Rendez-vous au prochain orage... une chanson d’amour à la manière de Brassens...

par rosemar
mardi 15 février 2022

Une chanson d'amour associée au mauvais temps, à la pluie, à l'orage, ce texte de Brassens n'est pas une chanson ordinaire : on connaît bien sûr le fameux p'tit coin de parapluie qui offre au poète une rencontre délicieuse et éphémère...

Et puis, il y a l'orage qui permet encore une occasion de rencontre inattendue... et forcément un coup de foudre !

 

Ainsi, la chanson commence par une déclaration et une injonction paradoxales :

"Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps
Le beau temps me dégoûte et m'fait grincer les dents
Le bel azur me met en rage"

Et l'explication nous est donnée aussitôt :

"Car le plus grand amour qui m'fut donné sur terre
Je l'dois au mauvais temps, je l'dois à Jupiter
Il me tomba d'un ciel d'orage"

L'emploi du superlatif fait de cet amour une exception, ce qui suscite l'attention et la curiosité de l'auditeur... d'autant que cet amour semble comme tombé du ciel, et qu'il est même quasi divin puisque le poète utilise une référence mythologique : "Jupiter".

La description du soir d'orage qui intervient dans la strophe suivante est haute en couleurs : Brassens a recours, comme souvent, à un langage populaire et familier : "un vrai tonnerre de Brest avec des cris d'putois".

Et il nous fait voir et entendre toute la violence de cet orage qui devient "feux d'artifice", comme pour célébrer d'avance le nouvel amour qui va naître. Les sonorités de gutturales "r" et de dentales "t" et "d" viennent souligner l'intensité de cet orage.

 

Cet amour s'incarne dans la voisine du poète : celle-ci est évoquée avec vivacité et pittoresque, grâce à un verbe de mouvement "bondissant de sa couche", alors qu'elle est "en costume de nuit", une tenue qui va, bien sûr, favoriser la séduction.

Cette voisine réclame secours et assistance dans un discours direct, ce qui nous donne l'impression de vivre la scène :

"Je suis seule et j'ai peur, ouvrez-moi, par pitié
Mon époux vient d'partir faire son dur métier
Pauvre malheureux mercenaire
Contraint d'coucher dehors quand il fait mauvais temps
Pour la bonne raison qu'il est représentant


D'une maison de paratonnerres"

La belle semble tout de même surjouer la peur : elle insiste sur sa solitude, son désarroi, elle utilise un impératif insistant et elle évoque même l'absence de son époux pour justifier sa peur !

 

Quelle aubaine pour le poète ! Le mari qualifié pompeusement de "mercenaire" va en faire les frais...

Aussitôt, le poète ne perd pas de temps et passe à l'action, avec un certain humour :

"En bénissant le nom de Benjamin Franklin
Je l'ai mise en lieu sûr entre mes bras câlins"

On aime alors la pudique expression : "Et puis l'amour a fait le reste"

 

Le poète se permet même une adresse au mari trompé :

"Toi qui sèmes des paratonnerres à foison
Que n'en as-tu planté sur ta propre maison
Erreur, on ne peut plus funeste"

De fait, ce mari insouciant n'a pas pu empêcher le coup de foudre qui survient.

 

Et voilà la belle repartie en même temps que l'orage : elle n'oublie pas tout de même de prendre rendez-vous pour les jours d'intempérie... l'expression "rendez-vous" réitérée suggère l'empressement de la belle pour la prochaine occasion...

"Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs
La belle, ayant enfin conjuré sa frayeur
Et recouvré tout son courage
Rentra dans ses foyers faire sécher son mari
En m'donnant rendez-vous les jours d'intempérie
Rendez-vous au prochain orage"

 

Dès lors, le poète est dans l'attente : de nombreux verbes de perception "contempler, regarder, guetter, lorgner" viennent souligner sa quête d'un nouveau rendez-vous : il n'arrête pas de scruter le ciel dans l'espérance d'un nouvel orage.

Les noms de nuages s'accumulent aussi :"les nues, les stratus, les cumulus, les nimbus" montrant l'attention exacerbée du poète.

 

Hélas ! La belle ne revient pas... car le mari a fait fortune et a emmené sa femme vers "des cieux toujours bleus, Des pays imbéciles où jamais il ne pleut..."

La chanson se conclut sur une supplique à Dieu :

"Dieu fasse que ma complainte aille, tambour battant
Lui parler de la pluie, lui parler du gros temps
Auxquels on a tenu tête ensemble
Lui conter qu'un certain coup de foudre assassin
Dans le mille de mon cœur a laissé le dessin
D'une petite fleur qui lui ressemble"
 

Dans cette supplique, la chanson devient même un message adressé à la belle, un message qui a valeur de souvenir, un message qui pourra lui parvenir "tambour battant", ce qui peut évoquer encore le bruit tonitruant de la pluie...

 

Le poète parle enfin d'un "coup de foudre assassin" : une expression particulièrement adaptée à la situation, un coup de foudre qui est à double sens : celui, au propre, qui a tant effrayé sa voisine par ce soir d'orage, et celui, au figuré, qui a fait tomber le poète amoureux de sa belle voisine...

La mélodie emplie de gaieté et de vivacité restitue merveilleusement le bonheur de cette jolie rencontre...

 

Poésie, tendresse, humour, culture, tout un art du récit : un cocktail merveilleux dans cette chanson de Brassens !

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2022/02/rendez-vous-au-prochain-orage-une-chanson-d-amour-a-la-maniere-de-brassens.html

 

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