Monique, la covoitureuse bavarde

par C’est Nabum
mardi 4 juin 2024

Mieux qu'un autoradio.

Jusqu'alors, le trajet était paisible, chacun se concentrant sur sa tâche. Le pilote, appliqué à mener son monde à bon port, son copilote récupérant d'un week-end fort agité, une première passagère silencieuse et discrète et votre serviteur, écriveur compulsif sur son ordinateur portable.

Soudain, la dame fait son irruption avec deux valises un sac de supermarché rempli ras la gueule et son bagage de cabine. Elle nous a déjà occasionné un bon petit détour fixant son rendez-vous non point devant la mairie d'un petit village mais sur une aire ad-hoc. Quand elle fait son apparition, la vie dans l’habitacle prend une toute autre dimension.

En moins de temps qu'il ne faut à un inspecteur de police pour vous tirer les vers du nez, elle nous raconte en détail toute son épopée. La dame vient de Barcelone, voyage qu'elle a effectué en avion cette nuit. Que faisait-elle ce midi au cœur de la Beauce ? Mystère… Il suffirait sans doute de le lui demander, la dame n'est pas avare de parlote.

Elle doit d'abord donner un coup de fil. Pardon, asséner à haute voix, un appel par porte-voix interposé pour joindre une certaine Gisèle pour qu'elle soit présente quand elle quittera ce véhicule de transit. La chose effectuée, elle peut passer à son sujet de prédilection, le temps qu'il fait. La dame est incollable sur le sujet et fort curieuse de connaître la météo chez les uns et chez les autres.

Par bonheur pour son investigation personnelle, une passagère nous vient d'Afrique. Elle a droit à un interrogatoire en règle sur le temps dans son pays, les conditions climatiques au fil des saisons avant que de s'enquérir du pourquoi de sa présence en France et de son activité chez elle. De réponses en réponses, d'autres questions surgissent pour savoir comment on vit là-bas...

Monique a trouvé un terrain favorable, ce dont profite mes deux compères pour sortir de la discussion. Quant à moi, placé au troisième niveau de cette camionnette, je pense qu'il y a matière à prendre des notes. Je regrette du reste de ne pouvoir à la fois rédiger et comptabiliser les « là-bas » et les « chez-vous » qui sont suivis d'un point d'exclamation.

C'est désormais un jeu de ping-pong verbal auquel se livrent les deux interlocutrices. Notre première passagère ne nous avait pas dévoilé son potentiel que Monique a soudain réveillé. Cependant l'Afrique finit par épuiser son questionnement curieux et elle relance mes compères sur la Bretagne, leur cher pays.

Un ralentissement routier les sauve de l'inquisitrice passagère. Le temps d'un rétrécissement de la chaussée, le silence revient pour quelques minutes. Le rythme de sa conversation dépend donc de la vitesse de déplacement. Je redoute le pire puisque nous allons reprendre un réseau autoroutier. L'inquiétude est justifiée…

Sitôt la barrière de péage franchie, elle redonne de la voix. La barrière aurait donc levé toutes ses inhibitions. Elle se raconte, se dévoile, se confesse et se lamente. Tout est prétexte à tuer le temps par des propos qui filent au rythme de la chaussée. Suivre ses propos devient difficile, elle saute du coq à l'âne, rebondit sur une réponse plus ou moins de politesse des uns et des autres. Elle est finalement la seule à véritablement s'écouter.

Elle descendra avec ses bagages, laissant alors un vide conséquent dans l'habitacle. Avoir du bagou aurait donc un lien évident avec la quantité de valises que l'on transporte. À l'avenir, il conviendra de n'exiger que des sacs légers desquels sortiront des propos moins futiles sans doute. Monique avait du coffre et sa parlotte allait comme sur des roulettes… Prudence pour ses prochaines victimes !


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