« Andorra » Haro ! sur la Différence au Théâtre 13
par Theothea.com
lundi 25 janvier 2016
Être ou ne pas être « Juif » à Andorra, telle pourrait être la problématique posée par Max Frisch dans sa pièce de 1965, alors que les Casaques noires seraient sur le point d’envahir la tranquille ville prônant les valeurs universelles d’accueil et d’hospitalité, si ce n’est qu’Andri n’est peut-être pas le personnage que les uns et les autres vont instrumentaliser au gré de leurs intérêts existentiels.
En effet, le cercle vicieux ou vertueux engendré par les bons sentiments ou les mauvais semble, à chacune des deux options, déraper en posture collective non maîtrisable, tant l’emballement grégaire apparaît fatal à la véritable reconnaissance de l’être humain « mal identifié ».
Ainsi, Andri devient tour à tour, contre son gré, le jouet de forces occultes contradictoires le transformant d’un être hyper protégé par tous en objet d’exclusion radicale sans qu’aucun procès en justifie la moindre motivation.
De fait, qu’il soit le fruit d’une relation illégitime ou le réfugié étranger recueilli par la population locale, qu’importe la vérité ou le mensonge de son père qu’il soit adoptif ou naturel, seule va compter la puissance de la rumeur instituant le modèle de jugement redoutable successivement à charge ou à défense.
Pire, lui-même va intégrer les codes identitaires de ses protecteurs ou détracteurs, c’est-à-dire ces mêmes individus de « bonne conscience » emportés par l’idéologie du moment le constituant ainsi en victime perpétuellement offerte au quand dira-t-on.
Le meilleur bourreau de lui-même prenant ainsi les armes menaçant sa propre intégrité, c’est peu de dire que sa destinée pourra s’écrire en souffre-douleur assumé jusqu’au bout de la dénégation vitale.
Alors qu’importe qu’Andri soit ou ne soit point « Juif », c’est bien le rejet de la différence qui constitue l’élan de la parabole contée par Max Frisch au sein des habitants d’Andorra, petite ville tellement tranquille que d’aucuns pourraient la croire imaginaire.
Mais non, la lâcheté, l’irresponsabilité voire l’amour-haine autant collectifs qu’individuels y règnent en maître, là comme ailleurs dans nos contrées tellement civilisées qu’ils en deviendraient, le temps de la représentation conceptuellement actualisée par Fabian Chappuis et sensitivement interprétée par la Compagnie Orten, … quasiment « intemporels » !
photos © Loran Perrin
ANDORRA - **.. Theothea.com - de Max Frisch - mise en scène Fabian Chappuis - avec Alban Aumard, Anne Coutureau, Romain Dutheil, Stéphanie Labbé, Hugo Malpeyre, Laurent d’Olce, Loïc Risser, Marie-Céline Tuvache, Elisabeth Ventura & Eric Wolfer - Théâtre 13
- ANDORRA
- photo © Loran Perrin