Twitter et démocratie

par Pierre JC Allard
samedi 20 juin 2009

 12 Juin 2009, élections en Iran. On le sait depuis longtemps et personne ne s’énervait. D’abord, parce que le vrai pouvoir n’est pas en jeu ; les mollahs que représente le Guide suprême Khamenei l’ont bien en main et ils le garderont, quel que soit le résultat de ces élections ; le Président n’est qu’une concession au désir de la population de s’exprimer. Ensuite, parce que l’on savait qui serait élu. Qu’ils soient réalisés par des firmes étrangères ou nationales, tous les sondages étaient unanimes : Ahmadinejad, haut la main.

Pourquoi serait-il réélu ? Parce qu’il est déjà en poste - et ça compte, dans un pays de traditions, de fonctionnaires et de favoritisme millénaire – et, aussi, parce qu’il est populaire, ce qui compte aussi, quand on veut jouer à la démocratie. Ahmadinejad est un homme du peuple qui nourrit ses chèvres, cultive son jardin et a fait plus pour les petites gens en Iran que tous ceux qui l’ont précédé. C’est ça qui séduit l’Iranien moyen, lequel, comme tous les quidams lambdas de tous les pays du monde, ne s’intéresse que médiocrement à la géopolitique et au sens de l’histoire.
 
Personne ne doutait qu’Ahmadinehad ne soit réélu et, comme l’annonçaient les sondages, il a recueilli les deux-tiers des suffrages. Pas de surprise, voilà qui est fait… Mais arrive un élément nouveau : TWITTER.
 
Twitter, c’est la pénultième étape de la plongée de la civilisation vers la simplicité et les raccourcis. Après Twitter, il ne reste que le retour à la perfection initiale simiesque des grimaces et des onomatopées. Pour "twitter", écrivez en 140 caractères ce que vous avez à dire. Si vous êtes Einstein et que c’est E=MC 2 que vous tapez au clavier, c’est génial ; mais autrement, si vous voulez partager avec quelqu’un le secret du nez de Cyrano, par exemple, oubliez Rostand. Vous n’avez que l’espace pour dire qu’il est gros et signer « sot ».
 
La fin du génie ? Oh, que non ! Twitter est génial autrement. Génial en politique pour manipuler le peuple. Pas d’idées, juste des slogans. Goebbels, parfaitement réalisé. L’outil parfait pour Big Brother. Alors quand on a vu ces tristes résultats sans surprise en Iran…. Pourquoi ne pas tester Twitter in vivo ? Rien à perdre puisque ces élections étaient déjà passées aux profits et perte…
 
Sitôt dit, sitôt fait. Un coup de fil du Secrétariat d’État américain aux gens de Twitter et c’est parti. Grâce à Twitter, on va pouvoir exciter la populace par des messages sans queue ni tête, diffusés sur les portables dont on a distribué des millions et des millions en Iran. Le candidat Moussavi va cesser d’être le signet marquant la page pour le magouilleur Rafsandjani tapi dans l’ombre et qui attend sa chance. Il va devenir le champion de l’Occident.
 
Mousssavi. L’homme qui s’oppose aux mollahs, défend les droits de la femme, récuse le programme nucléaire iranien et n’a vraiment rien contre Israël. Tout ça en Occident, bien sûr. Car en Iran, il n’est pas ça, n’a jamais prétendu être ça, ne pourrait pas être ça même s’il le voulait et, surtout, CE NEST PAS CE QUE VEUT LE PEUPLE IRANIEN !
 
Ce que diffuse Twitter en Iran, ce n’est donc pas ça. Pas un mot d’un quelconque programme de Moussavi. Juste un appel à se plaindre de n’importe quoi. N’importe quoi qu’on peut dire en 140 caractères…. On distribue aussi, à ce qu’il paraît, un Guide pratique de la révolution en Iran, mais je n’en ai pas la preuve Ce dont on a la preuve, c’est que Twitter met dans chaque main qui peut bercer un téléphone des conseils pratiques pour foutre le bordel.
 
Où que vous soyez dans le monde, vous pouvez aider à nuire :
 régler les comptes Twitter sur le fuseau horaire de Téhéran, centraliser les messages sur les comptes Twitter @stopAhmadi, #iranelection et #gr88, etc. 
Mis en application, ces conseils empêchent toute authentification des messages Twitter et l’on ne peut plus distinguer le vrai du faux. On ne peut plus savoir ce qui est envoyé par des témoins des manifestations à Téhéran et ce qui l’est par des agents de la CIA à Langley ou en Angleterre.
 
On a une nouvelle méthode de subversion. Plus efficace, sans doute qu’un putsch ou qu’une grève de camionneurs contre Allende au Chili, puisqu’elle s’en remet au désir de désordre toujours présent dans une population encadrée et n’exige pas que le peuple comprenne quoi que ce soit : Il suffit de l’amener à libérer une pulsion
 
Peut-être efficace, on verra, mais c’est une arme bien dangereuse… Qu’arrivera-t-il si elle est retournée contre ceux qui aujourd’hui l’utilise ? Imaginez un énorme Mai "68 ou, portable en main et Twitter en ligne, tous les gens qui n’ont jamais protesté choisissent un beau matin de libérer leur pulsion... Un temps pour l’anarchie. L’Insurrection qui vient.
 
 
PIerrre JC Allard 
 

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