Langoureux vertige...

par rosemar
jeudi 14 mars 2019

 

Hommage à la poésie, à la langue française et Alain Bashung qui nous a quittés le 14 mars 2009...

"Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !"
 
Ces vers célèbres de Baudelaire sont extraits d'un poème intitulé "Harmonie du soir", inséré dans Les Fleurs du mal. Baudelaire évoque, ici, une sorte de vertige des sensations, lié au crépuscule.
 
Le mot "vertige" vient d'un verbe latin "vertere" qui signifie "tourner" : l'étymologie révèle bien ce qu'est le vertige : un tournoiement de tête, un malaise, un égarement...
Le vertige nous fait "tourner", il nous fait perdre l'équilibre, il nous perturbe, nous trouble la vue... Le vertige est, souvent, un vrai malaise mais il peut être dû, aussi, à notre imagination.

 

C'est Montaigne qui, dans une page célèbre des Essais, analyse ce phénomène du vertige : Montaigne montre bien toutes les illusions de la perception et de la vue : on peut, parfois, éprouver une impression de vertige, quand on se trouve sur une hauteur, même lorsqu'on est protégé par un parapet, et que l'on ne court aucun danger.

 

C'est notre imagination qui intervient, qui nous fait éprouver de la peur, alors même qu'on ne risque rien : l'imagination nous trompe, nous abuse.

 

Le mot peut être utilisé, aussi, de façon imagée : le vertige de l'ambition, de la haine, de la jalousie, de l'amour, le vertige de la passion... Le mot suggère, alors, une forme d'égarement qui nous emporte dans un tourbillon.

 

Ce nom aux sonorités de fricative, de gutturale, de dentale et chuintante nous entraîne dans un tourbillon de consonnes variées et nous fait éprouver ainsi une sensation de vertige !

 

Etonnante correspondance entre le mot et la notion qu'il désigne !

 

Le vertige nous entraîne sur des échelles, des hauteurs de montagnes escarpées, des précipices, des sentiers périlleux.

 

Ce mot appartient à une famille très productive, issue du verbe latin, "vertere" : versant, versatile, verser, verset, versification, version, verso, adversaire, anniversaire, averse, aversion, bouleverser, controverse, conversation, conversion, déverser, divers, envers, inverse, irréversible, malversation, pervers, reconversion, renverser, subversif, tergiverser, transversal, travers, univers...

On voit, là, un vertige de mots dont la relation avec le sens initial "tourner" n'est pas toujours évidente !
 
Le terme "univers", par exemple, signifie d'abord : "tourné d'un seul élan vers", puis, "tous ensemble"... L'anniversaire "retourne" et revient tous les ans... Le "versus" ou le "vers" désigne, d'abord, le fait de "tourner" la charrue au bout du sillon, puis il évoque une ligne d'écriture.
 
Le vertige, quant à lui, nous fait tournoyer de peurs, d'émotions, de passions, parfois.
 
Associé au soir, dans le poème de Baudelaire, le mot suggère des moments qui nous conduisent vers l'oubli, le sommeil, les rêves...
 
Baudelaire nous entraîne dans un tourbillon d'images et de sensations... images religieuses, sensuelles, mélancoliques, liées à la nuit qui arrive...
 
Le poète arrive, même, à nous faire percevoir et ressentir la sensation de vertige, grâce à un chiasme, dans l'expression : "Valse mélancolique et langoureux vertige !" Les adjectifs inversés, dans les deux groupes de mots, suggèrent un tournoiement irrésistible.

 

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/article-langoureux-vertige-124257464.html

 

Vidéo : 
 

 
 


Lire l'article complet, et les commentaires