Les révoltés du Bounty
Qu’est que ce problème de
discipline, sinon le symptôme d’un mal endémique. l’éducation nationale a la
fâcheuse habitude de s’en prendre au thermomètre quant elle a la fièvre. En 39,
la France croyait qu’elle avait la meilleure armée du monde, et Pétain a fait
la leçon au pays, en soulignant le manque de discipline, l’esprit de fête et de
paresse issu du front national....L’analyse était faite par les généraux,
comme dans cet article elle est faite par les enseignants. Forcément
exemplaires, bien sur. Le mal ne peut venir que d’ailleurs. Et d’abord dans
cette cohorte de petits morveux qui refusent de marcher au pas. J’exagère à
peine.
Questions
spécialistes et sciences de l’éducation, il faut se rappeler que toutes les
comparaisons internationales tendent à prouver que l’école à la Française porte
le bonnet d’âne pour ce qui est de la transmission des inégalités sociales.
Bourdieu n’est plus seul à faire remonter cet évidence. Tous les vecteurs
sournois qui travaillent à ce fait, sont forcément saisis par l’enfant, dés le
plus jeune age, et tout autant d’ailleurs, peut-être d’une façon plus
inconsciente par les enseignants. Cette violence institutionnelle est accentuée
par la tradition d’un travail de bachotage, ou l’esprit critique est mal venu,
et où l’on n’aura de cesse que de dégager un élite…Comment ne voulez vous pas
qu’une partie des élèves se rebelle, et contamine même parfois le reste de la
troupe des « bons élèves » ?
Comment ?
Ils utiliseront les moyens dont ils disposent, n’ayant pas toujours les mots
pour dire la pensée qu’il leur viendra plus tard, quant ils seront dégagés du
système, et qu’ils pourront en pousser l’analyse critique.
Donc ils
mettront le bordel, s’excluront, raidiront d’autant les protagonistes qu’ils
croiseront, tous d’accord pour dire que ce sont des bons à rien.
Bien des
administrations ont évolué. Droit des patients, des victimes, et même des
opprimés. Les vexations et les situations de confort liés à l’autorité ont été
battu en brèche dans bien des domaines. Dans l’éducation nationale, on peut se
réjouir de la disparition des atteintes corporelles. Mais les parole de dédain
et de mépris, qu’ont pourrait qualifier de faute professionnelle dans le
secteur de la psychiatrie où je travaille, mais aussi dans n’importe quel autre
métier, sont toujours présentes :
« Vous
êtes des nuls, des cancres. Je n’ai jamais vu de classe comme la votre. Vous
n’aurez jamais votre bac ! Votre devoir est un torchon… »
J’ai
entendu ce genre de choses. Car on m’avait qualifié de mauvais élève, et mis au
fond de la classe, certains que je n’avais pas d’avenir. Le plus stupéfiant,
c’est que mes enfants ont entendu les mêmes choses, à presque quarante années
d’écart. Paroles banales de profs, assassinent. Qu’on ne me dise pas que ce
sont des dérapages infimes, ne concernant que quelques exceptions. ( interrogez
vos enfants) Je reconnais d’ailleurs autant qu’il y a des profs superbes, des
résilients qui modifient la trajectoire de gamins cabossés. Mais eux aussi
auront eu à souffrir de ce mal qui vient de très loin, au travers de ces
enfants perturbés dont il auront à s’occuper.
Le carnet
scolaire. Comment peut-on accepter de cerner les aptitudes de gamins dés la
maternelle. Seront déterminés dés le plus jeune âge les capacités à être un
géni, ou à devenir un cancre. On connaît les travaux qui ont prouvé
l’importance vitale du regard sur un enfant sur son devenir. Mais on semble
totalement s’en foutre. Il y aurait simplement des gamins doués, et d’autres
non. Avec lesquels il conviendrait d’observer mépris, désintérêt, et de mettre
en place des stratégies de mise à l’écart.
L’éducation
nationale est peuplée majoritairement de gens de gauche, capable de refaire le
monde, excepté leur discipline, dont il connaisse parfaitement les règles, s’en
servant pour leur propre compte et celui de leurs enfants.
J’en entend
qui caricaturent déjà mes propos, qui en rigolent. C’est normal, c’est un
mécanisme de défense pour les gens qui refusent de se remettrent en
question. Ils veulent de la discipline,
des gamins au garde à vous. Des enfants désemparés, malgré leur air crâne, qui
ont très vite compris la règle du jeu. S’ils portent d’autant plus l’exclusion
d’une façon fatale et brouillonne,
c’est qu’il pensent qu’ils ne s’en sortiront pas. La dramatisation
entretenue autour des diplômes fait que ceux qui se sentent larguer perdent
tout à fait pied, rapidement, et ne tentent même plus de surnager. On enfonce
leur incompétence à coups de zéro. ( voir parfois de moins 5, moins 10…)
Autrefois,
la société, malgré sa dureté de façade donnait une place à toute le monde, et
entretenait de ce fait une espérance de réussite, qui même si elle n’était pas
tout à fait égalitaire, oeuvrait au moins en ce sens. Des cancres ( François
Truffaut par exemple) s’en sortait, par le simple jeu de la débrouillardise, de
la volonté, de la chance et de l’émulation.
Bac plus
deux, bac plus trois, plus sept ou huit. On n’en finit plus de compter les
chiffres, de se ravir de société qui dégage son élite en privilégiant seulement
l’école, et les déterminismes d’apprentissage à la française.
J’ai
entendu dernièrement à la radio un jeune slameur revendiquer sa langue tribale,
terriblement pauvre, car le Français n’était pas sa langue, mais celle des
bourgeois. Celle d’un autre monde, appartenant à des étrangers auxquels il
voulait se démarquer.
La seule façon qu’on aurait de
sauver les meubles, maintenant, serait de montrer que ce système n’est pas là
que pour desservir le plus riches, les biens nés, ceux qui ont hâte de gagner
l’élite des grandes écoles. Mais de montrer que le système bénéficie avant tout
aux plus démunis, à ceux qui ont besoin d’être aidé.
Et que l’apprentissage du
Français, et de ses règles de langage, était là pour les servir.