Giorgio Napolitano, un devoir de responsabilité devant la Nation
par Sylvain Rakotoarison
lundi 30 juin 2025
« Je suis prêt, s'il le faut, à mettre mes forces à dure épreuve ! » (Giorgio Napolitano, le 22 avril 2013, discours d'investiture, à Rome).
L'ancien Président de la République italienne Giorgio Napolitano est né il y a exactement 100 ans, le 29 juin 1925 à Naples. Il s'est éteint il y a un peu moins de deux ans, le 22 septembre 2023, à l'âge canonique de 98 ans, battant le record de longévité d'un ancien chef de l'État italien. En outre, il est le premier ancien militant communiste italien (et le seul) à avoir été élu Président de la République italienne, pour la succession de Carlo Ciampi.
Il avait aussi été le premier ancien communiste à avoir été nommé Ministre de l'Intérieur du 17 mai 1996 au 21 octobre 1998 dans le gouvernement de Romano Prodi. Et il a été le premier Président de la République à avoir été réélu, pas de sa propre volonté, mais à cause de l'impasse politique des parlementaires, incapables de trouver un autre successeur que lui-même. Président de la République italienne depuis le 15 mai 2006 (élu le 10 mai 2006), Giorgio Napolitano a été réélu le 20 avril 2013, soit proche de l'âge de 88 ans pour un mandat de sept ans. Il a démissionné le 14 janvier 2015 avant ses 90 ans, comme il s'y était engagé à sa réélection (il n'était pas question pour lui de rester Président jusqu'à 95 ans !), laissant la place à Sergio Mattarella (qui lui aussi allait être reconduit pour un second mandat qu'il poursuit actuellement).
Giorgio Napolitano s'est engagé dans la Résistance contre le fascisme de Mussolini. En 1945, il s'est engagé au sein du parti communiste italien (PCI), devenant l'un des leaders de l'aile droite du PCI jusqu'à sa transformation en 1991 (en parti démocrate de la gauche), devenant le président du groupe des députés communistes de 1981 à 1986. Il a été élu et réélu député de Naples de juin 1953 à mai 1963 puis de juin 1968 à mai 1996, et il a même été élu Président de la Chambre des députés du 3 juin 1992 au 14 avril 1994 (au bout de cinq tours de scrutin) à la suite d'Oscar Luigi Scalfaro, élu Président de la République le 25 mai 1992 après avoir été élu Président de la Chambre le 24 avril 1992. Avant Oscar Luigi Scalfaro, siégeaient à la Présidence de la Chambre deux anciens membres du parti communiste, Pietro Ingrao (élu de 1976 à 1979) et Nilde Iotti (élue et réélue de 1979 à 1992).
Dans les années 1970, Giorgi Napolitano a appuyé Enrico Berlinguer, nouveau secrétaire général du PCI de 1972 à 1984 (date de la mort de ce dernier), pour promouvoir le réformisme au sein du PCI, ainsi que la conception d'un communisme spécifiquement européen qui ne soit pas dépendant du communisme soviétique, autrement dit, souhaitant définir une voie social-démocrate en Italie. En 1991, après les bouleversements de l'échiquier politique (décomposition de la démocratie chrétienne italienne), le PCI est devenu PDS, parti démocrate de gauche qu'ont rejoint entre autres Giorgio Napolitano et Massimo D'Alema, également ancien du PCI, et qui allait devenir une composante du futur Parti démocrate (en octobre 2007).
Élu député européen de 1989 à 1992 (dans le groupe de la gauche radicalisée) et de 1999 à 2004 (dans le groupe des socialistes européens), Giorgio Napolitano a été nommé Ministre de l'Intérieur par Romano Prodi, alors qu'il n'a pas été réélu député en 1996. Après la démission du gouvernement Prodi, il a quitté ses fonctions de ministre et est devenu sénateur à vie à partir de 2005 (nommé par le Président Carlo Ciampi).
L'élection présidentielle de mai 2006 a eu lieu après la victoire du centre gauche aux élections générales des 9 et 10 avril 2006. Malgré le soutien du Silvio Berlusconi, le Président du Conseil sortant, le Président sortant Carlo Ciampi ne souhaitait pas se présenter pour un second mandat, la désignation de Massimo D'Alema, ancien Président du Conseil semblait probable, mais Romano Prodi, chef de la coalition victorieuse, a finalement soutenu la candidature de Giorgio Napolitano élu au quatrième tour le 10 mai 2006.
Le premier tour du 8 mai 2006 a vu 456 parlementaires voter blanc ou nul, et beaucoup de déperdition de voix au centre gauche, ce qui a conduit Gianni Letta, ancien ministre et candidat de Silvio Berlusconi, à obtenir 369 voix sur 984 votants et 1 007 inscrits (les autres candidats sont arrivés très loin derrière, Massimo D'Alema seulement 27 voix, Giorgio Napolitano 8 voix, etc.). Le deuxième tour était encore pire puisque 746 ont voté blanc ou nul. Le premier candidat était le chef de la Ligue du Nord, Umberto Bossi avec 38 voix sur 973 votants, talonné par Massimo D'Alema 35 voix. Le troisième tour encore pire avec 798 votes blancs ou nuls, plaçant en tête Massimo D'Alema 31 voix sur 976, et Giorgio Napolitano 16 voix. Au quatrième tour, un consensus s'est établi autour de Giorgio Napoltano, élu avec 543 voix sur 990 votants, avec encore 361 votes blancs ou nuls, le deuxième candidat était Umberto Bossi avec 43 voix et ensuite, troisième, Massimo D'Alema avec 10 voix.
Ces élections présidentielles ont l'air laborieuses en Italie mais ce n'est pas italien, c'est institutionnel. On retrouvait les mêmes magouilles politiciennes lors des élections présidentielles sous la Troisième République française...
L'un des premiers actes du Président Giorgio Napolitano a été de nommer le 17 mai 2006 Romano Prodi à la Présidence du Conseil puisque la coalition de centre gauche qu'il dirigeait avait gagné les élections d'avril, ce qui a mis un terme à la crise politique.
Et c'est une autre crise politique bien plus grave encore qui l'a conduit à solliciter un deuxième mandat, faute d'un candidat de consensus pour sa succession, en raison, des élections générales anticipées des 24 et 25 février 2013 qui ont amené un Parlement particulièrement éclaté politiquement. Parmi les présidentiables, quelques figures comme Giuliano Amato, Romano Prodi, Massimo D'Alema, aussi trois femmes dont Emma Bonino, aussi Gianni Letta, soutenu par Silvio Berlusconi, Stefano Rodata, soutenu parle Mouvement 5 étoiles, Sergio Mattarella puis Franco Marini, soutenus par le Parti démocrate, etc.
Le premier tour du 18 avril 2013, Franco Marini est arrivé en tête avec 521 sur 999 votants (et 1 007 inscrits), soit la majorité absolue des inscrits, mais pas la majorité des deux tiers des inscrits comme c'était nécessaire pour les trois premiers tours, avec 119 bulletins blancs ou nuls. Les principaux autres candidats étaient alors Stefano Rodota avec 240 voix, Sergio Chiamparino 41 voix, Romano Prodi 14 voix, Emma Bonino 13 voix, Massimo D'Alema 10 voix, etc. Le quatrième tour a vu Romano Prodi proche de la victoire avec 395 voix sur 732 votants (l'abstention lui a été fatale avec 275 parlementaires qui se sont abstenus). Il a fallu attendre le sixième tour du 20 avril 2013 pour voir la réélection de Giorgio Napolitano avec 738 voix sur 997 votants (et 1 007 inscrits) face à son principal concurrent, Stefano Rodota 217 voix. Soutenu tant par Silvio Berlusconi que par le Parti démocrate, Giorgio Napolitano avait accepté un second mandat comme « un devoir de responsabilité envers la Nation ».
La réélection de Giorgio Napolitano a mis en lumière de profondes divisions au sein du Parti démocrate, notamment entre son chef de l'époque, Pier Luigi Bersani, et Matteo Renzi, le très influent maire de Florence. Dans l'incapacité à imposer son candidat à l'élection présidentielle, Pier Luigi Bersani a démissionné de la tête du Parti démocrate, laissant un boulevard à son concurrent Matteo Renzi qui allait devenir secrétaire du Parti démocrate du 15 décembre 2013 au 12 mars 2018 et Président du Conseil du 22 février 2014 au 12 décembre 2016. Après sa réélection, Giorgio Napolinato a nommé le 24 avril 2013 Enrico Letta Président du Conseil et ce dernier a été le premier chef du gouvernement à avoir obtenu le soutien des deux premiers partis du Parlement.
Après sa démission le 14 janvier 2015, Giorgio Napolitano est devenu sénateur à vie en tant qu'ancien Président de la République, et il était déjà sénateur à vie avant d'y être élu dès 2005. À ce titre, il a été le doyen de la chambre haute de la République italienne et a présidé la séance inaugurale du Sénat en mars 2018. En revanche, en octobre 2022, il n'a pas présidé cette séance inaugurale pour raison de santé.
Lorsque Giorgio Napolitano est mort, le 22 septembre 2023, Sergio Mattarella était le Président de la République (il l'est encore à ce jour et détient le record de longévité avec plus de dix ans d'exercice) et Giorgia Meloni était la Présidente du Conseil (elle l'est encore). En revanche, le pape était le pape François qui n'est plus et qui s'est recueilli devant la dépouille de Giorgio Napolitano, ce qui était un fait exceptionnel pour un pape (première fois qu'un pape s'est recueilli devant le cercueil d'un ancien chef d'État ou de gouvernement). Le pape n'était pas rancunier car Giorgio Napolitano avait précisé qu'il ne souhaitait pas de cérémonie religieuse pour son enterrement. Il fut exaucé le 26 septembre 2023 à Rome, en présence notamment du Président français Emmanuel Macron et du Président allemand Frank-Walter Steinmeier, ainsi que l'ancien Président portugais Anibal Cavaco Silva et l'ancien Président français François Hollande.
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Sylvain Rakotoarison (28 juin 2025)
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