« Andromaque » sacrifiée par Muriel Mayette à la Comédie Française
par Theothea.com
lundi 15 novembre 2010
- ANDROMAQUE
- de Jean Racine ms Muriel Mayette Cécile Brune & Eric Ruf photo © Cat.S - Theothea.com
Dans un décor épuré et sensuel (Yves Bernard), sur fond bleu azuréen où s’érigent les doubles colonnes doriques d’un temple grec, balayées par de fines tentures secouées par une brise légère, apparaissent les silhouettes des acteurs de cette tragédie racinienne, figures empanachées de voilages transparents et beiges (Virginie Merlin), telles des ailes de papillons.
La tonalité dominante des tons grèges et sable semble apaisante et harmoniser ce sobre espace dans lequel, en contrepoint, comme dans un jeu d’échecs, avanceront ou disparaîtront les pions hiératiques de ce drame, figés par le poids de l’Histoire, après la guerre de Troie, et l’histoire d’amours contrariées, celles d’Oreste qui aime Hermione qui, elle, aime Pyrrhus, fils d’Achille et roi d’Epire qui, lui, aime Andromaque la troyenne, laquelle se veut fidèle à Hector tué par Achille, père de Pyrrhus.
Chez Racine, cette tragédie est portée par la musicalité des alexandrins, tel un chant des êtres éperdus de souffrance, blessés à mort.
Dans la mise en scène de Muriel Mayette, cette musicalité devient le théâtre de la pensée intérieure, les corps rejetés en arrière deviennent armures pour rester debout malgré le destin acharné puissamment sur eux, mais cette sidération apparente des acteurs se fait trop pesante chez Andromaque (Cécile Brune), qui, dans une forme de lassitude raide et d’une voix trop monocorde nous paraît fatiguée et manque d’énergie pour exprimer la dualité entre sa fidélité troyenne et le désir de sauver son enfant, Astyanax, enjeu de chantage, en épousant Pyrrhus, ici interprété par Eric Ruf, statue de marbre, tendu sur lui-même par l’oppression d’être le héros victorieux du massacre et qui, tel un chat sauvage, d’une voix grave, rugit soudainement d’accès de rage incontrôlée.
De ces voix somnambuliques, comme hypnotisées par le cauchemar de la culpabilité et les traumatismes engendrés, se détache Hermione, fougueuse Léonie Simaga qui injecte une belle fureur à sa prestation bouillante et passionnée pour venger son honneur.
Une diction bien travaillée, mais trop linéaire, même lorsque Oreste (Clément Hervieu- Léger), désespéré et maudit, sombre dans la folie et les serpents de l’enfer, et dont l’accent devient métallique.
Une articulation trop appuyée qui nuit à la limpidité de la musicalité racinienne et à l’explosion de la chaîne amoureuse exprimée dans Andromaque.
Les déchirements de l’âme, les remords, la culpabilité, les trahisons qui poussent à la mort et à la folie ne nous émeuvent pas suffisamment, en raison d’une mise en scène trop distanciée par l’art de dire et sans regards échangés entre les interprètes, comme les pions, dans leur verticalité désincarnée, sur l’échiquier, et qui finissent par tomber un à un dans la nuit noire et froide du sacrifice.
photo © Cat.S - Theothea.com
ANDROMAQUE - **.. Cat.S Theothea.com - de Jean Racine - mise en scène : Muriel Mayette - avec Cécile Brune, Eric Ruf, Céline Samie, Léonie Simaga, Clément Hervieu-Léger, Stéphane Varupenne, Suliane Brahim, Aurélien Recoing, Julie-Marie Parmentier - Comédie Française