Quitter la ville : l’envers d’un rêve d’ailleurs

par La voix de Kali
vendredi 4 juillet 2025

On rêve souvent d’un ailleurs plus simple, plus vrai, plus lent. Mais que se passe-t-il quand le retour à la nature ne nourrit pas l’être ? Ce témoignage personnel explore l’expérience d’un déracinement intérieur dans une Bretagne aussi belle qu’inhospitalière.

Le rêve d’un ailleurs plus vrai

J’ai quitté Paris il y a quelques années avec un rêve discret mais tenace : celui d’une vie plus simple, plus enracinée. Moins de bruit, plus de ciel. Moins de vitesse, plus de silence. Moins d’agenda, plus de présence.

C’est en Bretagne, dans le Finistère, que j’ai posé mes valises. Un choix assumé, presque un retour à l’essentiel. Je croyais ouvrir une nouvelle page de ma vie, faite de calme, de nature, de liens humains simples et sincères.

Une carte postale sans écho

Pendant trois ans, j’ai habité un lieu idyllique à deux pas de la mer. J’ai intégré une chorale, un club de sport, un groupe de randonnée. Tout semblait parfait. Mais très vite, quelque chose a sonné creux. Ou plutôt : rien n’a vraiment résonné.

Les échanges étaient cordiaux, mais distants. Je me sentais de passage, comme si je “jouais” à la vie locale sans jamais y être réellement conviée. Malgré mes efforts, pas d’amitiés réelles, pas de connivence spontanée, pas de vibration partagée. Une apesanteur sociale difficile à nommer, mais très concrète.

L’étrangeté de ne plus se sentir à sa place

J’ai fini par ressentir une sensation étrange, presque physique : celle d’être décentrée, comme si ma boussole intérieure n’arrivait plus à pointer le nord. Les balades en bord de mer sont magnifiques, mais elles ne suffisent pas à nourrir une vie.

Mes amis me manquaient. Je retournais à Paris tous les deux mois pour maintenir les liens, et même… consulter mon dentiste — faute d’en trouver un disponible dans mon coin breton.

Quand l’élan se retire

Peu à peu, je me suis refermée. J’ai douté. De moi, de mes choix. Un jour, une question m’a traversée : suis-je encore chez moi quelque part ? La réponse s’est imposée doucement : non, pas ici.

Le retour à Paris n’a pas été une fuite, mais un rappel. Un rappel de ce qui m’anime : la densité, la culture, les rencontres impromptues, le tumulte fécond des grandes villes. Et peut-être aussi, un axe invisible qui me relie à moi-même.

Tous les lieux ne nous nourrissent pas

Cette expérience m’a appris que les lieux ne sont pas neutres. Ils nous inspirent ou bien nous éteignent. Et cela, souvent, ne se décide pas sur le papier.

La Bretagne avait tout pour plaire : beauté, simplicité, accessibilité. Mais ce n’était pas mon lieu d’élan. Ce n’était pas mon axe.

J’ai aussi rencontré une femme âgée, installée là depuis trente ans, ex-Parisienne elle aussi. Elle m’a confié qu’elle ne s’était jamais fait un seul ami. Quand je lui ai demandé pourquoi elle n’était pas repartie, elle a murmuré : « J’ai loupé le coche… »

Apprendre à écouter l’intuition géographique

Ce que j’ai vécu là-bas, c’est un désert doux. Un silence sans hostilité, mais sans rencontre non plus. Cette expérience m’a permis de mesurer à quel point la relation humaine, la stimulation, l’ancrage culturel sont pour moi des besoins fondamentaux.

Et j’ai compris qu’il existe un savoir non rationnel, qu’on oublie souvent d’écouter : celui du corps, de l’intuition géographique, de cette sensation irréfutable que “ce n’est pas ici”.

Explorer n’est pas échouer

Je ne considère pas que j’ai échoué. J’ai exploré. Et je suis revenue avec plus de lucidité, plus de fidélité à ce que je suis.

Certains lieux nous accueillent. D’autres nous révèlent. Les deux sont utiles, mais pas de la même manière.

Aujourd’hui, je n’idéalise plus les ailleurs. Je les écoute. Et je m’écoute en eux. J’accueille aussi avec plus de tolérance les défauts de la ville, car nul lieu n’est parfait. Peut-être faut-il, avant de chercher un ailleurs meilleur, commencer par se retrouver soi-même.


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