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Commentaire de easy

sur Mémoires d'une vie de chercheur avortée (IV)


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easy easy 10 août 2012 11:29

Deux mots sur la naïveté.

Tant qu’un enfant unique reçoit de sa mère ce qu’il veut en lui souriant, il apprend la transaction à deux. 
Lorsqu’arrive un frangin, la mère étant très attentive à bien se partager, ses deux enfants apprennent aussi l’impartialité et l’esprit d’équipe « Si mon frère + moi sommes souriants, maman le sera ».
A l’école, l’esprit d’équipe systématique vole en éclats, l’enfant apprend à ne faire équipe que si la maman-maîtresse le demande. Il découvre aussi qu’elle tient à avoir des jugements différents sur chaque élève en fonction de son obéissance.

Il remarque qu’on peut juger les gens différemment et découvre que si la mantresse a du pouvoir, la masse des camarades en a aussi. Il découvre que fayoter lui pose des problèmes à la récré et que voyouter lui en pose en classe. Il apprend donc le modus vivendi qui consiste, devant chaque pouvoir, à lui faire de la lèche à l’abri du regard des autres pouvoirs, il apprend l’hypocrisie et la lâcheté. Il remarque que son esprit d’analyse, que son propre jugement sur les entités est variable et circonstanciel mais qu’il doit s’afficher fixé face à elles.
 

A 15 ans, il a déjà bien des complexités et multilemmes à gérer mais une chose lui semble claire : Sur le plan scolaire, une fois cette complexité gérée, il peut progresser vers la félicité promise par ses parents en obéissant, en récitant. 

Tout se déroule effectivement selon cette règle qu’il observe jusqu’au doctorat. Chaque année qu’il a bien récité, il a bien mérité et gagne un diplôme.

A 30 ans, il a passé 90% de sa vie sur la voie des études où l’on grimpe en ne trichant pas avec l’EN.
Tout ça pour ne pas finir éboueur et bien gagner sa vie, tout ça s’étant passé hors tout commerce, hors toute vénalité ou cupidité.
A 30 ans, quoique gérant déjà certaines complexités grouillantes d’humanités chaotiques, il en gère beaucoup plus dans le champ des humanités institutionnalisées et ordonnées. Il croit au mérite dans la voie de l’EN et ses débouchés en termes d’emploi. Il croit au bon ordre et déteste les chahuts.

Or, pour la première fois de sa vie, l’échelon qu’il veut maintenant franchir, c’est celui non plus d’un diplôme à accrocher au mur de sa chambre mais celui qui va enfin lui procurer un salaire.

Pour la première fois, il demande que son obéissance soit récompensée en espèces sonnantes et trébuchantes par cette EN qu’il a adorée, encensée et dont il est devenu zélote. Il demande de toute bonne foi ce à quoi il était censé avoir droit et ne conçoit pas que son accès au paradis puisse faire l’objet de tractations occultes.
Il est sain, il est honnête d’un point de vue de la Morale officielle, mais il est naïf.


Pendant toutes ces années où notre doctorant avait choisi d’adorer l’EN et l’avait servie en acolyte, lecteur ou chantre, d’autres de ses camarades, dès leurs 10 ans, vendaient des briquets sur les plages. Dès leurs dix ans, ils ont été déniaisés et ont compris que toute place au soleil se dispute au poing, au fric et au couteau.


Est-ce à dire que le monde se résume à ces deux destins ?
Certainement pas. 
Entre ces deux voies, il y en a des milliers de possibles. Et rien, vraiment rien n’empêche d’être à la fois déniaisé et honnête selon la Morale officielle (qui permet de revendre 2€ les tomates qu’on a acheté 1€, qui permet de vendre 100 000 ducats un tableau qu’on a barbouillé en deux heures, qui permet de facturer 100 maravédis un changement de fusible).
Non, vraiment, il n’est pas du tout indispensable de trafiquer ou de pousser à la baille pour se faire une place.
Mais il faut connaître la corruption dans ses sens et champs les plus larges.


 


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