Tremplin

par C’est Nabum
mercredi 5 juin 2024

 

Le saut dans le vide …

 

Mettre le pied à l'étrier, faire la courte échelle, donner un coup de pouce, mettre en lumière, propulser sur le devant de la scène : la notion de tremplin prend bien des formes et des aspects différents. L'essentiel n'est-il pas d'assurer sa course d'élan et de ne pas mordre la poussière, ni la planche de rappel pour le candidat au grand saut.

 

Le tremplin a bien des noms possibles pour qui aime à rebondir sur les mots après qu'on lui ait retiré le tapis de réception. Levé de rideau pour vedette américaine, préambule ou mise en bouche, première partie avant de passer à la seconde, scène offerte à moins qu'elle ne soit qu'entrouverte …, chacun appellera cette proposition comme il l'entend pourvu qu'il accorde le même respect pour l'artiste dans sa course d'élan.

Si le tremplin n'est qu'un bouche trou, un moment offert pour ceux qui arrivent à l'heure en attendant les plus nombreux qui ne viennent que pour l'idole : la vedette sur son chemin de gloire, la chose devient pénible, surtout quand ladite vedette à bien d'autres chats à fouetter que d'écouter celui qui la précède.

 

Le tremplin finalement ne sert qu'à propulser sur le devant de la scène la future étoile qui entend briller au firmament en prenant appui sur le premier de cordée. Il convient alors de ne pas proposer un programme qui soit à la hauteur de la prestation à venir quitte à interrompre bien vite une proposition qui pourrait nuire à la star.

L'organisation aura alors à sa disposition le problème technique, la panne d'électricité forcément momentanée, des mouvements de spectateurs par trop bruyants, des impératifs de respect de l'horaire alors qu'il avait tout fait pour retarder celui-ci au préalable. Mais, il peut encore surgir sur scène et demander au guignol de service d'arrêter parce que c'est assez !

 

Le tremplin se fait alors couperet pour un saut dans le vide qui sonne le glas de cette collaboration. Brisé dans sa course d'élan, le malheureux n'a plus qu'à plier bagage en se jurant que plus jamais on ne l'y reprendrait. Beaucoup penseront alors que cet arrêt buffet a été motivé par le sentiment que le public n'y trouvait pas son compte, avait hâte que tout ceci se termine ; ce qui en l'occurrence n'était absolument pas le cas.

Le tremplin ne doit pas nuire à la tête d'affiche, voilà le secret bien gardé des concepteurs de programme. Si jamais le rapport de force se trouve par trop chamboulé, il convient sans prendre des gants d'envoyer au tapis l'intrus, ce petit cavalier qui se rêve fou. Il y va de la crédibilité du maître de cérémonie qui a sorti de son chapeau une étoile étincelante.

 

Celui pour qui le sifflet a été ainsi coupé se retrouve avec un chat dans la gorge curieusement installé en travers de celle-ci. Il en éprouve tant d’amertume qu'il s'en va s'en redemander son reste, cessant ainsi toute collaboration future avec cet entrechat qui ne l'a pas respecté.

Quoiqu'il soit fort étonnant que le maître de cérémonie se rende compte qu'il a agi avec mépris et indélicatesse pour la plus grande indignation de ses comparses, les éventuelles excuses ultérieures n'y changeront rien. Ce qui est fait ne peut être modifié. Quand le tremplin n'offre qu'un saut dans le vide, on ne ramasse pas deux fois celui qui s'est fait prendre ainsi à ce jeu de massacre.

 

Le vieux matou donnera par le présent billet à coup de griffe avant que de tirer son irrévérence. Le saut fut périlleux et il n'est pire sot que celui qui ne sait pas retomber sur ses jambes. À pitoyable programmateur : salut. Fermez le ban et baissez le rideau.

 


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