La commande publique, un rempart face aux incertitudes économiques pour les PME
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mardi 21 mars 2023
Comme chaque début d’année, toutes les grandes instances internationales (FMI, OMC, Banque Mondiale, OCDE, etc.) livrent leurs prévisions économiques. Dans un contexte de risques aux horizons temporels différents (guerre en Ukraine, inflation, hausse des prix de l’énergie, changement climatique), les prévisions du FMI tablent sur une croissance mondiale de 2,7% pour 2023 là où l’OCDE prévoit un modeste 2,2%. En France, la Banque de France retient même deux scénarios, un fait rare.
En fait, l’incertitude est omniprésente. Les signaux d’alerte ne manquent pas. Selon l'économiste Xavier Dupret, le paradigme du capitalisme actionnarial a débouché sur un sous-investissement chronique qui a fini par rouvrir la boîte de Pandore de l’inflation.
L’inflation par les profits
Selon Reuters, dans un article du 2 mars 2023 intitulé « ECB confronts a cold reality : companies are cashing in on inflation », la BCE a parfaitement conscience que l'inflation en Europe est davantage nourrie aujourd'hui par une hausse des marges et profits des entreprises plutôt que par des augmentations de salaires. Son porte-parole s’est refusé d’ailleurs à tout commentaire alors que Paul Donovan, économiste en chef chez UBS Global Wealth Management, a déclaré que « l'augmentation des bénéfices (des entreprises) a joué un rôle plus important dans l'inflation au cours des six derniers mois » sans que la « BCE ne réussisse à justifier ce qu'elle fait dans le contexte d'une inflation davantage axée sur les bénéfices ».
Selon Pierre-Antoine Dusoulier, PDG d'iBanFirst, l'hiver du commerce mondial s'annonce avec une parenthèse protectionniste qui va s’intensifier tant dans l’organisation des chaînes de production que de l’épargne.
La dynamique mondiale (inflation, protectionnisme) semble donc marquer un coup d’arrêt avec, du coup, une absence de visibilité pour les entreprises.
Comment gérer ces incertitudes de court terme alors que l’accélération dramatique du changement climatique fait peser des menaces de descente énergétique et matérielle sur nos sociétés ?
Le recentrage domestique
S’il n’y a pas de recette magique pour répondre à cette question et naviguer dans les eaux troubles que les entreprises traversent, les PME peuvent tenter de se re-centrer sur la commande publique.
Selon l’IFRI, aux États-Unis, c’est déjà le cas depuis de nombreuses années. Rien ne change en pratique depuis le Buy American Act signé par le Président républicain Herbert Hoover en 1933 : seulement 5% des biens et services achetés par le gouvernement américain proviennent de l’étranger. Le protectionnisme est donc un instrument de choix dans les politiques libre-échangistes de l’Oncle Sam.
Pourquoi donc ne pas exploiter les 200 000 marchés publics lancés chaque année (le chiffre de 2022 est même fixé à 211 000 marchés) lesquels totalisent un volume d’affaires de 210 milliards d’euros ?
Ces 210 milliards d’euros annuels représentent environ près de 10 à 15% du PIB, ce qui constitue un levier préférentiel pour engager les entreprises et profiter d’opportunités locales, notamment à un moment où les critères RSE représentent près de 25% de la notation du mémoire.
France Marchés, le spécialiste de l’appel d’offre et des marchés publics, rappelle d’ailleurs que l’État mène une politique active pour favoriser l’accès des TPE et PME aux marchés publics avec notamment les 6 améliorations ci-dessous :
- le montant de la retenue de garantie est diminué de 5% à 3%
- la facturation simplifiée
- la simplification des procédures et des pièces justificatives
- la formation aux marchés publics
- l'accompagnement à la dématérialisation des marchés
- le renforcement du sourcing
La loi Climat et Résilience et le SPASER vont également impacter les politiques d’achats responsables des 130 000 acheteurs publics.
Si les PME restent en tête des attributaires en 2022 avec 47% à 49% en volume et en valeur, loin devant les groupements d’entreprises, les ETI et grands groupes, la commande publique doit être davantage prise en considération. Tous ces signaux sont là pour se lancer dans les marchés publics et ainsi mieux « gérer » les incertitudes.
La hausse des coûts pour les acheteurs publics, vraiment ?
Après, il reste le frein de la hausse des prix, laquelle constitue un bouleversement dans l’accord initialement prévu entre l’acheteur public et l’entreprise. En effet, l’acheteur est en droit de tout arrêter. Seulement, si l’inflation par les marges est confirmée par la BCE, cela signifie que la hausse des prix pourra se stabiliser car les entreprises courront le risque de perdre des marchés. L’inflation par les coûts ne sera ainsi plus si justifiée.
Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, dans un tweet du 19 février 2023, cite d’ailleurs l’Economic Policy Institute pour qui les marges bénéficiaires des grandes entreprises américaines ont bondi de 40% depuis la pandémie de COVID-19. En France, le millésime 2022 a également été exceptionnel puisque les grandes sociétés cotées françaises ont enregistré un niveau d'activité sans précédent avec un chiffre d'affaires agrégé supérieur à 1 700 milliards d'euros.
L’inflation par les coûts aurait donc bon dos. En effet, la BCE reconnaît en off que l'inflation est alimentée par les superprofits des grands groupes qui profitent de la crise pour augmenter les prix. La boucle bénéfice-prix actuelle ne devrait pas impacter les achats publics si des mesures de correction sont prises sur le plan politique. On attend donc que la BCE sorte de son mutisme pour que des corrections soient apportées et ainsi éviter des défaillances contractuelles dans les achats publics.