Albert Camus... Le Prince de Belcourt
par jack mandon
mercredi 13 janvier 2010
Cela se voyait
trop qu’il était le plus grand dans sa noble indigence,
Cela se voyait trop, sous ses airs de gavroche algérois,
qu’il était fils de roi.
Son père, le
monarque était mort en croisade contre les ostrogoths.
Pour la terre des ancêtres, son père, qu’il ne connaissait pas s’en était allé.
Maintenant sans modèle, errait abandonné, solitaire, le soleil pour témoin.
Phébus pour seul ami d’esprit, posait de ses raies les premières voies.
L’étrange dramaturge, à l’antique espérance, plaçait ses premières voix.
Pour la terre des ancêtres, son père, qu’il ne connaissait pas s’en était allé.
Maintenant sans modèle, errait abandonné, solitaire, le soleil pour témoin.
Phébus pour seul ami d’esprit, posait de ses raies les premières voies.
L’étrange dramaturge, à l’antique espérance, plaçait ses premières voix.
Mais quels furent les moments et circonstances qui étayèrent son humanité et marquèrent sa destinée ?
Le cadre méditerranéen, son enfance gorgée de soleil et de sensations lui "rendirent sa misère fastueuse et participèrent, primordiales, à la formation de sa personnalité."
En ce temps de régence, il partageait avec ses "sujets" les plages algéroises. Ses copains de fortune contestaient cependant son autorité. Ils aimaient lui rappeler ses origines alsaciennes et le traitaient de "boche". Après ces moments de rixes et de cruautés aux enfants coutumières, il regagnait sa rue.
Les ombres sonores et populeuses, épicées, odorantes et colorées. Souvenirs prégnants de l’empire ottoman, portes de l’orient, empreintes de luxures, théâtrale, atmosphère aux contours somptueux... Alger la blanche, ville de lumière.
Puis il se retrouvait au coeur de son royaume.
En son domaine sévissait une régente autoritaire, la reine mère, sa grand-mère. Dans son esprit de visionnaire fantasmatique, elle s’imposa sans doute dans un rôle de mère redoutable. Ainsi naturellement, tout enfant est enclin a grandir les images de premier plan qui s’imposent à lui. La mère redoutable érige, obligatoire, le matriarcat. C’est la face possessive, absorbante, " super-protectrice" qui peut menacer le développement, l’épanouissement, l’indépendance de l’enfant.
Cependant, elle forgera ses racines, l’attention au réel, au présent. C’est le bon sens naturel, les vues positives et réalistes, ses contacts faciles et amicaux. Sensoriel il le sera dans l’excès, plongeant dans les volutes sournoises de la nicotine, alimentant, suicidaire, la tuberculose qui rongeait son intégrité.
Dans la force de l’âge il revêtira la toge du roi légendaire de Chypre, Pygmalion...que ne faut il pas faire pour échapper à l’autorité des femmes...les séduire, les charmer, les détruire, les nier.
La vraie maman effacée et fragile n’assumera pas ses responsabilités éducatives, elle les abandonnera à la régente. La maman d’un poète, qui ne comprend un interlocuteur qu’en lisant sur ses lèvres...ce que le langage commun nomme la surdité et l’analphabétisme constituera une relation privilégiée entre elle et son enfant qui lui vouera amour et vénération.
Au panthéon des archétypes elle représente secrètement la prêtresse. Elle est la source de l’amour et de l’inspiration, la muse. Elle lui offrira un cadeau de roi, la fonction du devenir, l’intemporalité de la perception conjuguée à tous les temps, l’intuition du visionnaire.
Le père manquant ?...et les psychanalystes de faire assaut d’imagination ; on pourrait concevoir un père imaginaire, un père symbolique ou un père réel ( à condition de prendre la précaution de dire que le réel n’existe pas ), toute cette abondance de signifiants autour du père ne cache qu’une chose : c’est que le signifié père est vide.
"Père, pourquoi m’as tu abandonné ?"
Pour autant que les mythes nous révèlent les structures de base de l’histoire, nous pourrions dire que le silence du père et la plainte du fils se trouvaient déjà annoncés par le mythe chrétien. Le mythe central qui a guidé les derniers millénaires de notre évolution est étonnamment marqué par l’absence du père.
Dans le creuset de son enfance, le soleil au-dessus de lui prévalait , mais la puissance lunaire du matriarcat régnait sans partage.
Alger la blanche, la grande mère et la prêtresse veillaient. Dans le coeur du dramaturge, Sisyphe le colosse émergeait.
L’imaginaire et le don de l’écriture firent le reste. De l’empire matriarcal, le monde de l’évidence, de l’immédiateté, il décida de pousser le rocher du monde intemporel de l’abstraction dans l’univers patriarcal.
Nous sommes déterminés par le langage, notre destin peut se trouver orienté par le simple jeu de signes, de symboles et de lettres.
L’ancien monde oriental disparu, dans l’angoisse de son questionnement, Albert Camus, méditerranéen dans l’âme restaure l’image de ce géant pour le planter dans un décor contemporain.
Dans une adaptation métaphorique il donne à Sisyphe, l’occasion de ne pas consentir au destin qui l’opprime. Il trouve sa grandeur dans la modernité. Albert Camus, dans son mythe, rapproche sa conception de l’homme du personnage légendaire. Son récit en grande partie imaginaire aborde un thème universel et critique : La quête du bonheur et de la raison.
Son modèle prend en main son propre destin pour supporter l’absurdité de sa situation. Son personnage s’impose un combat. C’est la grandeur de l’homme restauré dans la dignité. Dans une volonté à toute épreuve, il paye le prix de son exaltation pour la vie. Ainsi il maitrise ses jours et s’efforce d’estimer la vanité des répétitions éternelles.
La joie silencieuse de l’homme se manifeste dans la possession triomphante de la fatalité. Sa volonté de vivre surpasse l’idée du néant. Son combat n’est pas sans souffrance, mais dans un puissant effort, il dégage une satisfaction et une sérénité. Il devient le créateur de sa vie.
Je laisse à la multitude d’admirateurs et de spécialistes le soin de poursuivre le voyage à l’ombre de cette montagne paisible et fraternelle.