Alexandre Dumas : la revanche de l’esclave
par Théodore Martial
lundi 2 janvier 2006
Le premier janvier 1804, Saint-Domingue, ex-colonie française, proclame son indépendance. C’est ainsi qu’Haïti, (le nom originel donné à l’île par ses premiers habitants amérindiens) devint le premier Etat noir au monde à se libérer par ses propres moyens.
Mais Haïti, ce fut aussi la terre qui connut le mélange d’un "sang bleu" avec le vigoureux sang africain : l’union d’un aristocrate normand, Alexandre Davy de La Pailleterie, et d’une esclave noire, Marie-Césette Dumas. De leurs amours naquit un fils, qui reprit le nom de sa mère, quand il s’engagea dans les dragons de la reine : de simple soldat, ce géant, au propre comme au figuré, deviendra général en sept ans, le général Dumas (très proche de Bonaparte, avec lequel il se brouillera lors de la campagne d’Egypte).
Deux années passées dans les geôles italiennes, et surtout la discrimination raciale dont il fut l’objet après le rétablissement de l’esclavage par Napoléon en 1802, auront raison du colosse : il s’éteindra en 1806, après avoir donné la vie à un certain Alexandre Dumas ! C’est ce dernier, plus encore qu’Alexandre Dumas fils (malgré sa Dame aux camélias), qui "vengera" (pacifiquement), par ses succès littéraires (y compris posthumes), le mulâtre devenu général.
L’Alexandre Dumas des Trois Mousquetaires et du Comte de Monte-Cristo, parcourut en effet un "chemin semé de couronnes et de pièces d’or", envers et contre la loi sur l’esclavage, qui ne sera abolie en France qu’en 1848 ! L’entrée de ses cendres au Panthéon, en 2002, et la récente inauguration, en grandes pompes, de sa statue (détruite par l’occupant nazi en 1942), copie conforme de l’originale (1885), dans sa ville natale de Villers-Cotterêts (dans l’Aisne), le 11 décembre dernier, furent les ultimes hommages rendus au grand homme et, à travers lui, à toutes les "victimes résilientes" de toutes les colonisations !