C’est pas Jeanne d’Arc, l’andouillette !

par LM
mardi 18 avril 2006

Après Sarkozy, Villepin, Bayrou, Hollande, Royal, entre autres, Michel Drucker recevait hier dans son Vivement Dimanche, Jean François Coppé. Pour les politiques, tout est bon dans le cochon médiatique.

Nos politiques se donnent du mal. Ils écrivent, ou font écrire, des livres de « réflexions », ils s’affichent ensuite dans les médias pour les défendre, ils font du rap, mangent de l’andouillette, participent à des débats sur la jeunesse, sourient, chantent, tentent le grand écart. Tout pour paraître éligible l’an prochain, an des présidentielles, cette Coupe du Monde de la politique.

Hier dimanche, c’était donc au tour de Jean François Coppé, encore sur le pont pour défendre son bréviaire, pataud et un poil absurde : « Promis, j’arrête la langue de bois. » Et comme hier c’était dimanche, le dimanche de Pâques qui plus est, l’ami Coppé s’était rendu chez l’ami Michel Drucker pour évoquer sa vie, ses envies, ses amis, ses passions, ses goûts. Vivement dimanche, ça s’appelle, et c’est l’émission du service public qui, bon an mal an, a le mieux rempli la case laissée il y a longtemps vacante par feu Jacques Martin et son Dimanche Martin, et son Ecole des Fans, j’en passe et des Incroyable mais vrai. Aujourd’hui, donc, c’est Vivement dimanche, son canapé rouge, son invité central, ses invités musicaux, les imitations en fin d’émission (sauf hier) de Nicolas Canteloup qui se fout avec talent des politiques, des chanteurs, de miss France et j’en passe.

Vivement dimanche, donc, avait invité Coppé, qu’on avait vu avant à peu près partout pour défendre son livre : chez Durand dans Campus, chez Denisot, dans le Grand journal, chez Ardisson aussi, enfin partout, peut-être même chez Fogiel, mais je n’en suis pas certain. L’émission de Drucker se termine toujours, avant les blagues, avant le dessin souvent lamentable de Geluck, par les pitreries gastronomiques de Jean-Pierre Coffe, ancien jeteur de saucisse sur Canal+, à l’époque où la chaîne cryptée appartenait encore à André Rousselet, qui se fend chaque dimanche chez Drucker d’une recette en général en rapport avec l’invité.

Et cette fois-ci, donc, Coffe a parlé de l’andouillette sous les yeux émus et le regard approbateur d’un de ses plus fervents défenseurs, le maire de Meaux himself, Jean-François Coppé, salué par Coffe comme un homme de goût, du simple fait qu’il avait ardemment participé à la promotion de ce produit formidable. Rien à dire à ce sujet, l’andouillette est vraiment un produit formidable, c’est extraordinairement bon, et je suis d’accord avec Coffe, une grande andouillette pousserait l’exquis aux larmes, sans aucun doute.

Il fallait voir Coffe expliquer comment cuisiner ladite andouillette, sans la cramer (« C’est pas Jeanne d’Arc, l’andouillette ! », s’exclama le tremblotant gourmet aux lunettes à la Michou) et ensuite observer le rictus presque ému de Coppé, l’homme anti-langue de bois, l’homme de la ville du brie, recevoir les remerciements de Coffe pour avoir choisi l’andouillette en plat de résistance de ce dimanche pascal. C’était un grand moment de télévision, comme on dit, à mettre tout à côté du sublime rap de Ségolène Royal sur Canal, quelques jours avant. Royal soutenue par Diam’s et Djamel, Coppé adoubé par Coffe avant d’être soutenu par Jean-Marie Bigard, l’homme comique slipier, comme on dirait d’un comique troupier, tant Bigard s’entête à ne montrer que des slips, ou un string, pour son nouveau spectacle, en affiche de ses shows.

Bigard venu chez Drucker faire la bise à Coppé, le remercier pour une opération caritative qui consiste à ramasser des bouchons en plastique de bouteille d’eau, dont l’argent récolté après le recyclage servira à acheter des fauteuils pour les handicapés. Bigard, de Troyes, la ville de Baroin, ami de Coppé, la ville de l’andouillette aussi, Bigard donc venu assurer Coppé de son amitié, après avoir, quelques mois avant, assuré sur les télévisions soutenir les faits et gestes de Nicolas Sarkozy, qui n’a pas peur, selon l’humoriste, de « mettre les mains dans le cambouis. » (On s’orienterait donc, du côté des comiques, et selon les sondages, vers un second tour Djamel/Bigard, qui promet d’être...drôle ?) Et Coppé, au fait, pour qui voterait-il, ose lui demander une Elkabbach coincé là entre l’andouillette et le brie ?

Coppé ne se prononce d’abord pas, puis avoue son admiration pour l’homme avec qui il travaille, forcément, le Galouzeau, aujourd’hui usé, aujourd’hui critiqué, mais qui est, selon Coppé, un homme d’une grande droiture. On l’aurait parié. De toute façon, chez Durand déjà, même pressé de ne pas pratiquer la langue de bois, c’est-à-dire de mettre en application sa nouvelle « philosophie », Coppé avait refusé de se prononcer, Villepin ou Sarko, il n’avait pas tranché. Villepin, Sarko... et pourquoi pas Coppé aussi ? Car enfin, s’il gesticule autant, le maire de Meaux, s’il vend avec autant d’acharnement son bréviaire pour une autre façon de faire la politique, n’est-ce point parce qu’il souhaite lui-même, aussi jeune soit-il, se lancer dans la course l’an prochain ? Un homme qui aime autant l’andouillette peut-il être mauvais ? Ségolène Royal aime-t-elle l’andouillette ?

Non, répond Drucker, devenu expert en candidats non déclarés mais presque, « Ségolène, son truc, c’est le chabichou ! » Nous voilà donc mieux éclairés, quand même, un peu plus avancés. Le chômage, la dette extérieure, la mondialisation n’ont qu’à bien se tenir, nos hommes et femmes politiques savent donner le coup de fourchette, et au moins, avec eux, on ne mourra pas de faim. Sarko était venu chanter avec son ami Barbelivien sur le canapé rouge de l’ami Michel, Ségolène y a défendu le chabichou, Coppé y a mangé de l’andouillette, ce n’est rien d’autre la politique, se montrer aux gens quand ils n’ont rien d’autre à faire, en somme, que vous regarder. Déjà, on salive, si je puis dire, en essayant de deviner quel plat choisira Bayrou, quelle saucisse défendra Fabius, quel fromage nous vendra Elizabeth Guigou... et tant d’autres. La vraie question, finalement, est là : qui est candidat à la prochaine émission de Michel Drucker ?

Lilian Massoulier


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