« Un texte qui a retenu l’attention sur internet est davantage lu que le texte d’un quotidien, grand et petit format »

par Serge-André Guay
mardi 18 mars 2008

Les chercheurs du Poynter Institute (Etats-Unis) ont fait une découverte importante lors de l’édition 2007 de leur étude du mouvement des yeux des quotidiens, format et tabloïd, et des sites internet : les gens lisent beaucoup plus que le laisse entendre le mythe à l’effet que les gens feuillettent ou naviguent et lisent peu leurs médias papier ou en ligne. Et plus surprenant encore, on lit davantage les textes sur internet qui ont retenu l’attention que les textes des quotidiens papier.

On parvient à traquer le mouvement des yeux parcourant une page d’un quotidien ou d’un site internet à l’aide d’une lunette spéciale portée par les lecteurs. Cet appareil enregistre tout ce que l’œil regarde, son parcours, ses points d’arrêt, le tout chronométré.

Ce type de tests de mouvement des yeux n’est pas nouveau. Louis Cheskin, pionnier des études de motivation d’achat des consommateurs, exécutait de pareils tests sur des emballages et des publicités de produits dans les années 50.

Lors d’un test de mouvement des yeux, on apprend essentiellement trois choses :

1. Qu’est-ce qui attire l’attention ?

2. Qu’est-ce qui retient l’attention ?

3. Quel est le pourvoir de communiquer de ce qui retient l’attention ?

Une grosse surprise : un texte qui a retenu l’attention sur internet est davantage lu

que le texte qui a retenu l’attention dans un quotidien, grand format et tabloïd.

En moyenne, les gens ont lu 77 % des textes publiés en ligne qui ont retenu leur attention, comparativement à 62 % pour les quotidiens grand format et à 57 % pour les quotidiens de format tabloïd. Autrement, on lit davantage un texte qui attire notre attention sur internet que le texte qui attire notre attention dans un quotidien. Il faut dire qu’il y a moins d’éléments qui distraient l’oeil sur une page internet où le texte occupe toute la page que dans un quotidien où l’on retrouve plusieurs articles sur une même page.

Une autre surprise d’envergure : le texte en ligne sur internet est davantage lu peu importe le style du lecteur contrairement au texte publié dans un quotidien.

Les chercheurs se sont intéressés ensuite au style de lecture en formant deux catégories de lecteurs : les lecteurs méthodiques et les lecteurs « scanner » (scanning reader).

Le méthodique lit le texte de haut en bas sans trop balayer la page. Et il lira l’article en entier même si ce dernier se trouve sur deux pages. Il va aussi relire certains passages ou éléments accompagnateurs de l’article (citations encadrées, graphiques, légendes des photographies...). Sur internet, le méthodique utilise les menus et les barres de navigation pour localiser un texte et ensuite il ira lire ce dernier.

Le lecteur « scanner » se promène sur la page balayant les grands titres et les autres éléments en présentation. Il lit une partie du texte puis saute sur les photographies ou autres éléments sans revenir à la même place dans le texte. Sur internet, le lecteur « scanner » regarde un peu partout dans la page web pour choisir un texte et ensuite le lire.

L’étude révèle que 75 % des lecteurs de quotidiens imprimés sont méthodiques dans leur lecture. Sur internet, 50 % sont méthodiques et 50 % sont du type « scanner ».

La conférencière a attiré notre attention sur les types de lecture en proportion de la quantité de texte lu dans un article.

Notez bien, on ne parle pas ici du pourcentage des textes lus parmi l’ensemble des textes publiés dans l’édition d’un quotidien ou d’un site internet, mais du pourcentage d’un texte lu, par exemple : « l’article est lu à 77 % ».

Le pourcentage d’un texte lu sur internet s’élève à 77 % et varie peu en fonction du type de lecture : méthodique (78 %) ; « scanner » (77 %). Cependant, le lecteur méthodique lit une plus grande proportion du texte que le lecteur de type « scanner », 65 % dans le cas d’un grand format et 66 % dans le cas d’un tabloïd. C’est le pourcentage de lecture d’un texte du lecteur de type « scanner » de tabloïd qui est le moins élevé, seulement 45 %.

Le lecteur se souvient davantage d’un texte dont la structure et la mise en page ne sont pas traditionnelles, par exemple, livré avec une série de Questions & Réponses, une chronologie des événements, des encadrés présentant des faits ou des listes

On pourrait croire facilement le contraire parce que plus il y a d’éléments dans la structure et la mise en page d’un texte, plus il y a de chances d’être distrait et de retenir peu l’histoire. Mais l’étude des chercheurs du Poynter Institute démontre le contraire, autant pour les sites internet que pour les quotidiens. C’est la conclusion qu’ils tirent d’un exercice où le lecteur est soumis à trois formes différentes d’un même texte, sur papier et sur internet, et à un questionnaire au sujet du texte après sa lecture. Le lecteur a plus de mémoire du texte lorsque sa structure et sa mise en page ne sont pas traditionnelles, par exemple, livré avec des graphiques, une série de Questions & Réponses, une chronologie des événements, des encadrés présentant des faits ou des listes..., ce que les chercheurs nomment « No traditional narrative » (structure et mise en page éclatées).

La directrice de l’étude, Sara Quinn, a rapporté que la forme éclatée (non traditionnelle) attirait davantage l’attention dans une proportion de 15 %. Et ce pourcentage augmente à 30 % dans le cas d’un quotidien grand format, sans doute que le grand espace disponible sur une page ou deux permet alors une structure plus complète et une mise en page plus éclatée.

Pour en savoir plus

Serge-André Guay, président éditeur

Fondation littéraire Fleur de Lys

Documents joints ŕ cet article


Lire l'article complet, et les commentaires