2008, année noire

par Forest Ent
lundi 1er octobre 2007

Ce dans quoi nous entrons n’est pas une petite crise financière des agences de notation. C’est une crise économique majeure qui aura des conséquences politiques. La « tempête parfaite » est en train de s’abattre.

Le présent article poursuit notre chronique macro-économique, entamée avec trois articles en 2007 : 2007 année grise, Un peu au-dessous du volcan, 2007 année grise épisode deux. Nous ne nous étions pas jusqu’ici hasardés à prévoir avec certitude une crise systémique et une récession US. Nous n’en sommes plus là. Tout affirme maintenant que 2008 sera une année noire. Le présent article revient sur les principaux événements sans trop d’ésotérisme. Comme j’utilise habituellement celui-ci pour masquer mon incompétence, je compte sur les vrais spécialistes pour corriger ce tableau noir.

« Il faut de la transparence  ! » C’est ce que viennent de clamer la Banque de France, la FED, le FMI, les gouvernements... C’est ce qu’ils ont dit en 2001. Les Etats-Unis ont alors voté la loi Sarbanes-Oxley, obligeant les entreprises cotées à plus de transparence. On a vu alors les fonds spéculatifs fleurir et les entreprises sortir de la cote. L’opacité s’est recréée presque instantanément. Au-delà de ces pieux discours de façade, tout le monde sait ce qu’il en est vraiment : le dollar est au bord du gouffre, et avec lui le système monétaire international.

Je vais beaucoup utiliser dans cet article le symbole « T$ », qui représente mille milliards de dollars, et qui est l’unité pertinente pour regarder l’économie mondiale.

Selon le BEA, équivalent local de l’INSEE, les Etats-Unis ont un PIB voisin de 14 T$. Ils exportent chaque année environ 0,7 T$ et importent le double, 1,4 T$ soit 10% du PIB. Leurs dépenses de santé sont de 2 T$, soit 15% du PIB, et augmentent beaucoup plus vite. La dette US globale est voisine de 50 T$, soit 350% du PIB dont 9 T$ pour les administrations publiques, 13 T$ pour les ménages, les 28 T$ restant concernant les entreprises et établissements financiers. Le taux d’épargne des ménages est 0.

La dette des ménages est surtout hypothécaire, pour environ 10 T$, soit 130 000$ pour une famille de quatre. La valeur moyenne d’un logement US est en 2007 de 300 000$ alors qu’elle était de 200 000$ en 2000. L’actif immobilier US a été réévalué de 50% en 7 ans, et cela a correspondu à une création de valeur hypothécaire d’environ 7 T$. A un taux de 4%, cela injecte dans l’économie 0,3 T$ par an, soit 2% du PIB, soit encore la croissance réelle constatée hors inflation.

Il y a un problème comparable pour les entreprises. Elles sont moins surévaluées qu’en 2001, mais n’ont aucun potentiel d’appréciation. Or il existe de grandes quantités d’argent investies sur leurs perspectives de croissance. Par exemple, le hedge fund Blackstone a été valorisé à 0,04 T$ alors que sa valeur est exactement 0 si tous ses investissements conservent leur valeur actuelle. Il y a une bulle LBO comme il y a une bulle immobilière.

On voit que l’on est loin d’un « petit problème de subprimes » de 0,1 T$. Les US ne peuvent en aucun cas rembourser leurs dettes. La seule issue possible, et on la voit se dessiner, est l’effondrement du dollar. Si la FED monte ses taux, elle accélère la récession. Si elle les baisse, elle tue le dollar. Cette seringue traduit le fait que l’on ne peut pas vivre indéfiniment à crédit. Il y a 50 000 milliards de dollars en circulation dont la valeur va s’écrouler.

Il y a le même petit problème immobilier en UK, Irlande et Espagne. La situation française est différente : les prix de l’immobilier sont tout aussi aberrants, mais la dette des ménages est soutenable. Ils sont simplement souvent mal logés.

Loin des US se trouve la Chine. Son PIB 2006 est de 2,7 T$. Ses exportations sont de 1 T$, soit 37% du PIB, pour 0,8 T$ d’importations. Le solde commercial est voisin de 10% du PIB. La Chine est une machine à exporter. Un tiers de ses exportations, environ 0,3 T$ vont vers les US.

Que va-t-il se passer maintenant ?

L’effondrement programmé du dollar va avoir des conséquences négatives pour tout le monde.

Pour les Etats-Unis, on peut prédire sans trop de risque une récession, peut-être sévère, un appauvrissement généralisé, et une explosion du système de santé et de retraite.

Pour l’UE, il y aura contagion dans les pays pareillement exposés. L’effondrement des valeurs détenues en dollar va créer un effet de pauvreté et bloquer le crédit. La hausse relative de l’euro va ralentir les exportations, et il n’y a pas de protection possible, car il n’y a pas de zone douanière euro. Globalement, l’UE va importer la crise US : la mauvaise monnaie aura chassé la bonne. L’euro ne nous protège pas du dollar.

Il aurait bien sûr été utile de prévenir cette situation, en ayant les finances les plus saines avant la crise, mais il ne faudra pas s’acharner après. Si la coalition allemande poursuit ses démarches d’économie, elle bloquera la consommation dans l’UE au pire moment. J’aimerais bien écrire que j’ai confiance en Mme Merkel et M. Sarkozy pour gérer la tempête qui s’annonce. Ce n’est malheureusement pas le cas. Je n’ai d’ailleurs surtout pas confiance en M. Sarkozy, visiblement très éloigné des sujets économiques, pour annuler son paquet fiscal et pratiquer une dose de relance keynésienne le jour venu.

Le pays de tous les dangers est la Chine. Les US ne pourront plus avec leur monnaie dévaluée importer 10% de leur PIB, dont un quart en provenance de Chine. Les exportations chinoises vont en prendre un méchant coup. Ce ne serait pas trop gênant s’il y avait un système politique fort et légitime, capable de redistribuer rapidement les cartes vers l’économie intérieure. Ce n’est pas le cas. Les relations vont se tendre entre un milliard d’humains.

Nous abordons une des périodes les plus noires de notre histoire. Une des plus grandes bulles jamais fabriquées est en train d’exploser. Elle aurait pu être crevée il y a deux ans. L’administration Bush avait alors d’autres soucis.


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