés au créneau pour réclamer des compensations financières en lien avec la qualité de service (en bande passante) que promet Netflix à ses clients, ils sont finalement rentrés dans le rang, courbant l'échine devant la puissance et les perspectives de développement de la machine Netflix sur le marché français et acceptant pour la plupart, Bouygues et Orange en tête, d'inclure l'offre de Netflix dans leur box internet. 

Rappelons ici que Netflix consomme aux Etats-Unis jusqu'à 35% de la bande passante aux heures de pointes et qu'il s'est vu contraint récemment de payer des compensations financières aux FAI américains. Compromis qu'il refuse catégoriquement d'appliquer en Europe au nom du principe de neutralité du Net. 

La résistance des FAI français n'aura donc été que de courte durée à tel point qu'on était bien en peine d'imaginer ce qui pourrait désormais freiner l'ogre étasunien. Or, voilà qu'une association de défense des consommateurs est sortie du bois pour assigner en justice ce lundi 24 novembre le service de vidéo en ligne au Tribunal de grande instance de Paris, en raison de clauses jugées abusives ou trop générales.

En effet, si Netflix pensait couvrir ses arrières en se basant au Luxembourg, et par la même occasion, économiser quelques millions d'euros de taxes, il aura dû oublier que chaque service adressé aux consommateurs français est tenu de respecter le droit français. Se contentant de traduire littéralement dans la langue de Molière les contrats rédigés initialement dans celle de Shakespeare, les services juridiques de l'entreprise américaine ont maintenu des conditions d'utilisation qui ne respectent pas le droit français. 

Premier fait reproché par l'association, la possibilité pour Netflix de changer les conditions du contrat sans en informer le consommateur. Car si la législation française permet à un opérateur de communication de modifier les conditions du contrat, il doit en informer ses clients un mois avant, et ces derniers disposent de quatre mois pour résilier leur contrat. Aucune notification de ce genre n'est prévue dans le contrat type de Netflix.

Second point soulevé par l'association CLCV, la qualité du service ne dépendrait en fait pas de Netflix lui même. Plutôt surprenant n'est-ce pas ? Selon les termes du contrat type : "Netflix se dégage de toute responsabilité ou garantie quant à la qualité vidéo sur votre écran". Une clause qui implique qu'en cas de problème de diffusion, le service client ne pourra pas vous aider et vous renverra tout simplement à la garantie de votre téléviseur, votre ordinateur, ou à la hotline de votre fournisseur d'accès. Un problème de taille lorsque l'on sait que la qualité du service Netflix dépend pour beaucoup de votre fournisseur d'accès internet et que certaines zones ne bénéficient pas encore des qualités de réception suffisantes pour supporter un tel débit. 

Enfin, dernier point de mécontentement, une clause sur les conditions de résiliation bien trop vague. Netflix se réserve en effet le droit de résilier votre contrat s'il considère qu'il y a une utilisation illégitime du service. Une clause qui peut donner lieu ici à de multiples interprétations. Les conditions d’utilisation contiennent de plus des liens hypertextes qui renvoient vers des pages rédigées uniquement en anglais. Une pratique « contraire à notre législation » selon l’association, qui perçoit cela comme « un obstacle manifeste pour un consommateur qui veut lire son contrat ".

Le groupe Netflix qui s'est contenté pour le moment d'étudier attentivement les requêtes de l'association CLCV, sans autre déclaration, devrait corriger le tire dans les plus brefs délais restant ainsi dans la stratégie globale des géants du numérique, qui se targuent depuis toujours de respecter le droit national de manière stricte. A défaut de payer leurs impôts....


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