Une étude remet en question la DHEA

par Fabrice
lundi 23 octobre 2006


Un récent article paru le 19 octobre dans la prestigieuse revue américaine the New England Journal of Medecine risque de faire perdre quelques illusions aux personnes qui croyaient trouver dans les hormones DHEA une des sources de la mythique fontaine de jouvence.

La sénescence est un phénomène naturel qui préoccupe les médecins et chacun d’entre nous, étant donné son implication dans l’apparition de maladies dues à la vieillesse. L’histoire regorge de mythes qui prouvent que les sociétés humaines sont aussi inquiètes par l’issue inéluctable, la mort.

Les maladies dues au vieillissement ayant un impact significatif sur la qualité de vie de nos aînés, les chercheurs tentent de répondre au challenge que la nature leur impose : comment pouvons-nous vivre mieux plus longtemps  ? Outre les mesures préventives hygiéno-diététiques habituelles (l’éviction des toxiques tels le tabac et les polluants industriels, le contrôle pondéral par une alimentation équilibrée, la pratique d’une activité physique adaptée), la palliation des déficits physiologiques en hormones est une des voies à la mode pour essayer de contrer les effets du temps sur le corps humain. Parmi ces substitutions, l’utilisation de la DHEA est la plus médiatisée, et donc la plus populaire.

La déhydroépiandrostérone (DHEA) ou prastérone est une hormone stéroïde qui est physiologiquement présente dans l’organisme ; son taux tend à décroître avec l’âge. Son découvreur, Adolf Buternandt, a montré sa présence dans les urines humaines en 1931. En 1954, Migeon et Plager l’isolent dans le sang. Quatre ans plus tard, le professeur Max Fernand Jayle démontre la décroissance quasi linéaire de la DHEA chez l’homme et la femme au fur et à mesure du vieillissement. En 1960, un de ses élèves, Étienne-Émile Baulieu découvre que la DHEA est synthétisée par les glandes surrénales, sous forme de sulfate de DHEA.

L’action de la DHEA a été constatée par l’étude DHEAge publiée en avril 2000. Elle montre une efficacité sur la peau et les os mais uniquement chez les femmes âgées de plus de 70 ans, ainsi qu’une amélioration de la libido. Ses bénéfices ne sont pas confirmés par d’autres données, notamment sur l’amélioration de la qualité de vie et encore moins sur la prolongation de la vie.

Une autre hormone, la testostérone, est aussi utilisée pour ses effets psychostimulants, surtout par les sportifs afin d’améliorer les performances psychologiques et physiques. En vieillissant, les taux de testostérone produits par l’organisme diminuant, certaines théories expliquent une partie des modifications cognitives par ce phénomène naturel.

La DHEA fait l’objet d’un commerce important, puisqu’une estimation approximative de son utilisation par 500 000 Français est avancée. Il devenait donc nécessaire de démontrer son utilité réelle par des études scientifiques sérieuses.

Des chercheurs de la Mayo Clinique remettent en question l’utilité de cette hormone dans une étude publiée jeudi 19 octobre. En effet, cette étude porte sur l’utilité de la DHEA chez la personne âgée. 87 hommes et 57 femmes de plus de 60 ans ont participé à cette étude. Certains reçurent de la DHEA, d’autres de la testostérone, et enfin on administra aux derniers un placebo. Au terme de deux années de traitement, les résultats sont décevants pour les défenseurs du traitement antivieillissement. Les données récoltées sur la qualité de vie et les performances physiques montrent qu’un placebo est aussi efficace que la DHEA. Tout au plus gagne-t-on un peu de graisse avec le traitement, mais cela n’a pas d’impact significatif sur la vie des personnes âgées. Bien sûr, cela sera discuté, et c’est l’intérêt du débat scientifique, qu’il se fasse de manière publique. Déjà les premières critiques sont entendues : les patients de cette étude seraient trop jeunes...

Cela mettra-t-il fin aux espoirs placés dans ce traitement par des générations de pré-vieillards élevés dans le culte du jeunisme ? Je ne le pense pas. La recherche d’un traitement contre le vieillissement est aussi vieille que l’humanité. La peur de la mort ou de la sénescence est compréhensible, mais n’est pas le lot de toute vie : vieillir et mourir ? Ma réponse est normande. P’t’être ben qu’oui, p’t’être ben qu’non. Si l’on peut atténuer l’impact des mécanismes de vieillissement sur les organismes, cela permettra de vivre dans un meilleur état général les années de vie gagnées depuis un siècle par les politiques hygiénistes, les progrès des biotechnologies et de la recherche médicamenteuse. La recherche doit donc continuer pour offrir une meilleure santé à nos seniors.

D’autres études viendront confirmer ou infirmer celle qui est publiée aujourd’hui, mais l’espoir se reportera vers d’autres voies de recherche vers l’immortalité. Et si, comme le disait Woody Allen, l’éternité c’est long, surtout vers la fin, j’espère que TF1 nous concoctera des soirées inoubliables pour faire passer le temps.

http://content.nejm.org/cgi/content/short/355/16/1647?query=TOC

http://clinicaltrials.gov/show/NCT00254371

http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9nescence

http://fr.wikipedia.org/wiki/Woody_Allen


Lire l'article complet, et les commentaires