Alice aux pays des salades

par sycander
vendredi 26 mars 2010

Avec sa 3D, Burton aura réussi un paris risqué : ne pas me donner envie de vomir.

Et merdre.

J’avais déjà écrit une pleine page d’article sur Alice au pays des merveilles, de Tim Burton. J’y décrivais ce que j’ai nommé la Burton’s Touch, of the Death of the Movie, et ses répercussions catastrophiques sur des films comme La planète des singes, Sweeney Todd, et évidemment, sur sa dernière éjaculation cérébrale, Alice au pays des merveilles. Une éjaculation en 3D. Super. Utile. Je faisais le parallèle entre Burton et un Dieu, rapport aux orgasmes à répétition à la simple entente de son nom, j’émettais l’hypothèse qu’il puisse posséder divers avatars. J’en étais à deux doigts de dire que ses scénarios, quand ils n’appartenaient pas à son avatar du Remake (divinité maléfique, il faut croire), n’étaient pas de lui. Qu’il les entendait. Que c’étaient les poux et les morpions présents dans son cuir chevelu qui, ayant depuis bien longtemps acquis une forme d’intelligence, faisaient des réunions autour du shampooing pour raconter des histoires, et que Tim pouvait les entendre, et en faisait des films.

Une sorte d’hommage capillaire.

J’avais commencé à décrire les personnages, et leurs reflets1 par rapports aux oeuvres de Lewis Caroll. Je les recevais un par un, dans mon office. Et je les faisais se baisser. Et je les faisais tousser.

J’évoquai aussi l’inutilité de la 3D pour ce film. Aussi utile que de manger un banana split en plein hiver, la fenêtre ouverte, et sans chocolat, ou sans banane.

Enfin, je parlai de ma peur de l’avatar comédie musicale, me rappelant ma soirée, passée en position fœtale, lors de mon unique visionnage de Sweeney Todd.

Sur ce point, je fus ravi2. Dans Alice, rien ne part en cahuète de chanson.

Enfin, je n’ai plus accès à mon brouillon.

Je n’ai pas compris. Paraît que ce film est de Tim Burton. Ah. Oui, ça marche pour les trente premières minutes. Non. Je délire. ça marche pour les dix premières minutes après qu’Alice arrive au « pays des merveilles ». Pays si plat qu’il ressemble à la Belgique… Enfin, ça, c’est sans doute dû à la 3D3. Burton a ce talent indéniable d’avoir un univers personnel4 reconnaissable, un peu comme José Dayan. Un film de Burton, c’est un Burton. On reconnaît de suite sa patte gothico-morbide, à ses ombres mouvantes et sinistres. Je reconnais qu’à un moment, on voit des arbres aux branches épineuses et retournées sur elles mêmes.

D’Alice au pays des merveilles, et de De l’autre côté du miroir5, Burton n’a qu’à peine retenu les noms. J’étais sur le point d’écrire : « les personnages », mais je me suis ravisé, par soucis d’honnêteté.

Oh, oui, Alice est candide, et l’actrice est savoureuse. Un vrai beignet à croquer.

J’ai l’impression que tout le reste n’est qu’une fuite de cerveau. Eh bien, parlons de Johnny Depp, après tout c’est lui, l’affiche.

Pour appâter les foules, me direz-vous ?

Vous n’auriez pas tort. Ici, c’est le maquillage qui joue6. Pas Johnny. Personnellement, je pense qu’il n’a jamais aussi mal joué7, dommage pour un acteur de sa trempe. Rien qu’accepter ce rôle de chapelier fou/chevalier est, en soit, une ineptie. A part de rares moments où l’on retrouve le personnage des livres, Johnny joue le rôle d’un chapelier fou, pas fou. Fou, un petit peu. Pas fou. Le freestyle va un peut trop loin.

Ah, mais ! ça comblera les amateur de Burton, qui trouveront ça fabuleux, tout simplement. Si vous connaissez un tant soit peu les deux éditions de l’histoire, vous serez déçus. Que dis-je : vous ne comprendrez pas.

Si à la limite, le film suivait le grand n’importe quoi de la danse de fin... A la limite... Non.

Je ne vais pas être vache. En fait, jusqu’à ce qu’on voit la reine rouge, le film est très sympathique. Mais alors, respectons cette limite. Après, on est plongé dans Le monde de Narnia, et oubliez tout ce que vous savez sur Alice. Le chapelier devient chevalier, il y a une grande bataille8, et des soldats, et des bêtes fantastiques !!! Whohou !!! Bref, c’est du délire… Un manque de respect somme toute. Non. Pire. De l’ingestion par le gros ver Disney. Ver à qui Burton a vendu son talent, et là, il s’est installé sur une salade.

Ce film n’est qu’un coup de pub. C’est un amasse fric. Johnny en affiche. Depp partout. De la 3D pour attirer le chaland9(vais-je rappeler l’inutilité de cette 3D ?10 ), un titre prestigieux11… Tout ça, c’est une histoire de licence, en gros. Dommage que cette licence soit faite sur une œuvre littéraire comme celle-ci, et que pour la foule, elle fasse bientôt office de canon12. Bref, ce film vaut autant qu’une attraction de Disneyland. Disney qui nous sert une bonne grosse salade, si je puis me permettre.

J’entends dire que ce film est fabuleux, fantastique… Il reste marquer d’un sceau Disney très politiquement correct (je vous laisse deviner la réception première des bouquins de Carroll), et gentil. Pitoyable pour du Burton. Du pitoyable auquel il nous habitue depuis dix ans. Et on l’admire toujours autant.

C’est bête.

Il a les moyens… Il avait le talent.

grmpf.

Illusion et déception13. Deux livres pris, malaxés, égouttés, essorés, vinaigrés de sauce Burton, et jetés à la foule comme il se doit, dans l’unique but de faire du fric. Il aurait au moins pu changer le titre.

Réveillez-vous. C’est un rêve. Burton est devenu une imposture. Alors mettez-vous devant un bon Terry Gilliam, et appréciez sa malédiction, et son univers, bien plus authentique dans son onirisme sombre et coloré.

  1. Quel talent. Mais quel talent. []
  2. même si un frisson me parcourait souvent. La peur de la comédie musicale, c’est tenace. Les traumatismes aussi. []
  3. Ce film est peut être sponsorisé par des ophtalmos, parce que pendant deux heures, j’ai cru être astigmate. []
  4. Les poux, sans doute. []
  5. l’égalité des chances était inconnue à l’époque. []
  6. D’une manière générale, il n’y a que des effets spéciaux qui jouent dans ce film []
  7. zozotements, pas zozotements… gné ? []
  8. un ersatz. Un ersatz. []
  9. La 3D a le don de me foutre la gerbe. Quoique ici, moins que dans Avatar, voire pas du tout. D’où l’entête. []
  10. La Rafle en 3D, ça doit déchirer sévère ! []
  11. Qui n’a rien à voir avec l’original, mais on y croit... []
  12. on doit pouvoir mesurer la valeur canonique d’un film au nombre de sonneries de portables et de chuchotements qu’on entend pendant la séance du premier mercredi après midi. []
  13. Non, en fait, Anne Hathaway a ici le rôle de sa vie. []

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