« 2011, année de la poésie », un canular ?
par
jeudi 24 mars 2011
Rencontre avec Jean-Pierre Lesieur.
Je recevais depuis quelques temps, sur un réseau social du genre Big Brother, des messages déclarant « 2011, année de la poésie » ! Intéressant me dis-je… Irréaliste, mais intéressant. Je suivi ce débat en MP, c’est comme ça qu’on appelle les messages privés, et la première initiative des quelques participants à l’opération « 2011 ! » fut la diffusion de poèmes tracts. Le tract, simple, gratuit, militant, un peu punk sur les bords, il correspond assez bien comme moyen de diffusion à la poésie finalement. J’imaginais moi-même quelques endroits où glisser ces tracts : dans le bus, dans les journaux gratuits du matin eux-mêmes laissés sur un siège du métro, encore mieux : dans des livres sur les rayons d’une grande librairie…
Le petit monde de la poésie, parent pauvre d’une littérature française déjà orpheline, m’a toujours fasciné. C’est un monde remplie de poètes, bien évidement, qui envoie leurs poèmes par centaines et font tout pour se faire publier n’importe où, mais aussi par des gens qui s’investissent à fond. Des gens qui sacrifient le peu de temps libre et de deniers qu’ils possèdent, se font éditeurs, créent des revues à partir de trois francs six sous… Pour au final pas tant de lecteurs. Me considérant moi-même comme « poète », je connais la frustration et la désillusion et je reste donc fasciné par ces gens qui ne font que bouger et se font passeurs de paroles de poètes.
J’ai donc décidé de mener ma petite enquête en contactant l’homme à l’initiative de cette « année en poésie », j’ai nommé, le sieur Jean-Pierre Lesieur. Pour ceux qui s’intéressent à une autre poésie que la poésie « Gallimard », ce nom n’est pas étranger. En effet, Jean-Pierre Lesieur, né à Paris en 1935, commença en tant que mécanicien, se retrouva instituteur puis directeur d’école (itinéraire totalement impossible de nos jours si bien aseptisés). En tant que poète, il publia dans de nombreux recueils, revues ou anthologies. Mais participa aussi à la création de trois revues et dirige maintenant la revue « Comme en Poésie ». Cela fait quarante ans qu’il milite pour la poésie, et « ce n’est pas maintenant qu’(il) va laisser tomber » ! Le fait qu’il ne soit pas passer par le « formatage » universitaire a maintenu, chez lui, simplicité d’âme, spontanéité et franc-parler. Voici donc ce qu’il a bien voulu nous dire :
« 2011, année de la poésie ? Un canular dérisoire car je n’ai pas les moyens financiers, ni les relations mondiales pour monter une telle entreprise. J’en ai profité pour lancer sur facebook le poème tract, la diffusion d’un poème écrit sur feuille, dans la nature, par des poètes. J’ai limité à facebook pour ces raisons. Il sera ce que les poètes voudront bien en faire. »
Il y a beaucoup d'initiatives comme le printemps des poètes ou le marché de la poésie pour ne citer que ceux-là, cependant les ventes des poètes contemporains n'augmentent pas, à quoi cela est-il dû ?
« Le printemps des poètes est devenu institutionnel et vit aves les subsides du ministère de la culture. Pourquoi seulement un printemps, c’est idiot et souvent contreproductif. Il induit beaucoup de manifestations mais je ne crois pas qu’il permette la lecture de la poésie à long terme. On achète sur un événement et ça ne suit pas. Il faut que j’ajoute que le printemps tente de durer toute l’année, ce qui est un paradoxe climatique.
Le marché de la poésie comme son nom l’indique c’est un marché, vendre et acheter, certains m’ont dit qu’ils vendaient beaucoup, mais souvent ce sont des abonnés aux revues ou des lecteurs déjà potentiels qui viennent, rarement de nouveaux lecteurs.
Il y a aussi les salons, certains sont gratuits, d’autres payants, ils demandent un investissement personnel et financier : déplacements, prix de la table, logement sur place, pas facile non plus de se faire inviter gratuitement par des DRACS et autres organismes chargés de la promotion du livre. Les poètes deviennent militants de la diffusion de leurs écrits, car plus personne n’accepte d’en faire la diffusion et souvent sont obligés d’investir leurs deniers personnels qu’ils ne retrouvent jamais.
Quelques éditeurs spécialisés tentent vainement de maintenir en place l’édition à compte d’éditeur et sa diffusion en s’investissant personnellement et souvent seuls.
Les ventes de poésie stagnent parce que l’école ne s’en occupe pas, les médias l’ignorent sauf au printemps et encore, la poésie n’est pas suffisamment en situation événementielle, la lecture en est parfois ardue ou intellectuelle. La lecture diminue en France et chez les jeunes. »
Quel a été votre premier contact avec la poésie ?
« Mon premier contact fut avec le poète Prévert et toute ma poésie en découla par la suite. »
Quel a été votre dernier coup de cœur en poésie contemporaine ?
« Mes coups de cœur pour les poètes sont quotidiens à travers les textes que je reçois pour la revue. Il y a plein de bons poètes aujourd’hui, je me sens incapable d’en extraire un ou une. Disons que globalement la poésie actuelle mériterait mieux que le sort qu’on lui destine. »
2011, année de la poésie, un « canular dérisoire » ? Peut-être. « Il sera ce que les poètes voudront bien en faire »… Et pourquoi ne pas tous s’y mettre ? Dés maintenant… A vos tracts ! A vos livres de poésie !
Si vous désirez en savoir plus sur cette initiative, vous pouvez contacter Jean-Pierre Lesieur : j.lesieur@orange.fr .