Une méthode mathématique pour démontrer que nous n’avons pas de libre arbitre

par armand tardella
samedi 9 février 2019

Saviez-vous que, contrairement à ce qui est universellement admis, le théorème de Bell contient une hypothèse implicite de libre arbitre ? Et que par conséquent, l’expérience d’Alain Aspect qui viole les inégalités de Bell n’implique pas nécessairement que la réalité physique soit non-locale ?

Ah ? Vous ne connaissez pas le théorème de Bell ? Ni l’expérience d’Alain Aspect ?

Ce n’est pas grave, je vais vous raconter. C’est très simple, et aussi très important !! Car cela signifie que les êtres humains pourraient ne pas avoir de libre arbitre, et aussi qu’il existe une méthode mathématique pour le démontrer.

Mais commençons par le début.

En 1935, Einstein publiait avec deux autres physiciens, Podolsky et Rosen, un article intitulé « peut-on considérer que la description de la réalité physique par la mécanique quantique est complète ? ». En fait, Einstein n’a jamais accepté l’interprétation de la mécanique quantique formulée par l’Ecole de Copenhague. Celle-ci affirme, je résume, que la réalité physique n’existe pas si on ne l’observe pas. Einstein était déterministe, sa théorie de la relativité générale est déterministe. Et il n’est pas convaincu par le caractère essentiellement probabiliste de la mécanique quantique. Il aurait d’ailleurs dit « Dieu ne joue pas aux dés ». Aussi, avec ses deux collègues, dans son article de 1935, il définit ce qu’on peut appeler « un élément de réalité », et il montre, en imaginant une expérience de pensée avec des particules corrélées, qu’il est possible de mesurer simultanément la position et la vitesse d’une particule, ce qui est impossible en mécanique quantique. Il en déduit donc que la mécanique quantique, même si elle est capable de prédire ce qui est mesurable, ne peut pas modéliser certains aspects de la réalité. Elle est donc, selon lui, incomplète.

Son analyse a ensuite été reprise par d’autres physiciens qui ont imaginé d’autres types d’expériences plus simples à réaliser du même type. Ceux-ci ont aussi ont proposé de compléter la description de la mécanique quantique par des variables cachées, non mesurables, mais qui détermineraient les résultats des expériences.

Ensuite, il ne s’est pas passé grand-chose sur le sujet jusqu’à ce que John Bell, physicien nord irlandais, publie en 1965 un article où il détermine, sous certaines hypothèses un critère mesurable, les inégalités de Bell, s’appliquant à toutes les théories à variables cachées possibles, mais ne s’appliquant pas aux prédictions de la mécanique quantique. Ainsi grâce à la mesure de ce critère, il devenait possible de tester l’existence de théories à variables cachées. On peut dire que la mesure de ce critère permettait de donner raison, ou tord, à Einstein. Suite à la parution de l’article de Bell, plusieurs équipes de physiciens ont réalisé des expériences pour mesurer effectivement ce critère, avec des protons ou bien des photons. Les premières expériences étaient peu précises, puis de plus en plus précises. La plus célèbre est celle d’Alain Aspect, réalisée en 1982, réalisée avec des photons corrélés, et qui a été encore améliorée depuis, de telle manière que les résultats sont devenus quasi-irréfutables. Ces expériences ont montré que les inégalités de Bell étaient violées. En résumé, elles donnaient tord à Einstein. Plus précisément, la violation des inégalités de Bell impliquaient que les hypothèses utilisées par Bell pour démontrer son théorème étaient fausses. Or les hypothèses du théorème de Bell sont :

Donc une de ces hypothèses devait être fausse !!! C'est-à-dire que si l’on se place dans le cadre d’une théorie à variables cachées, telle que le suggérait l’article d’Einstein, Podolski et Rosen, alors la réalité ne pouvait être que non-locale !!! Ce qui est quand-même très bizarre, et pour tout dire en ce qui me concerne, très peu satisfaisant pour l’esprit. Mais, c’est ce qui est admis et accepté par la très grande majorité des physiciens aujourd’hui, et qu’on peut voir exposé dans la plupart des vidéos disponibles sur internet, ou dans la plupart des livres de mécanique quantique.

Coup de théâtre

Or, en 1988, Carl H. Brans, physicien américain, publiait un article où il montrait que le théorème de Bell comprenait une hypothèse implicite de libre arbitre, c’est-à-dire que pour démontrer le théorème de Bell, il faut supposer que l’expérimentateur peut librement choisir les paramètres de son expérience. En fait le théorème de Bell ne peut pas être démontré si le choix des paramètres de l’expérience est déterminé par l’environnement, l’histoire, et non la volonté arbitraire du physicien. En d’autres termes, le théorème de Bell ne peut pas être démontré si le monde est déterministe. John Bell, et les autres physiciens après lui, n’ont pas explicité cette hypothèse, tellement elle leur paraissait irréaliste. Ils ne pouvaient pas accepter que leurs faits et gestes soient déterminés par autre chose que leur propre volonté.

Il est très surprenant de constater que le résultat de Brans n’est connu que par quelques spécialistes du sujet, car on continue à affirmer que la réalité ne peut être que non-locale. Mais le résultat de Brans change tout ! En effet, sur le plan de la logique de base, il implique que la réalité n’est pas nécessairement non-locale, mais pourrait tout aussi bien être déterministe. Il introduit une alternative à la non-localité, ce qui n’est pas rien. Si l’on veut vraiment affirmer que la réalité est non-locale, il faut encore le prouver en éliminant le déterminisme ! Mais personne ne l’a encore fait aujourd’hui.

Voilà donc ce que j’ai découvert récemment en travaillant la question. Peut-être certains d’entre vous ont lu mes articles sur les systèmes de pilotage et relance économique publiés sur agoravox, et sont surpris de voir que je suis aujourd’hui dans un tout autre registre. Il me faut vous rappeler qu’en réalité, je suis physicien d’origine, et que je suis devenu consultant en 1990. Mais, le problème des fondements de la mécanique quantique a continué à me hanter pendant mes temps de loisirs depuis cette époque. Ainsi, il y a quelques années, j’ai découvert que le théorème de Bell, celui de 1965, était faux. Oui, car bien sûr, sans l’hypothèse de libre arbitre il est effectivement faux !! Si cette hypothèse n’est pas explicitée, le lecteur ne peut pas savoir qu’elle est utilisée !!! Or les mathématiques sont cruelles : lorsqu’on n’explicite pas une hypothèse utilisée, la démonstration est fausse par définition. J’ai donc écrit un article scientifique pour le démontrer. Mais, je ne vais me redire, pour ceux que cela intéresse, j’ai déjà tout raconté sur mon blog. Cependant, vous comprenez maintenant que mon article était juste mais que le résultat était connu, tout en étant resté quasi-confidentiel, depuis trente ans.

Mais quand-même à un petit détail près…

Car en effet, mon article allait plus loin que celui de Carl H. Brans. Il montre aussi qu’il existe une démonstration mathématique qui pourrait départager la non-localité et le déterminisme et dont le principe est exposé. De plus, il montre que le déterminisme ne peut pas être balayé d’un revers de main. Car, vous l’aurez compris, entre la non-localité et le déterminisme, mon choix purement philosophique est fait. La non-localité me répugne bien plus que le déterminisme, même si cela me coûte mon libre arbitre, tant que mon sentiment de libre arbitre, lui, reste intact. J’ai donc ré-écrit mon article pour tenir compte du résultat de Carl Brans. J’explique aussi cela sur mon blog.

Malheureusement, je ne suis pas assez fort en mathématiques pour faire moi-même cette démonstration. Croyez bien que j’en suis fort désolé, car j’aurais bien voulu la faire moi-même. Mais je ne suis capable que d’en imaginer le principe. C’est pour cette raison que je j’aimerais bien être contacté par des mathématiciens intéressés par le sujet et capables de résoudre le problème. Vu ce que je connais des mathématiques, car j’en connais un peu quand-même, je pense que c’est réalisable aujourd’hui. Il faut juste connaître un peu de théorie de Galois, de théorie des groupes et de leurs représentations, de géométrie différentielle, de méthodes de résolution d’équations non-linéaires, d’algèbre tensoriel, de calcul linéaire dans les espaces de Hilbert, et deux ou trois petites choses en plus.

Il faut avouer que pour un mathématicien ce serait un beau résultat que de pouvoir démontrer que nous nous n’avons pas de libre arbitre !


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