Un peu en dessous du volcan

par Forest Ent
mercredi 11 avril 2007

On parle ici assez souvent de la dette excessive de l’état français et de son rôle hypertrophié, du dynamisme et de la productivité de l’économie US. Le but de cet article est d’exhiber quelques éléments macro-économiques de base pour rappeller que les Etats-Unis sont « l’homme malade » de l’économie mondiale.

Cet article fait suite à un excellent article de Léon qui rappelle quelques principes macro-économiques, et quelques chiffres sur la situation française. Il indique que la politique ultralibérale consiste à endetter l’Etat en diminuant ses recettes de manière à pouvoir ensuite privatiser ses activités. Cet article prolonge ce raisonnement en comparant les grands chiffres macro-économiques français à ceux du pays ultralibéral de référence, les Etats-Unis.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’endettement, on voit dans le tableau comparatif ci-dessous que les états français et US ont des taux d’endettement comparables (relativement au PIB). Par contre, les ménages US sont deux fois plus endettés que les ménages français.


Etats-Unis (2006)

France (2005)


milliards $

$ per cap

%

milliards €

€ per cap

%

Produit intérieur brut (PIB)

13 457

44 708


1 700

26 984


Dette des administrations publiques

8 850

29 402

66% du PIB

1 138

18 063

66% du PIB

Revenu brut disponible des ménages (RBD)

9 679

32 156


1 120

17 778


Dette des ménages

12 300

40 864

127% du RBD
91% du PIB

742

11 778

66% du RBD
44% du PIB

NB : « per cap » signifie « par habitant recensé » et le PIB est calculé par la méthode de la « consommation finale », seule publiée par le BEA

On constate donc que l’ultralibéralisme ne conduit pas à un dette plus faible, mais à une dette plus importante et privée. Et encore n’ai-je pas fait figurer ici la dette des entreprises, qui présente la même hypertrophie que celle des ménages, mais qui pose des problèmes de périmètre. L’énorme dette privée US était déjà rappelée dans cet article de aixetterra.

Il faut préciser qu’après le krach internet en 2001, les taux ont significativement baissé, ce qui a permis aux citoyens de s’endetter assez largement. Les taux ont encore baissé ensuite, ce qui a créé un « effet de richesse » qui a solidement relancé la consommation en 2005 et 2006. Mais les taux remontent depuis un an, ce qui explique l’augmentation importante des défaillances individuelles de crédit immobilier hypothécaire. En mars 2007, les ménages US ont continué à consommer en puisant dans leur épargne.

On voit également que le PIB US représente en dollars par citoyen 1,6 fois le PIB français en euros. La conclusion qui en est régulièrement assénée par l’OCDE est que la productivité US est très supérieure en termes absolus à celle du reste du monde. Cela fait l’impasse sur le fait de savoir comment convertir entre elles les monnaies. L’OCDE utilise une conversion à « parité de pouvoir d’achat » qui place les deux monnaies assez proches l’une de l’autre. Or ce point est assez subjectif. Les études situent cette parité quelque part entre 1 dollar et 1,4 dollar par euro. Le cours évolue entre 1,25 et 1,35 depuis quelques années. Au taux de change courant et aux méthodes comptables près, la différence n’est pas si significative.

Le tableau comparatif suivant détaille les élements constitutifs du calcul du PIB par la méthode retenue.


Etats-Unis (2006)

France (2005)


milliards $

$ per cap

% du PIB

milliards €

€ per cap

% du PIB

Produit intérieur brut (PIB)

13 457

44 708


1 700

26 984


Consommation finale publique

2 575

8 555

19,1%

405

6 429

23,8%

Consommation finale des ménages

9 421

31 299

70,0%

975

15 476

57,4%

Investissement (FBCF)

2 162

7 183

16,1%

336

5 333

19,8%

Solde du commerce extérieur

-701

-2 329

-5,2%

-16

-254

-0,9%

On voit que le PIB US se caractérise par rapport au PIB français par un taux d’investissement et une consommation publique inférieurs, et une consommation privée et un déficit commercial supérieurs. On pourrait en conclure hâtivement que l’Etat US est plus économe des deniers publics. En fait, cela vient simplement du fait que la plus grande part des dépenses d’éducation et de santé y est privée, et comptée comme telle. On pourra alors imaginer qu’elle est alors plus « efficace » ? La dépense de santé représente aux US environ 2 000 milliards $, soit environ 15% du PIB, alors qu’elle est en France de 180 milliards €, soit 10,5% du PIB. Mais alors les citoyens US sont en très bonne santé ? Espérons-le pour eux, mais aucun indicateur macro-économique comme l’espérance de vie ne le confirme, au contraire.

Pour ce qui est du solde commercial, il faut noter que les exportations représentent 1 523 milliards $, et que le déficit commercial est donc de la moitié des exportations, ce qui est considérable, et qui plaide dans le sens d’une sur-évaluation significative du dollar, tout au moins par rapport au yuan, la Chine étant le principal contributeur au déséquilibre US.

En résumé, les US se caractérisent, relativement à la France, par un endettement public important, avec un déficit budgétaire stabilisé mais non négligeable, un endettement privé colossal, à 60% immobilier et hypothécaire, c’est à dire au fond gagé par lui-même, et un déficit commercial important et en augmentation. La situation est comparable en Angleterre et en Allemagne pour l’endettement, mais avec un solde commercial différent.

Depuis un an, tous les observateurs se demandent quand vont venir l’explosion de la bulle et la récession. J’ai exposé dans un article récent mon opinion : elle a de bonnes chances pour très bientôt. Nous venons d’avoir droit en février à un avertissement sans frais.

Les dettes US sont en grande partie vers des non-résidents et libellées en dollars, ce qui est le cas en particulier de la dette de l’Etat, les « bons du Trésor », souscrits en majorité par l’Asie. Il existe une issue directe à beaucoup de problèmes US : une chute brutale du dollar. Et derrière une interrogation géante en Chine...

Sources d’informations

Toutes les informations concernant la France proviennent du site de l’INSEE. Elles ne concernent malheureusement que l’année 2005, mais les ordres de grandeur ne sont pas bouleversés en 2006. (A ce propos, merci encore à l’UMP d’avoir retardé la publication par l’INSEE de quelques indicateurs 2006 intéressants, comme celui du taux de chômage)

Tous les flux concernant les Etats-Unis proviennent de l’équivalent BEA de l’INSEE. Les chiffres concernant la dette proviennent du ministère des finances.

Certains chiffres sont corroborés par ce récapitulatif de la Banque de France, qui fournit par ailleurs quelques comparaisons intéressantes entre la France, l’Europe et les Etats-Unis.

Enfin, je recommande la lecture de ce site qui résume excellement la problématique de l’économie US.

Les ratios « per capita », sont établis sur la base de 63 millions d’habitants pour la France et 301 pour les Etats-Unis, valeurs à la même date des recensements officiels.


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