Universal Music propose du téléchargement gratuit financé par la pub

par Christian Jegourel
jeudi 31 août 2006

Cette fois, le monde de la musique entame sa vraie révolution pour se mettre en phase avec les évolutions technologiques et les changements de mode de consommation de ses clients. L’initiative de la major numéro 1 du marché va enclencher une mutation définitive de la chaîne de valeur de cette industrie.

Après avoir combattu bec et ongles toutes les technologies de téléchargement afin de protéger leur modèle économique basé sur la distribution physique par pays de la musique, les majors ont commencé à s’essayer au téléchargement payant. Les premiers essais n’ont pas été très concluants, en grande partie parce que le modèle économique était basé sur des coûts, calqué sur celui de la distribution classique (un morceau 1$, soit pratiquement le coût d’un CD pour l’album téléchargé), et donc sans réel avantage pour le consommateur.

Les premières expériences

L’initiative d’Apple avec Itune a été le premier signe, néanmoins, que les consommateurs étaient prêts à se passer du CD. Toute les tentatives techniques de protection contre la copie illégale ont échoué : la protection DRM de Microsoft vient d’être craquée et est disponible sur le Net depuis le 26 juillet, le mesures légales ne freinent pas le téléchargement illégal, et la croissance du téléchargement légal est très inférieure au téléchargement en peer to peer (en grande partie à cause des coûts trop élevés et de la non-interopérabilité des fichiers téléchargés). Une expérience dans des universités américaines de téléchargement gratuit a échoué, car les étudiants ne pouvaient pas utiliser les fichiers sur leurs différents lecteurs. Ils sont massivement revenus au téléchargement illégal malgré cette offre gratuite !

Forts de ce constat, il devenait inévitable que les responsables des grandes majors prennent les mesures de l’évolution inéluctable de leur industrie.

Un nouveau modèle

Universel Music tire le premier, mais les autres majors vont devoir lui emboîter le pas.

Pour ce faire, le leader de la production musicale s’appuie sur une start up, SpiralFrog, avec laquelle les autres majors sont d’ailleurs en contact. Les fichiers téléchargés seront protégés par DRM Microsoft, donc facilement contournables, cela ne devait pas être prévu.

Cette expérience commencera en décembre, et uniquement pour les Etats-Unis et le Canada (amateurs de IP Platinum et consors, il va falloir récupérer une IP aux US pour en profiter). Il s’agit d’un accord limité à deux ans, avec partage des recettes publicitaires avec l’entreprise new yorkaise. L’utilisateur doit s’enregistrer pour accéder à un nombre illimité de morceaux et vidéos de musique du catalogue d’Universal. Les fichiers téléchargés ne pourront être gravés et ne fonctionneront pas sur Mac, donc pas sur Itune. Gageons que le Zune de Microsoft tirera parti de toute cette collection musicale.

Le téléchargement gratuit existait déjà, mais souvent à partir d’un catalogue restreint, en streaming uniquement, et ne permettait pas le transfert sur des lecteurs MP3, ou limitait le nombre d’utilisations, comme Napster qui n’autorisait que cinq lectures du fichier.

Quelles conséquences, pour la chaîne de valeur ?

Ce type d’initiative va considérablement impacter cette industrie qui, jusqu’alors, avait tout fait pour l’éviter. Outre les initiatives payantes de téléchargement, comme Itune d’Apple ou d’autres distributeurs en ligne comme Amazon, c’est toute la distribution musicale qui va se contracter. Que vont devenir les distributeurs spécialisés, comme la FNAC ou Virgin, si le consommateur final peut accéder directement, et gratuitement, à sa musique préférée ?

Amazon avait entamé une mutation en créant une plate-forme de téléchargement pour compenser la baisse des ventes de CD, et voici que c’est déjà obsolète. Heureusement pour Amazon, la vente d’autres produits non « dématérialisables » compensera. Pour les distributeurs régionaux (par pays), qu’ils soient en ligne ou organisés en magasins, le coup va être rude. On peut imaginer que les cours en Bourse d’Apple et de la FNAC vont baisser.

Autre qu’un média, Internet est bien devenu un canal de distribution qui réduit le nombre d’intermédiaires. Dans le passé, l’arrivée de la grande distribution avait considérablement réduit le nombre de détaillants, qui représentent maintenant moins de 20% du marché. Comment pourront continuer à fonctionner des distributeurs classiques spécialisés, avec 80% de chiffre d’affaires en moins ?

Mais cela touche également d’autres acteurs thématiques, comme les chaînes musicales, qui vivent de la diffusion de clips avec des revenus publicitaires. Pour le moment, il n’est pas encore question d’interview ou de contenus autres que des clips musicaux sur SpiralFrog, mais si l’audience se développe, nul doute que ses responsables profiteront de cette manne pour lancer un véritable média en ligne... En plusieurs langues ? Chaînes thématiques de tous pays, tremblez, car ce type d’univers va continuer à se développer en se passant des intermédiaires...

Quid de la vidéo ?

Forts de cette initiative, on pourrait extrapoler un modèle économique identique pour le marché audiovisuel. Même si les coûts de production différents ne permettent pas de transposer directement ce modèle économique sans des tarifs de publicités à la hausse, il convient d’envisager que cela pourrait arriver pour tous les contenus vidéos. Du film aux séries à succès, imaginez que les producteurs diffusent, directement ou via une plate-forme commune, leurs programmes. Cette fois-ci, c’est aux chaînes généralistes de trembler. J’ai déjà abordé ce sujet, mais une fois encore, les chaînes qui ne sont pas étroitement imbriquées dans la production de contenus sont en danger, et il convient d’adapter rapidement la loi française à cette nouvelle donne.

Il ne faut pas oublier les plates-formes de VOD comme Gloria, ou les offres de FAI, qui pourraient être asséchées en contenus par des initiatives des producteurs en direct.

Internet est vraiment devenu un canal d’intermédiation qui réduit le nombre d’acteurs dans la chaîne de valeur, il va falloir s’adapter au BIG CRUNCH...

Les spécialistes du capital-risque vont devoir adapter leur politique d’amorçage...

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