Netanyahou a-t-il préféré Rafah à Riyad  ?

par Dr. salem alketbi
lundi 3 juin 2024

Le mois dernier, Thomas L. Friedman a écrit sur les deux options, sans troisième, que le gouvernement Biden a donné à choisir au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu  : Rafah ou Riyad, c’est-à-dire accepter la normalisation des relations avec l’Arabie saoudite, avec les avantages stratégiques qui en découlent pour Israël, notamment la fin de l’isolement international causé par la guerre de Gaza, ou insister sur l’invasion de Rafah, ce qui entraînerait d’énormes coûts économiques, politiques et militaires et perpétuerait l’état d’isolement d’Israël.

À première vue, il semble que Netanyahou ait opté pour l’invasion de Rafah, sacrifiant ainsi la normalisation des relations avec le premier pays arabe et islamique. Cependant, une analyse de la réalité montre que ce n’est pas le cas.

Dans certains médias, l’article de Friedman a été compris comme une offre saoudienne implicite de mettre fin à la guerre et de protéger la population civile palestinienne en échange de l’acceptation par l’Arabie saoudite d’entrer dans le processus de normalisation qu’elle négocie depuis longtemps avec les États-Unis.

Il est difficile de dire s’il y a eu ou non une offre saoudienne dans ce sens, mais il est certain que cette proposition exprime le désir ardent de l’administration Biden et non des Saoudiens.

L’Arabie saoudite n’est pas pressée de normaliser ses relations avec Israël et a rendu publiques les conditions depuis le début de la crise de Gaza en attachant des termes clairs à la normalisation des relations avec Israël, y compris un horizon temporel pour la création d’un État palestinien.

Entre-temps, l’administration Biden semble être pressée, compte tenu de plusieurs facteurs, dont le plus important est la faible position du président Biden dans les sondages d’opinion publique américains par rapport à son rival, l’ancien président Trump. Biden a besoin d’une bouée de sauvetage pour améliorer ses chances électorales.

Cela ne peut se faire que par un saut qualitatif majeur en politique étrangère en trouvant une formule d’alliance stratégique qui convient aux intérêts américains tout en servant Israël et en rassurant les cercles juifs américains que le président Biden est attaché aux intérêts d’Israël, à la sécurité et à la stabilité dans le voisinage arabe.

Netanyahou n’a pas ignoré la question de la normalisation avec l’Arabie Saoudite, mais il a donné la priorité à ses propres intérêts politiques sur ceux du président américain. Netanyahou est conscient qu’en mettant fin à la guerre, il n’aura plus le temps de signer une résolution de normalisation avec l’Arabie Saoudite.

Au contraire, le sort de sa coalition gouvernementale sera immédiatement mis en péril, soit par le retrait des ministres d’extrême droite, soit par la colère qui couve au sein de l’opinion publique israélienne et qui exige des élections anticipées et l’obligation de rendre des comptes à ceux qui ont permis l’attaque sanglante du 7 octobre 2023.

Cependant, la décision d’envahir Rafah est différente cette fois-ci. Elle a été prise discrètement et à l’abri des projecteurs des médias, qui ont énormément critiqué Israël au niveau international à la lumière des pertes civiles palestiniennes. Friedman a cité le point de vue des dirigeants saoudiens selon lequel «  l’élimination du Hamas une fois pour toutes est une chimère ».

Cette vision stratégique repose sur une compréhension totale de l’idéologie du mouvement, qu’il faut en effet beaucoup de temps pour déraciner, étant donné qu’il ne s’agit pas tant d’individus que de l’état d’esprit du mouvement, qui est l’élément le plus important dans la lutte contre ces organisations.

Je pense que Netanyahou et l’establishment sécuritaire israélien sont conscients de ce fait, mais ils ont été victimes du désir ardent de remporter une victoire rapide et décisive sur le Hamas afin de regagner image et prestige, tandis que l’objectif de déraciner le mouvement est reporté à des étapes ultérieures, sur la base de plans échelonnés qui sont censés être mis en œuvre sur les plans éducatif, culturel, politique, social et autres.

Ainsi, du point de vue de Friedman ou de Netanyahou, il s’agit d’une question de priorités  : l’option de la normalisation, qui a la préférence de l’administration Biden et des pays arabes modérés, et l’option de l’invasion de Rafah et de l’écrasement du Hamas, dont dépendent la vie politique, le gouvernement et l’avenir de Netanyahou.


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