La vertueuse indignation du parti socialiste après l’affaire
Guéant me fait doucement rigoler. Non pas que je veuille prendre la
défense du ministre : je ne voterai assurément pas pour le candidat
de l’UMP, pas plus pour Hollande et encore moins, cela va de soi,
pour les populistes des deux bords. Quand on ne peut plus voter, on
ne vote pas.
Sur le fond, tout de même, et indépendamment de la question de
l’opportunité de cette prise de position du ministre, il n’y a pas
de quoi fouetter un chat. J’aime beaucoup les pyramides, mais
j’aurais tout de même préféré vivre dans l’Egypte des Ramsès où
la vie était relativement paisible plutôt qu’au milieu des Mayas
obsédés par le sang et les sacrifices humains. Je préfère les
civilisations héritières du bouddhisme parce que je n’ai jamais pu
m’habituer à la représentation complaisante d’un pauvre bougre
sanguinolent et crucifié. Lorsque nous parlons des civilisations,
aujourd’hui, nous parlons d’un monde déjà disparu dont il ne reste
que des vestiges et dont à peine nous pouvons nous dire les
héritiers, tant le monde s’est uniformisé. Il n’y aura bientôt
plus, du moins pour les citoyens quelque peu instruits, qu’une seule
civilisation planétaire. Méritera-t-elle vraiment d’être appelée
une civilisation, c’est une autre affaire.
Les grandes religions, avec leurs systèmes de croyances et de
représentation du monde auront perduré des siècles mais l’histoire
s’est considérablement accélérée. Le communisme, qui avait eu
l’ambition d’imposer partout ses valeurs et d’être LA civilisation
finale n’aura même pas passé le siècle qui l’a vu naître. Le IIIe
Reich, dans sa paranoïa délirante, devait durer mille ans ! Il a
fait long feu, Dieu merci. Ces systèmes détestables n’en avaient
pas moins la prétention de continuer à exister aussi longtemps
qu’il leur aurait été possible, prétendaient même au titre de
civilisation supérieure. Faudra-t-il se défendre de les juger ?
Votre point de vue présuppose qu’on devrait respecter les
croyances et les préjugés. Mais c’est les hommes qu’il s’agit de
respecter, et non pas les systèmes de pensée, encore moins les
religions : la tolérance n’implique pas l’assassinat de l’esprit
critique. Il y a beaucoup à prendre dans le passé, mais plus encore
à rejeter, et la plus extrême liberté de penser s’impose. Vos
camarades socialistes qui ont naguère approuvé sottement l’aventure
libyenne se retrouvent maintenant coincés dans la même impasse que
la droite. Vous ne saviez pas, mais vous auriez dû le savoir, que
que ce que vous vouliez, en fin de compte, pour ces populations,
c’était la charia. Et vous faites maintenant les innocents : puisque
la démocratie exige l’obscurantisme, allons-y pour l’obscurantisme :
tout se vaut, n’est-ce pas ? La civilisation islamique du Xe siècle
était incontestablement plus avancée et plus brillante que celle de
l’Europe chrétienne mais elle ne l’est plus et il deviendrait quand
même urgent, maintenant que l’Iran s’apprête à construire des
bombes atomiques (pour les ranger sur des étagères ?), de s’en
rendre compte. En politique, cela s’appelle le réalisme.