Un Nobel de physique 2015 concernant la particule la plus exotique de l’univers
par Bernard Dugué
mardi 6 octobre 2015
La dépêche est tombée peu avant midi ce 6 octobre 2015. « Les deux chercheurs Takaaki Kajita et Arthur B. McDonald ont été récompensés du prix Nobel de Physique 2015, ce mardi midi, pour avoir découvert les oscillations des neutrinos, permettant de montrer que ces particules ont une masse. ». Ces deux physiciens ne figuraient pas parmi les favoris mais le comité des sages a décidé de leur octroyer la prestigieuse distinction qui honore une fois de plus des expérimentateurs aguerris comme ce fut le cas de notre compatriote Serge Haroche récompensé pour les expériences de décohérence dont la détection nécessite un savoir-faire expérimental extrêmement fin. C’était le cas des photons appariés mesurés par Alain Aspect qui attend toujours le Nobel et c’est encore le cas pour ce Nobel 2015 qui salue une découverte très fine relevant du domaine quantique. Il fait savoir que la physique quantique est l’une des plus primée à Stockholm, sans doute en tête, avec en seconde position certainement la cosmologie mais c’est à vérifier.
Le neutrino est la particule la plus étrange de tout l’univers quantique qui décrit la matière à travers particules, processus et champs. Le neutrino intervient dans un seul type d’interaction, celle qui est désignée comme faible et qui est la plus méconnue. Cette interaction est responsable des phénomènes de radioactivité. En 1930, la désintégration bêta est l’un des types de radioactivité qui se traduit par l’émission d’un électron, comme par exemple dans la transformation d’un isotope de l’hydrogène, le tritium, en un isotope de l’hélium. Pauli a eu l’idée d’introduire le neutrino parce que les lois de conservations classique et quantique (énergie, impulsion, spin) ne sont pas respectées si l’on ne prend en considération que les deux isotopes et l’électron. Il faut ajouter une particule dont la masse serait non nulle, qui est neutre (pour ne pas transgresser la conservation de charge) et qui est censée se déplacer à la vitesse de la lumière, ce qui paraît curieux au vu de la masse non nulle qui pendant des décennies a été une hypothèse.
Mais ce n’est plus le cas puisque les oscillations du neutrino mises en évidence par les lauréats du Nobel 2015 sont compatibles avec l’existence d’une masse. Ces oscillations rendent encore plus étrange la nature du neutrino qui existe sous trois formes, chacune associée à l’un des trois leptons figurant dans le modèle standard et détectés dans les accélérateurs. Ces trois leptons sont l’électron, particule bien connue des chimistes, puis le muon et le tau. Ces trois leptons sont aussi en correspondance avec les trois familles de quark composant les hadrons, particules concernées par l’interaction forte mais aussi faible. La « force faible » transforme en effet un hadron en un autre, par exemple, un neutron en proton, ce qui implique une modification des quarks, en l’occurrence les quarks u et d.
Les oscillations ne neutrino ne sont possibles que si la masse est non nulle et cette propriété ne rentre pas dans le modèle standard si l’on se réfère aux notices disponibles. Un neutrino peut alors changer de famille. Un neutrino peut changer de saveur en oscillant, passer du type électronique au type muonique par exemple. Mais on ne peut pas mesurer la masse exacte des neutrinos avec les expériences réalisées. Seuls les écarts de masse sont accessibles à la mesure. Plus les recherches se précisent, plus le caractère vraiment étrange et énigmatique des neutrinos s’agrandit. A noter que le Nobel a récompensé un travail collectif mobilisant des centaines de physiciens, les lauréats n’étant autres que les directeurs de deux laboratoires où ont été réalisées ces expériences visant à mesurer ces insaisissables particules oscillantes qui sont matérielles mais se refusent à interagir avec « notre matière ».
D’autres énigmes persistent. Par exemple le statut du neutrino qui avec sa neutralité devrait ne pas avoir d’antiparticule. Mais le neutrino est un fermion. En conséquence, il obéit soit à l’équation de Dirac, soit à l’équation de Majorana. Dans le premier cas, la particule et l’antiparticule sont distinctes et se comportent, conformément à la symétrie CPT, comme une image et sa réflexion dans un miroir avec inversion de spin, de charge et de temps. Toutes les particules pour lesquelles la question est tranchée sont des particules de Dirac. Mais pour le neutrino, le doute persiste car il pourrait très bien être une particule de Majorana et coïncider avec sa propre antiparticule.
Le neutrino est donc la grande énigme du 21ème siècle. Je donne rendez-vous dans dix ans. Le neutrino pourrait intervenir là où on ne l’attend pas, dans la nouvelle conception de la Gravité en tant que médiateur de l’information holographique qui ordonne la disposition des masses dans l’univers. Auquel cas le statut serait accessible et le neutrino serait une particule de Majorana. Je ne connais personne qui émis cette hypothèse à part votre serviteur (Bernard Dugué, La cosmonadologie quantique, dossier paru dans la revue Cerveau science conscience N° 10 d’avril 2015). Si cette hypothèse se confirme, alors il y aura une révolution sans précédent dans toute la physique et sans doute quelques Nobel à récupérer.