Woody Allen : Wonder Wheel

par Laconique
mercredi 10 juillet 2019

 Pris dans la tourmente « #MeToo », Woody Allen fait l’objet d’une désaffection de la part du public et du milieu du cinéma. Wonder Wheel, son dernier film, s’il a eu des critiques plutôt correctes, n’a pas trouvé son public en France, où il a réalisé un des pires scores au box office de toute sa carrière. C’est pourtant un film subtil et maîtrisé, où l’on retrouve toutes les qualités du réalisateur américain préféré des Français.

Vu Wonder Wheel, le dernier film de Woody Allen, avec beaucoup de plaisir. Woody Allen avait plus de quatre-vingts ans quand il a réalisé ce film, il pourrait rester chez lui devant sa télé à regarder des matchs de baseball et à siroter des cocktails, comme Michel Houellebecq qui sort un livre tous les cinq ans. Au lieu de cela, il continue à écrire des scénarios, à organiser des castings, à s’occuper des décors, des costumes, à tourner, à monter, etc. On sent chez lui une vraie passion pour la dramaturgie, les histoires complexes : dans Wonder Wheel il cite Shakespeare, Sophocle, Eugene O’Neill, Tchekhov, etc. Quel autre cinéaste pourrait en dire autant, à son âge ? Et il y a toujours chez lui cette concision, cette cruauté chirurgicale de l’intrigue, qui alterne avec des monologues plus amples où s’exprime le désarroi devant le temps qui passe et les promesses non tenues de l’existence. Élégance, intelligence, maîtrise totale de son sujet.

 Il est très intéressant de comparer les réactions suscitées par Wonder Wheel à celles qui avaient accompagné la sortie de Blue Jasmine, quatre ans plus tôt. Tout le monde s’était pâmé devant Blue Jasmine, Cate Blanchett a eu l’Oscar, etc., et j’étais pour ma part resté plutôt froid devant ce film que j’avais trouvé sec et anxiogène. Whonder Wheel reprend à peu près la même thématique (les affres d’une femme dans la quarantaine), en y ajoutant un cadre poétique, l’ambiance des années cinquante, la musique, des éclairages presque oniriques, et le film fait un four. « Me too » est passé par là. Ingratitude et inconséquence de tout ce milieu, des actrices en particulier, que Woody Allen a fait vivre et a sublimé pendant des décennies, et qui jurent maintenant qu’elles ne tourneront plus jamais avec lui. Le milieu du cinéma : milieu de l’instantané, de l’éphémère, de l’émotionnel, du vice dans ce qu’il a de plus substantiel. Woody Allen est suffisamment détaché et intelligent pour s’en remettre, il tourne déjà son prochain film en Espagne, mais on mesure dans cette affaire que, selon la Parole biblique, tout ce qui est offert aux idoles, si séduisantes soient-elles, est finalement voué à la perdition.

 Woody Allen est décidément mon réalisateur vivant préféré. Je retrouve chez lui ce rapport vraiment juif à l’existence, rapport distancié, caustique, jamais dupe. Au fond, les réalisateurs non juifs retombent toujours dans le panthéisme (Terrence Malick) ou dans les expériences extrêmes, l’idolâtrie de la femme, du plaisir, etc. (Nicolas Winding Refn, Gaspar Noé, etc.). Tous les travers déjà dénoncés par la Bible il y a des siècles. Seul le rapport biblique à l’existence, avec une transcendance radicale de Dieu, et un univers abandonné à sa propre misère, rend possible cette lucidité, cette ironie, cette netteté des contours que l’on retrouve également chez Kubrick, autre réalisateur juif. Stanley Kubrick, Woody Allen, qui d’autre placer au-dessus ? Qui d’autre pour prendre la relève ?


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